Mozambique. Les autorités doivent enquêter sans délai sur l’arrestation d’une journaliste couvrant une manifestation
Les autorités du Mozambique doivent immédiatement enquêter sur l’arrestation de Sheila Wilson, journaliste et défenseure des droits humains, alors qu’elle était à l’antenne en direct d’une manifestation le 4 juin à Maputo, ont déclaré Amnistie internationale et le Réseau du Mozambique pour les défenseurs des droits humains (RMDDH) vendredi 7 juin.
Au moment de son arrestation, cette femme couvrait une manifestation organisée devant les locaux du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), dans la capitale, par d’anciens agents du Service national de sécurité populaire (SNASP) réclamant des indemnités qu’ils n’avaient pas perçues depuis plus de 20 ans de la part du gouvernement selon eux.
Pendant la diffusion de ces images en direct sur la page Facebook du Centre pour la démocratie et le développement (CDD), on a entendu la journaliste crier à l’aide jusqu’à ce qu’elle soit emmenée par des policiers au quatrième poste de police de la ville. Lors de son arrestation, elle a été poussée violemment à l’arrière du véhicule de police, ce qui lui a valu une blessure à la tête. Elle a été libérée sans inculpation quelques heures après et est rentrée chez elle.
Des journalistes de la chaîne Soico Televisão (STV) qui couvraient également la manifestation ont été agressés physiquement, par la police selon certaines sources, et leur caméra a été confisquée alors qu’ils interrogeaient le porte-parole de la police mozambicaine, Leonel Muchina.
« L’arrestation de Sheila Wilson et la confiscation de la caméra de STV ont présenté une démonstration en direct du traitement réservé aux journalistes au Mozambique. Il s’agit d’une violation du droit à l’information et à la liberté d’expression et d’opinion, qui contribue à limiter la liberté de la presse », a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnistie internationale.
« Les actions de la police, que l’on voit dans les vidéos communiquées à Amnistie internationale et partagées sur les réseaux sociaux, s’inscrivent dans un schéma inquiétant de tactiques dangereuses et illégales employées par la police du Mozambique contre les journalistes. La police doit cesser d’arrêter arbitrairement, d’agresser et d’intimider des journalistes et de confisquer leur matériel. Les autorités mozambicaines doivent mener une enquête approfondie, impartiale et indépendante sur l’arrestation arbitraire de Sheila Wilson, et les responsables présumés doivent être traduits en justice dans le cadre d’un procès équitable », a déclaré Adriano Nuvunga, président du RMDDH.
Complément d’information
Du 28 mai au 4 juin, environ 200 anciens agents du SNASP ont organisé un sit-in devant les locaux du PNUD à Maputo pour demander des indemnités qui, selon eux, étaient prévues dans le cadre de l’Accord général de paix signé le 4 octobre 1992 entre le gouvernement du Mozambique et la Résistance nationale mozambicaine (RENAMO), ancien mouvement rebelle qui a combattu contre le Front de libération du Mozambique (FRELIMO), parti au pouvoir après l’indépendance.
Les autorités mozambicaines se livrent régulièrement à des actes d’intimidation envers les journalistes, sous la forme d’arrestations arbitraires, de menaces, de disparitions forcées et d’agressions physiques et verbales. À ce jour, elles n’ont jamais mené d’enquête en bonne et due forme sur ces violations des droits fondamentaux et personne n’a eu à en répondre.
Le 7 avril 2020, Ibraimo Abú Mbaruco, défenseur des droits humains et journaliste à la radio locale Rádio Comunitária de Palma, a été soumis à une disparition forcée alors qu’il couvrait le conflit en cours dans la province de Cabo Delgado (nord du pays), qui a débuté en 2017. On ignore encore aujourd’hui où il se trouve. Le 25 novembre 2023, la Force d’intervention rapide (FIR) a garé un véhicule blindé devant les locaux de la chaîne TV Sucesso pendant la diffusion des résultats officiels des élections municipales. Plus récemment, le 19 février 2024, le gouverneur de la province de Cabo Delgado, Valige Tausabo, a accusé des journalistes locaux de discréditer les Forces de défense et de sécurité (FDS) dans leur couverture des attaques commises par des terroristes.