Les gouvernements d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient doivent mettre en place des systèmes de protection sociale universelle pour tous
Les gouvernements de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient doivent s’efforcer de développer, d’étendre et de financer des systèmes de protection sociale universelle qui garantissent le droit à la sécurité sociale pour tous, a déclaré Amnistie internationale le 14 juin 2024, en annonçant avoir signé la Déclaration conjointe sur la mise en place d’une protection sociale universelle dans la région arabe.
Dans l’ensemble de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient, les populations sont actuellement confrontées à de multiples crises, notamment des conflits dévastateurs et de graves chocs économiques et d’endettement, ainsi que le bilan de plus en plus lourd de l’urgence climatique. Toutefois, la plupart ne bénéficient pas d’une protection sociale suffisante.
La déclaration, initiée par le centre de la région arabe pour la protection sociale, dirigé par la société civile, vise à renforcer le soutien à la création et au développement de systèmes de protection sociale universelle dans la région Afrique du Nord et Moyen-Orient, qui garantissent des prestations de sécurité sociale pour tous. En signant cette déclaration, Amnistie internationale rejoint une communauté d’organisations de la société civile qui s’emploie à améliorer les droits socio-économiques dans la région, notamment en plaidant pour une protection et une mise en œuvre solides du droit à la sécurité sociale.
« Les habitantes et habitants de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient perdent la vie, des proches ou des moyens de subsistance alors qu’ils sont frappés par des crises successives. Pourtant, dans toute la région, les systèmes de protection sociale s’avèrent inadéquats et insuffisants, et une grande partie de la population est livrée à elle-même, avec un soutien minimal, voire inexistant, des gouvernements, a déclaré Kristine Beckerle, conseillère d’Amnistie internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels au bureau régional du Moyen-Orient et Afrique du Nord.
« Les gouvernements de la région, avec le soutien des donateurs et des institutions financières internationales, le cas échéant, doivent œuvrer sans attendre à développer, étendre et financer des systèmes de protection sociale universelle capables de garantir chacun puisse vivre dans la dignité, indépendamment de son statut socio-économique. »
La sécurité sociale est un droit fondamental, reconnu par divers traités internationaux et documents fondateurs relatifs aux droits humains, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). La réalisation de ce droit garantit que les personnes et les familles accèdent aux services essentiels et à la garantie du revenu par exemple pendant des périodes de chômage, de maladie ou d’invalidité. Les systèmes de protection sociale sont primordiaux pour pouvoir accéder à un éventail d’autres droits humains et les exercer, notamment les droits à la santé, à un niveau de vie suffisant, à la nourriture, à l’eau et au logement.
Des millions de personnes vivant dans la région n’ont pas accès à leurs droits socioéconomiques et ne peuvent pas les exercer. Au Liban, Amnistie internationale a constaté que le gouvernement n’a pas fait en sorte que les citoyens aient accès à des soins de santé adéquats pendant la crise économique. En Égypte, les autorités intensifient la répression à l’égard de ceux qui manifestent pacifiquement contre la détérioration de leurs conditions de vie, les ouvriers et ouvrières en grève et les personnes qui dénoncent la mauvaise gestion de la crise économique. Dans l’ensemble de la région, la crise climatique combinée aux échecs de longue date des gouvernements en matière de gestion, de distribution et d’utilisation durable de l’eau disponible mettent gravement en danger le droit à l’eau, aujourd’hui et à l’avenir.
Un système de protection sociale efficace apporte l’appui nécessaire pour protéger et aider les individus et les familles lorsqu’ils subissent des chocs dus aux incertitudes de la vie. La protection des personnes contre les pertes dues aux chocs, aux catastrophes ou aux revers économiques permet aux enfants de rester scolarisés, améliore les soins de santé, réduit la pauvreté et les inégalités de revenus et, en fin de compte, profite aux sociétés sur le plan économique. Toutefois, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), seuls 40 % des habitants de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient étaient effectivement couverts dans au moins un domaine de la protection sociale, un taux inférieur à la moyenne mondiale et nettement inférieur à celui d’autres régions comme l’Europe et l’Asie centrale.
La Déclaration sur la protection sociale universelle dans la région arabe vise à combler certaines de ces lacunes en créant une communauté d’organisations mobilisées en faveur de systèmes de protection sociale universelle garantissant une sécurité sociale de base pour tous, indépendamment de la situation professionnelle ou de la capacité à contribuer financièrement à des régimes particuliers.
Les gouvernements doivent mettre en place un système de protection sociale qui couvre un éventail d’imprévus et de risques, notamment l’accès aux soins de santé essentiels et à la sécurité de revenu de base pour les enfants, les personnes âgées et les personnes en âge de travailler incapables d’occuper un emploi ou de gagner un revenu suffisant. Les prestations de sécurité sociale doivent être suffisantes pour permettre à chacun d’exercer ses droits, tant au niveau des montants alloués que de la période pendant laquelle ils sont versés. En outre, la sécurité sociale doit être accessible à tous, y compris aux groupes les plus défavorisés et marginalisés.
La protection sociale peut constituer un facteur crucial de stabilité en temps de crise. La grave crise économique au Liban, qui a entraîné une chute de plus de 98 % de la valeur de la livre libanaise, illustre à quel point il est important d’avoir des systèmes de protection sociale robustes et universels. Cette crise économique, que la Banque mondiale a qualifiée de « dépression délibérée », a considérablement réduit le pouvoir d’achat des ménages, radicalement accru la pauvreté et renforcé les inégalités déjà criantes au Liban. Le système libanais de protection sociale, qui était fragmenté, limité et inéquitable avant la crise, s’est avéré totalement incapable de s’adapter et de répondre aux besoins croissants. À un moment où les gens avaient désespérément besoin de soutien, le gouvernement libanais a laissé s’effondrer les vestiges d’un système exsangue.
Même en période de crise, les gouvernements doivent veiller à ce que chacun puisse jouir d’un niveau minimum essentiel de ses droits économiques et sociaux, y compris le droit à la sécurité sociale. Bien souvent, ils peuvent réorienter les ressources de l’État afin de financer un niveau minimal et essentiel de protection sociale pour tout le monde dans le pays, ou lever des fonds par le biais de réformes fiscales, de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, mais aussi identifier des ressources par le biais d’autres financements tels que la recherche d’aide internationale.
« Les gouvernements de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient, les gouvernements donateurs et les institutions financières internationales doivent tenir compte des appels lancés par les organisations de la société civile et œuvrer sans délai à mettre en place, améliorer et financer des systèmes de protection sociale universelle et inclusive dans toute la région. Introduire des mesures de protection sociale universelle peut aider à garantir que tous, notamment les personnes marginalisées, vivant dans la pauvreté ou risquant de le devenir, puissent avoir accès à un niveau de vie suffisant, à des soins adéquats et à d’autres droits fondamentaux », a déclaré Kristine Beckerle.