Ghana. Le nouveau président doit s’attaquer aux problèmes urgents en matière de droits humains
Le nouveau président du Ghana, John Mahama, et son gouvernement doivent saisir l’occasion de ce mandat pour assurer la promotion et la protection des droits humains, notamment l’égalité des genres et les droits des femmes, le droit à la liberté de réunion pacifique et le droit à un environnement sain pour tous les habitants du pays, a déclaré Amnistie internationale aujourd’hui, à l’occasion de sa prestation de serment.
« Le président John Mahama et son nouveau gouvernement devraient s’efforcer d’établir des priorités et de s’attaquer frontalement aux principaux problèmes en matière de droits humains au cours des prochaines années. Cela doit inclure les obstacles persistants à l’égalité des genres et la protection des femmes contre les accusations de sorcellerie et les attaques rituelles. La répression, l’année dernière, des manifestations pacifiques contre l’impact environnemental de l’exploitation minière dite ‘galamsey’ montre à quel point il est important à la fois de modifier la loi sur l’ordre public pour protéger le droit à la liberté de réunion pacifique et de mettre un terme à l’exploitation minière illégale », a déclaré Marceau Sivieude, directeur régional par intérim d’Amnistie internationale pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Il est temps d’accroître la participation des femmes à la vie politique et publique
En 2024, moins de 15 % des 275 membres du parlement ghanéen étaient des femmes. La loi sur la discrimination positive, adoptée en juillet 2024 et promulguée en septembre 2024, vise à accroître la participation des femmes dans les sphères politique, économique et sociétale pour atteindre au moins 30 % d’ici 2026 et 50 % d’ici 2030.
Une femme vice-présidente, Naana Jane Opoku-Agyemang, a été nommée pour la première fois. Amnistie internationale demande au nouveau gouvernement de veiller à ce que la représentation des femmes dans la vie politique et publique augmente de manière significative, notamment en prenant toutes les mesures appropriées pour garantir aux femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, le droit de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique gouvernementale et d’occuper des fonctions publiques à tous les niveaux de l’État.
Les accusations de sorcellerie et les attaques rituelles contre les femmes doivent cesser
Les accusations de sorcellerie restent courantes dans les régions du nord et du nord-est. Cette pratique profondément enracinée entraîne des souffrances, des discriminations et des violences indicibles, en particulier pour les femmes âgées. Des centaines d’entre elles ont fui leurs villages, craignant pour leur vie, et se sont retrouvées dans des camps.
Alimata*, 70 ans, vit dans un de ces camps depuis 10 ans après avoir été accusée d’être une sorcière. « J’ai subi des violences verbales et physiques avant de quitter la communauté. J’ai failli être lynchée. […] Ensuite, j’ai été battue par mes frères parce que j’avais déshonoré la famille », a-t-elle expliqué à Amnistie internationale.
Le 27 juillet 2023, le parlement a adopté le projet de loi sur les infractions pénales (amendement), qui criminalise divers comportements, notamment le fait d’accuser quelqu’un de sorcellerie. En décembre 2023, le président a refusé de signer ce projet de loi, affirmant qu’il aurait dû être présenté au parlement sous la forme d’un projet de loi public et non d’un projet de loi privé car il entraînerait des coûts pour l’État.
Le nouveau gouvernement devrait adopter une nouvelle législation criminalisant spécifiquement les accusations de sorcellerie et les attaques rituelles, et prévoyant des mesures de protection pour les victimes potentielles. Il devrait également mettre en place une stratégie nationale visant à sensibiliser la population à l’impact négatif des accusations de sorcellerie sur les droits humains.
Le droit à la liberté de réunion pacifique doit être protégé
Plusieurs violations du droit de réunion pacifique ont été constatées en 2024. En juillet, une manifestation prévue à Accra a été interdite à la demande de la police, qui a invoqué le manque de personnel pour assurer la sécurité. En septembre, plus de 50 personnes ont été arrêtées lors de manifestations à Accra contre des allégations de corruption. Selon la police, il s’agissait d’empêcher la manifestation de se tenir sur la place de la Révolution pour des raisons de sécurité. À ce jour, 31 de ces manifestants sont toujours en attente de leur jugement. Les chefs d’accusation comprennent ceux de « rassemblement illégal », « actes de vandalisme » et « comportement délictuel susceptible d’entraîner une rupture de la paix ». Ces dernières années, les forces de sécurité ont abusé de l’obligation faite aux organisateurs de manifestations d’annoncer à l’avance leurs projets de rassemblement pour les interdire ou les réprimer.
« Tout au long de l’administration précédente, nous avons connu des incidents répétés, la police empêchant des manifestations. J’ai été arrêté quatre fois ces deux dernières années. La loi exige que la police soit informée au moins cinq jours avant une manifestation. Nous la prévenons généralement trois mois à l’avance, pour qu’elle n’ait pas d’excuse, mais elle continue [d’empêcher les manifestations] », a déclaré l’activiste Oliver Barker-Vormawor, un des organisateurs de la manifestation de septembre 2024.
« L’obligation de notification ne doit pas être utilisée pour restreindre le droit à la liberté de réunion pacifique. Le droit international relatif aux droits humains protège les rassemblements spontanés », a déclaré Genevieve Partington, directrice nationale d’Amnistie internationaleGhana.
« Nous exhortons le gouvernement ghanéen à modifier la loi sur l’ordre public afin d’y inclure expressément une exemption de l’obligation de notification préalable dans le cas des rassemblements spontanés. Les poursuites judiciaires à l'encontre de ceux qui n'ont fait qu'exercer leur droit de manifester pacifiquement doivent être abandonnées. »
Le droit à un environnement sain devrait être priorisé
L’exploitation minière illégale à petite échelle, également connue sous le nom de galamsey, a un impact désastreux sur l’environnement. En août 2024, la Ghana Water Company Ltd, principal fournisseur d’eau du pays, n’a pas été en mesure de fournir suffisamment d’eau aux habitants de Cape Coast et de ses environs parce que l’eau de la rivière Pra, située à proximité, ne pouvait pas être traitée, étant trop polluée à cause du galamsey.
« Le gouvernement doit veiller à ce que les contrats miniers n’interfèrent pas avec le droit à un environnement sain et à ce que les lois et réglementations minières soient pleinement appliquées. Le nouveau président et son gouvernement doivent tenir la promesse d’interdire les activités minières illégales et nouvelles dans les réserves forestières, comme indiqué dans le contrat social des 120 premiers jours de John Mahama », a déclaré Genevieve Partington.
« Le moment est venu pour le président et son gouvernement de s’engager clairement à donner la priorité à ces questions urgentes en matière de droits humains et à s’y attaquer. »
*Le prénom a été modifié.