• 24 Juil 2025
  • Iran
  • Communiqué de presse

Iran/Israël. L’utilisation d’armes à sous-munitions par les forces iraniennes lors de la « guerre des 12 jours » a bafoué le droit international humanitaire

  • Des frappes illégales de missiles balistiques utilisant des bombes à sous-munitions ont atterri dans des zones résidentielles en Israël.
  • « Parce qu’elles sont non discriminantes par nature, les armes à sous-munitions ne doivent jamais être utilisées » - Erika Guevara Rosas

L’utilisation d’armes à sous-munitions par les forces iraniennes pendant la « guerre des 12 jours » contre Israël constitue une violation flagrante du droit international humanitaire, a déclaré Amnistie internationale jeudi 24 juillet 2025.

Le mois dernier, les forces iraniennes ont tiré des missiles balistiques, dont les ogives contenaient des sous-munitions, sur des zones résidentielles densément peuplées en Israël, lors d’attaques mettant en danger les civil·e·s. Amnistie internationale a analysé des photos et des vidéos montrant des bombes à sous-munitions qui, selon les médias, ont frappé la zone métropolitaine de Gush Dan autour de Tel Aviv, le 19 juin

Par ailleurs, les villes de Beersheba, dans le sud d’Israël (20 juin), et de Rishon LeZion, au sud de Tel Aviv (22 juin), ont également été touchées par des projectiles ayant laissé des cratères d’impact correspondant aux sous-munitions observées à Gush Dan. Des sous-munitions de ce type ont touché une école et un terrain de basket-ball à Beersheba, mais aucun mort ni blessé n’a été signalé.

« Les bombes à sous-munitions sont des armes frappant sans discrimination, qui ne doivent jamais être utilisées. En employant ce type d’armes dans des zones résidentielles ou à proximité de celles-ci, les forces iraniennes ont mis en péril des vies civiles et affiché un mépris flagrant pour le droit international humanitaire », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice Recherche, plaidoyer, politiques et campagnes à Amnistie internationale.

« Les civil·e·s, en particulier les enfants, sont les plus exposés à un risque de blessure ou de mort par les sous-munitions non explosées. Le recours délibéré des autorités iraniennes à des armes qui par nature frappent sans discrimination est une violation flagrante du droit international humanitaire. » 

Le droit international humanitaire coutumier interdit l’utilisation d’armes non discriminantes par nature, et lancer des attaques aveugles qui tuent ou blessent des civil·e·s constitue un crime de guerre.

Les armes à sous-munitions sont des armes classiques conçues pour disperser ou libérer de petites sous-munitions explosives. Généralement, ces sous-munitions sont lancées et dispersées par des roquettes, des obus ou des bombes larguées depuis le ciel, dispersant les munitions sur une vaste superficie, parfois aussi grande qu’un terrain de football, qui restent souvent non explosée. 

Selon les médias, les ogives déployées par les forces iraniennes contre Israël ont dispersé leur charge plusieurs kilomètres au-dessus du sol, répandant leurs sous-munitions sur une zone très étendue.

De nombreux dispositifs ont un taux de non-explosion élevé et laissent de larges zones contaminées par des engins qui peuvent conserver leur capacité meurtrière pendant des années, voire des dizaines d’années après la fin d’un conflit. 

La Convention sur les armes à sous-munitions, entrée en vigueur le 1er août 2010, interdit l’utilisation, la production, le stockage et le transfert de ces armes. Amnistie internationale a demandé à tous les États n’ayant pas encore adhéré à la Convention sur les armes à sous-munitions, notamment l’Iran et Israël, à devenir parties à celle-ci et à en respecter strictement les dispositions. 

Le 15 juillet 2025, Amnistie internationale a envoyé aux autorités iraniennes des questions concernant l’utilisation d’armes à sous-munitions. Au moment de la publication du présent document, elle n’avait pas reçu de réponse.

Missiles tirés sur Israël

Le 19 juin 2025, selon les médias, l’armée israélienne a annoncé que les forces iraniennes avaient tiré « un missile contenant des bombes à sous-munitions sur une zone civile densément peuplée » dans le centre d’Israël, et qu’une vingtaine de sous-munitions étaient tombées dans un rayon estimé à huit kilomètres.

Les experts en armement d’Amnistie internationale ont pu identifier une sous-munition non explosée qui aurait été trouvée dans l’agglomération de Gush Dan le 19 juin. Amnistie internationale n’a pas pu déterminer de manière indépendante où cette sous-munition était tombée. 

Selon le journal Haaretz, une autre arme à sous-munitions a frappé, peu après 7 heures du matin, le dernier étage d’une maison à Azor, où un homme et son fils dormaient. Ils ont été réveillés par les sirènes et ont réussi à rejoindre une pièce sécurisée au rez-de-chaussée juste avant que la sous-munition n’atterrisse.

Les experts en armement d’Amnistie internationale ont identifié les sous-munitions (ci-dessus) à partir d’images diffusées par les médias, qui ont cité le Commandement du Front intérieur de l’armée israélienne. 

Les médias ont en outre fait état d’impacts simultanés à Beersheba le 20 juin, ce qui semble indiquer que des armes à sous-munitions ont également été utilisées dans cette zone. Parmi les différents sites touchés, Amnistie internationale a pu confirmer qu’une sous-munition était tombée sur le terrain de basket-ball de l’école de Gevim à Beersheba. Aucun mort ni blessé n’a été signalé. Toutefois, en raison du taux élevé de non-explosion, il est possible que des munitions non explosées qui n’ont pas encore été trouvées fassent des morts ou des blessés à l’avenir.

Les médias israéliens ont également fait état d’une attaque utilisant des armes à sous-munitions à Rishon LeZion le 22 juin. Amnistie internationale a analysé des photographies d’un cratère dans une rue résidentielle, qui ressemblait aux cratères d’impact causés par les sous-munitions utilisées lors de l’attaque contre la zone de Gush Dan.

Les missiles balistiques employés par les forces iraniennes se sont révélés extrêmement imprécis et donc totalement inappropriés pour une utilisation à proximité ou dans des zones résidentielles civiles. Par exemple, une analyse des frappes de missiles balistiques effectuées par les forces iraniennes contre Israël en octobre 2024 a montré que les missiles ont raté leur cible d’au moins un demi-kilomètre, en moyenne.

Le droit international humanitaire interdit les attaques menées sans discernement, notamment avec des armes ne pouvant pas viser un objectif militaire spécifique.

Sous-munitions stabilisées

Bien qu’il n’ait pas été possible de déterminer précisément quel type de missile balistique a été utilisé lors de ces trois attaques, les sous-munitions qu’il a dispersées présentent une forte ressemblance avec une sous-munition stabilisée par des ailettes qui semble avoir atterri dans la ville de Gorgan, dans la province du Golestan, en Iran, le 18 septembre 2023, à la suite de l’échec d’un essai de missile. Deux citoyens auraient alors été blessés.

Une photo de cette sous-munition a été rendue publique par Mashregh News, un organe de presse iranien, alors que de nombreuses informations faisaient état d’explosions et d’atterrissages de munitions dans la ville et ses environs. Les autorités iraniennes n’ont pas reconnu avoir testé d’armes à sous-munitions ; le ministère iranien de la Défense a au contraire annoncé le 18 septembre 2023 que « lors d’un test de recherche sur des systèmes offensifs et des drones mené dans une zone désertique, l’un des systèmes évalués a connu un dysfonctionnement technique, a dévié de la trajectoire prévue et s’est désintégré, des morceaux tombant dans diverses zones de la ville de Gorgan. »

Les armes à sous-munitions utilisées par les forces iraniennes ressemblent également à celles présentées lors d’expositions de défense à Téhéran en 2016. 

Contexte

Lors de l’intensification des hostilités entre Israël et l’Iran, au moins 1 100 personnes ont été tuées en Iran, dont au moins 132 femmes et 45 enfants, selon la Fondation iranienne pour les martyrs et les anciens combattants. Amnistie internationale demande que l’attaque menée par Israël contre la prison d’Evin, à Téhéran, le 23 juin, qui a tué et blessé de nombreux civil·e·s, dont un enfant, fasse l’objet d’une enquête approfondie et soit considérée comme un crime de guerre.

Selon le ministère israélien de la Santé, au moins 29 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées lors d’attaques iraniennes en Israël. Dans l’un des cas les plus meurtriers, quatre membres d’une même famille - trois femmes et un enfant - ont été tués par un missile iranien qui a frappé la ville palestinienne de Tamra, dans le nord d’Israël, le 14 juin.