Chine. Les autorités doivent veiller à ce que le militant des droits du travail soit totalement remis en liberté après son incarcération injuste

Réagissant à la libération aujourd'hui du militant chinois des droits du travail Wang Jianbing, qui a purgé une peine de trois ans et demi d’emprisonnement pour « incitation à la subversion du pouvoir de l'État », Sarah Brooks, directrice pour la Chine à Amnistie internationale, a déclaré :
« Wang Jianbing, comme sa coaccusée la militante #MeToo Sophia Huang Xueqin, a été condamné à l'issue d'un procès inéquitable après une détention provisoire prolongée. Il faut que sa libération marque la fin du traitement injuste auquel il a été soumis, et de sa privation de liberté.
« Nous restons préoccupés par le fait que, alors même qu’il a purgé sa peine d’emprisonnement, Wang Jianbing pourrait être soumis à des restrictions illégales de ses libertés et renvoyé derrière les barreaux. À sa sortie de prison ce matin, Wang Jianbing n'a pas été autorisé à retourner chez lui, à Guangzhou (Canton) : il a été escorté par la police sur plus de 2 000 kilomètres jusqu’au domicile de ses parents dans la lointaine province du Gansu, dans le nord-ouest du pays.
« Depuis des années, Amnistie recense des cas où les autorités chinoises s’en prennent à des militant·e·s en les surveillant et en les harcelant même après leur condamnation devant les tribunaux et après qu'ils aient purgé leur peine. Par exemple, dans les mois qui ont suivi sa sortie de prison en mai 2024, la journaliste citoyenne Zhang Zhan a subi un harcèlement de la part de la police locale et a finalement été de nouveau placée en détention sur la base d'accusations forgées de toutes pièces.
« Les autorités chinoises doivent veiller à ce que toutes les restrictions arbitraires infligées à Wang Jianbing soient immédiatement levées, et garantir la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, notamment de ses droits à la liberté d’expression et d’association. »
Complément d’information
Le militant des droits du travail Wang Jianbing a été libéré le 18 mars après avoir purgé une peine de trois ans et demi d’emprisonnement pour « incitation à la subversion du pouvoir de l'État ». Les prétendues preuves utilisées pour le condamner comprenaient son rôle dans l’organisation conjointe, avec d'autres militant·e·s, de rassemblements hebdomadaires, ainsi que sa participation à un cours en ligne sur la non-violence et des messages en ligne portant sur des questions jugées « sensibles » par le gouvernement chinois.
Son amie journaliste et militante #MeToo Sophia Huang Xueqin a été arrêtée en même temps que lui ; elle continue de purger la peine de cinq ans d'emprisonnement qui lui a été infligée sur la base des mêmes accusations.
Ils ont tous deux été arrêtés à Guangzhou (Canton), dans le sud de la Chine, le 19 septembre 2021, et détenus au secret pendant plus de cinq mois. Dans les semaines qui ont suivi leur arrestation, des dizaines de leurs ami·e·s ont été convoqués par la police et ont vu leur domicile perquisitionné et leurs appareils électroniques confisqués.
Le 14 juin 2024, le tribunal intermédiaire de Guangzhou (Canton) a condamné Wang Jianbing à trois ans et six mois d’emprisonnement et Sophia Huang Xueqin à cinq ans d’emprisonnement pour « incitation à la subversion du pouvoir de l'État ». Ils sont tous deux soumis depuis leur libération à une mesure de « privation des libertés politiques » pour une durée de trois et quatre ans respectivement.
Ils ont tous deux formé un recours devant la Haute cour du Guangdong, mais leur recours a été rejeté sans notification ni documents appropriés.
Sophia Huang Xueqin et Wang Jianbing auraient tous deux été soumis à des mauvais traitements en détention, ce qui a entraîné une grave dégradation de leur état de santé.
Amnistie internationale croit savoir que les problèmes de santé de Wang Jianbing, apparus au début de sa détention à l'isolement et exacerbés par la fatigue liée aux interrogatoires, se sont récemment aggravés. Cependant, le centre de détention n'a pris aucune mesure pour l'aider à se soigner et lui a refusé l'accès aux médicaments que sa famille et ses ami·e·s lui avaient envoyés.
Les autorités chinoises utilisent systématiquement les dispositions vagues et trop générales de leur législation pénale, notamment en ce qui concerne l’« incitation à la subversion du pouvoir de l'État » et la plus grave « subversion du pouvoir de l'État », pour poursuivre des avocat·e·s, des universitaires, des journalistes, des militant·e·s et des personnes travaillant pour des ONG, entre autres.
La législation chinoise prévoit par ailleurs que les personnes déclarées coupables de « mise en danger de la sécurité nationale » doivent être condamnées à la privation de leurs droits politiques en tant que « peine complémentaire » ; selon le droit pénal chinois, cela comprend la privation des « droits à la liberté d’expression, ou de la presse, de réunion, d'association, de procession et de manifestation » (art. 54(2) du Code pénal chinois). L'an dernier, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur l'indépendance des juges et des avocats a écrit aux autorités chinoises pour leur faire part de ses préoccupations portant notamment sur le fait que cette peine dite complémentaire n’est pas conforme aux normes internationales en matière de droits humains.
Amnistie internationale a publié une déclaration conjointe avec d'autres organisations en septembre 2023 à l'occasion du deuxième anniversaire de l’arrestation de Sophia Huang Xueqin et Wang Jianbing. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a établi en 2022 que Wang Jianbing était détenu arbitrairement et a demandé à plusieurs reprises à la Chine d’abroger l’infraction d’« incitation à la subversion » ou de la mettre en conformité avec les normes internationales.