Tunisie. Il faut libérer immédiatement un journaliste qui encourt deux ans de prison pour « outrage » à une ministre du gouvernement
À la veille du procès qui s’ouvre le 10 janvier du journaliste indépendant bien connu Zied El Heni, détenu de manière arbitraire depuis le 28 décembre 2023 pour « outrage » à une ministre du gouvernement tunisien lors d’une émission de radio, Fida Hammami, chargée de recherche et de plaidoyer à Amnistie internationale Tunisie, a déclaré :
« Les autorités tunisiennes persistent à piétiner la liberté d’expression en sanctionnant de nouveau une personne au seul motif qu’elle a critiqué des représentants du gouvernement. C’est une honte que Zied El Heni se trouve derrière les barreaux et qu’en cas de condamnation, il encourt deux ans de prison et une amende en raison de ses commentaires politiques critiques. Il compte parmi des dizaines de personnes arrêtées et poursuivies arbitrairement par les autorités tunisiennes depuis que le président Kaïs Saïed s’est accaparé le pouvoir en juillet 2021, simplement parce qu’elles ont exercé leur droit à la liberté d’expression.
« Les autorités tunisiennes doivent libérer immédiatement et sans condition Zied El Heni et abandonner toutes les accusations retenues contre lui, car elles découlent de l’exercice de ses droits fondamentaux. Alors que le peuple tunisien commémore le 12e anniversaire de la Révolution, les autorités s’acharnent à réprimer la liberté d’expression dans le pays. Au lieu de poursuivre des journalistes qui expriment leurs opinions, elles doivent défendre le droit durement acquis à la liberté d’expression et mettre fin aux représailles visant la critique et la dissidence. »
Complément d’information
Zied El Heni est un journaliste et commentateur politique bien connu qui anime une matinale quotidienne sur la station de radio indépendante IFM. Il a été convoqué par la police le 28 décembre 2023, peu après avoir critiqué à l’antenne les résultats de la ministre du Commerce. Le procureur général du tribunal de première instance de Tunis a ordonné son placement en détention le jour même, en vertu de l’article 24 du Décret-loi n° 54, un texte draconien sur la cybercriminalité qui confère aux autorités des pouvoirs étendus permettant de réprimer la liberté d’expression.
Le 1er janvier 2024, le procureur général a invoqué l’article 86 du Code des Télécommunications et inculpé Zied El Heni d’utilisation des réseaux de télécommunications en vue d’insulter autrui, une infraction passible d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans et d’une amende. Il a également ordonné son placement en détention provisoire.
La police a interrogé au moins trois fois Zied El Heni en rapport avec ses propos. Il fait toujours l’objet d’accusations distinctes liées aux propos qu’il a tenus en janvier 2023 concernant le président Kaïs Saïed lors de son émission de radio.
Amnistie internationale constate la détérioration de la situation des droits humains en Tunisie depuis que le président Kaïs Saïed s’est accaparé le pouvoir en juillet 2021. Depuis lors, au moins 40 personnes ont fait l’objet d’une enquête ou ont été poursuivies uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, et certaines ont été arrêtées et détenues arbitrairement. Elles sont notamment accusées d’« outrage » aux autorités ou de « diffusion de fausses nouvelles », des infractions qui ne sont pas reconnues en vertu du droit international.