• 8 Juil 2025
  • Égypte
  • Communiqué de presse

Égypte. Il faut libérer les personnes arrêtées pour avoir exprimé leur soutien à la Marche vers Gaza

Les autorités égyptiennes doivent libérer immédiatement et sans condition toute personne détenue pour avoir exprimé sa solidarité avec les Palestinien·ne·s de Gaza dans le contexte du génocide en cours perpétré par Israël, notamment au moins sept citoyen·ne·s égyptiens arrêtés pour avoir exprimé leur soutien à la Marche vers Gaza, a déclaré Amnistie internationale mardi 8 juillet. L’organisation demande également aux autorités d’enquêter sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements liées à l’arrestation et l’expulsion de militant·e·s internationaux en rapport avec la marche de solidarité prévue.

Des centaines de militant·e·s internationaux se sont rendus en Égypte en juin pour participer à une marche mondiale vers la ville de Rafah, dans l’objectif de briser le blocus illégal imposé par Israël à la bande de Gaza occupée, mais les autorités égyptiennes ont réagi en arrêtant des dizaines de citoyen·ne·s égyptiens et ressortissant·e·s étrangers, et en expulsant les non-Égyptien·ne·s.  

Amnistie internationale a recueilli des informations sur l’arrestation arbitraire, la détention au secret et les mauvais traitements infligés à trois Égyptien·ne·s et à cinq ressortissant·e·s étrangers dans le cadre de la Marche vers Gaza, entre les 10 et 16 juin. Amnesty International a recueilli un témoignage selon lequel au moins un Égyptien a été torturé pendant sa détention. L’organisation demande que toutes les personnes encore incarcérées uniquement pour avoir exprimé leur solidarité avec les Palestinien·ne·s soient libérées immédiatement et sans condition, notamment celles qui sont détenues pour avoir exprimé leur solidarité avec les Palestinien·ne·s depuis octobre 2023. 

« Le monde a eu un aperçu de la brutalité avec laquelle les autorités égyptiennes continuent de traiter l’opposition. Les arrestations arbitraires et les mauvais traitements que ces militant·e·s ont subis ne représentent qu’une infime partie de la répression persistante à laquelle sont confrontées pratiquement toutes les personnes qui expriment des opinions que le gouvernement n’approuve pas », a déclaré Mahmoud Shalaby, spécialiste de l’Égypte et la Libye à Amnistie internationale.  

« Il est impensable que les autorités égyptiennes arrêtent et punissent des militant·e·s ayant manifesté leur solidarité avec les Palestinien·ne·s de Gaza alors qu’Israël commet un génocide contre ces derniers. Les autorités égyptiennes devraient au contraire favoriser le droit de réunion et d’expression pacifiques, en commençant par libérer toute personne détenue arbitrairement pour avoir manifesté sa solidarité avec les Palestinien·ne·s, et en enquêtant sur toutes les allégations de torture et d’autres formes de mauvais traitements. »

Le 11 juin, le ministère égyptien des Affaires étrangères a déclaré dans un communiqué officiel que les ressortissant·e·s étrangers devaient obtenir une autorisation préalable pour se rendre dans les zones limitrophes de Gaza, notamment en soumettant une demande aux ambassades égyptiennes. Les organisateurs de la Marche vers Gaza ont indiqué à Amnistie internationale qu’ils avaient soumis des demandes d’autorisation à plus de 30 ambassades égyptiennes à l’étranger, environ deux mois et demi avant la date prévue pour la marche. Les fonctionnaires des ambassades les ont informés que les demandes avaient été transmises aux autorités du Caire, mais les organisateurs n’ont jamais reçu de réponse. 

Les forces égyptiennes de sécurité ont ensuite mis fin à la marche en arrêtant des militant·e·s égyptiens et étrangers à leur arrivée à l’aéroport, dans des hôtels ou aux postes de contrôle sur la route de Rafah, avant d’expulser des centaines de non-Égyptien·ne·s. 

Détention arbitraire, torture et autres mauvais traitements contre des citoyen·ne·s égyptiens 

Selon un avocat de la Commission égyptienne des droits et des libertés, entre les 10 et 12 juin 2025, les forces de sécurité ont arrêté trois citoyen·ne·s égyptiens (deux hommes et une femme) à leurs domiciles dans les gouvernorats du Caire et de Sharqiya. Ces trois personnes faisaient partie d’un groupe Telegram qui soutenait la Marche vers Gaza.

Après leur arrestation, ils auraient été détenus au secret dans des locaux inconnus de l’Agence de sécurité nationale pour des périodes allant de neuf à 10 jours. Les 21, 22 et 23 juin, des membres de l’Agence de sécurité nationale les ont ensuite amenés devant le service du procureur général de la sûreté de l’État, au Caire.

Le service du procureur général de la sûreté de l’État les a accusés d’« adhésion à un groupe terroriste [les Frères musulmans] », de « publication de fausses nouvelles » et de « financement d’un groupe terroriste », selon l’avocat de la Commission égyptienne des droits et des libertés. Des procureurs ont ensuite ordonné leur placement en détention provisoire pendant 15 jours dans l’attente des résultats d’enquête. 

Au cours de l’interrogatoire mené par le service du procureur général de la sûreté de l’État, l’un des hommes a déclaré que des membres de l’Agence de sécurité nationale lui avaient infligé des décharges électriques sur les mains et sur une partie sensible du corps, et l’avaient roué de coups de pied et giflé au visage. L’autre homme a dit au service du procureur que des membres de l’Agence de sécurité nationale l’avaient frappé et forcé à se déshabiller. Ces actes sont des mauvais traitements et pourraient constituer des actes de torture. 

En juin, le service du procureur général de la sûreté de l’État a interrogé quatre autres citoyen·ne·s égyptiens (trois hommes et une femme) et a ordonné leur placement en détention pour 15 jours pour les mêmes charges que dans l’autre cas, selon l’avocat de la Commission égyptienne des droits et des libertés. 

 Arrestations arbitraires et mauvais traitements infligés à des ressortissant·e·s étrangers 

Amnistie internationale s’est entretenue avec cinq ressortissant·e·s étrangers qui s’étaient déplacés afin de participer à la Marche vers Gaza, dont Stefanie Crisostomo, une militante croato-péruvienne, et Saif Abukeshek, ressortissant espagnol et porte-parole de la Marche vers Gaza. Ils ont déclaré à Amnistie que des policiers égyptiens les avaient soumis à des passages à tabac et à d’autres actes de violence lors de leur arrestation. Ils ont également indiqué qu’ils avaient été détenus au secret dans des postes de police, des locaux de l’Agence de sécurité nationale et à l’aéroport du Caire.  

Stefanie Crisostomo a expliqué à Amnistie internationale que le 14 juin, des membres de cette agence vêtus en civil l’avaient arrêtée, ainsi que son mari, dans un hôtel du Caire, sans leur donner de raison et sans leur permettre de contacter leur ambassade ni qui que ce soit d’autre, après avoir confisqué leurs téléphones. Ils ont ensuite été transférés dans un centre des services de sécurité tenu secret, où la police a détenu son mari français pendant 30 heures, tandis que Stefanie était transférée à l’aéroport du Caire. À l’aéroport, elle a refusé d’être expulsée jusqu’à ce que la police libère son époux. Les policiers l’ont alors menottée et lui ont agrippé les bras en serrant fort, lui causant des ecchymoses. Amnistie internationale a examiné des photographies de ses bras, sur lesquelles les contusions sont clairement visibles, et craint que cela ne constitue une forme de mauvais traitement. 

L’un des autres ressortissants étrangers, qui a choisi de ne pas révéler sa nationalité, a déclaré que le 13 juin, la police l’avait arrêté, ainsi qu’une quinzaine d’autres personnes, à un poste de contrôle dans le gouvernorat d’Ismaïlia, alors que le groupe était en route vers Rafah. Durant l’arrestation, des policiers lui ont asséné des coups de matraque, le frappant au visage et au cou. Il a déclaré qu’au cours de son arrestation, l’un des policiers avait tenté de lui enfoncer un doigt dans l’anus. La police a emmené le groupe au poste de police d’Ismaïlia et l’a maintenu en détention jusqu’au lendemain matin, avant de le transférer à l’aéroport du Caire en vue de son expulsion. 

Les deux autres hommes, tous deux norvégiens, ainsi que Saif Abukeshek, ont déclaré que des policiers en civil les ont arrêtés le 16 juin dans un café du Caire sans présenter de mandat. Les policiers leur ont ensuite bandé les yeux et les ont amenés à bord d’une camionnette banalisée dans un centre des forces de sécurité tenu secret. Des membres de l’Agence de sécurité nationale ont interrogé les deux ressortissants norvégiens, alors qu’ils avaient encore les yeux bandés et des menottes aux poignets, sur le nombre de participant·e·s à la Marche vers Gaza, leur identité et leur hébergement. L’un de ces hommes a déclaré à Amnistie internationale que lorsqu’il a refusé de répondre, un fonctionnaire de l’Agence lui a donné deux gifles au visage et un coup de genou dans la poitrine. Selon cet homme, ce coup lui a valu une côte fêlée.

Le deuxième homme a déclaré que lorsqu’il a refusé de répondre à certaines questions, un agent lui a giflé le visage et lui a donné un coup de pied dans la poitrine.  

Saif Abukeshek a dit que des policiers l’avaient délibérément poussé avec violence contre des murs et des portes alors qu’ils le déplaçaient d’une pièce à l’autre dans le centre, les yeux bandés et des menottes aux poignets, avec les mains derrière le dos. « Je les entendais clairement rire quand je percutais les murs », a-t-il déclaré. 

Ils ont ensuite tous les trois hommes été transférés à l’aéroport du Caire en prévision de leur expulsion, après avoir passé entre deux et 25 heures dans le centre. À aucun moment ces quatre hommes n’ont été autorisés à contacter leur ambassade ni qui que ce soit d’autre afin de les informer de leur arrestation, jusqu’au moment de leur expulsion. 

Complément d’information 

Entre octobre 2023 et juin 2024, Amnistie internationale et des groupes égyptiens de défense des droits humains ont recueilli des informations sur l’arrestation de plus de 123 personnes qui avaient exprimé leur solidarité avec les Palestinien·ne·s de Gaza en manifestant pacifiquement, en publiant des commentaires en ligne, en accrochant des pancartes ou en écrivant des slogans sur les murs. Plusieurs dizaines de personnes sont toujours en détention provisoire et font l’objet d’enquêtes sur la base de fausses accusations d’implication dans des actes terroristes, de diffusion de fausses nouvelles ou de rassemblement illégal. (source: https://amnistie.ca/sinformer/2024/egypte/egypte-les-manifestantes-et-l…)