Rwanda. Les autorités doivent libérer immédiatement un journaliste et des membres de l’opposition politique incarcérés
Les autorités rwandaises doivent libérer immédiatement et sans condition huit membres de l’opposition politique jugés pour avoir participé à une formation sur l’action non violente et la planification de campagnes, ainsi qu’un journaliste poursuivi pour avoir prévu de couvrir l’un de leurs événements, a déclaré Amnistie internationale à la veille de l’audience de leur procès, qui doit avoir lieu le 5 décembre 2024.
Les huit opposant·e·s, membres du parti politique Développement et Liberté pour tous (DALFA-Umurinzi), et le journaliste Théoneste Nsengimana, arrêtés en octobre et décembre 2021, ont passé trois ans en détention dans l’attente de l’ouverture de leur procès. Dans l’intervalle, un neuvième membre de DALFA-Umurinzi a été poursuivi par contumace.
« Ce procès est une parodie de justice. Il montre à quel point toute forme de dissidence pacifique est criminalisée au Rwanda. Nul ne devrait être poursuivi pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions, a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional d’Amnistie internationale pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.
« Passer trois ans en détention provisoire est une erreur judiciaire flagrante. Les neuf accusé·e·s doivent être libérés immédiatement et sans condition, car ils sont détenus uniquement pour avoir exercé sans violence leurs droits fondamentaux. »
« Des accusations forgées de toutes pièces »
L’accusation réclame des peines d’emprisonnement allant de 20 ans à la réclusion à perpétuité. Les membres de l’opposition sont accusés d’avoir planifié et participé à une session de formation sur l’action non violente, basée sur Blueprint for Revolution: How to Use Rice Pudding, Lego Men, and Other Nonviolent Techniques to Galvanize Communities, Overthrow Dictators, or Simply Change the World (Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit, et sans armes), un livre de Srđa Popović, leader du mouvement étudiant qui a contribué à renverser l’ancien président serbe Slobodan Milošević.
Le groupe est également accusé d’avoir planifié des actions visant à mobiliser la population et à encourager la non-coopération, comme le non-paiement des impôts. Selon le parquet, leurs activités devaient débuter autour du 14 octobre 2021, une journée baptisée « Ingabire Day » par les partisans de la dirigeante de l’opposition Victoire Ingabire.
Ces membres de l’opposition font l’objet de graves accusations : avoir formé ou rejoint une association de malfaiteurs, et comploté en vue de commettre une infraction contre le pouvoir du président de la République, de provoquer des soulèvements et des troubles au sein de la population, d’attaquer la force de la loi et d’organiser des manifestations ou des réunions publiques illégales. Un membre de DALFA-Umurinzi est inculpé de diffusion de fausses informations ou de propagande nuisible visant à provoquer l’hostilité de l’opinion internationale à l’égard du gouvernement rwandais, ainsi que de publication de rumeurs.
Le journaliste Théoneste Nsengimana est également jugé aux côtés des membres de DALFA-Umurinzi. Il est accusé d’avoir formé ou rejoint une association de malfaiteurs et d’avoir publié des rumeurs. Il avait annoncé sur sa chaîne de télévision en ligne qu’il prévoyait de couvrir les événements de l’Ingabire Day.
« Au lieu de recourir à des accusations forgées de toutes pièces pour susciter la peur, les autorités rwandaises doivent faire respecter les droits de chacun à la liberté d’expression et d’association, inscrits dans la Constitution rwandaise et les traités relatifs aux droits humains, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auxquels le pays est partie », a déclaré Tigere Chagutah.
Complément d’information
L’opposition politique rwandaise continue d’être confrontée à de graves restrictions des droits à la liberté d’expression et d’association, ainsi qu’à des menaces, des détentions arbitraires, des poursuites sur la base d’accusations forgées de toutes pièces, des homicides et des disparitions forcées. La société civile indépendante et les médias font également l’objet d’attaques, d’actes d’intimidation et de harcèlement, et de représailles pour leur travail. Ces actes de répression ont un effet paralysant, étouffant le débat et réduisant l’espace pour la réalisation des autres droits fondamentaux dans le pays.