Monde. La candidature de l’Arabie saoudite pour la Coupe du monde de la FIFA 2034 passe sous silence son bilan en matière de droits humains, tandis que la candidature conjointe pour 2030 présente de grandes lacunes
La candidature de l’Arabie saoudite pour la Coupe du monde masculine de 2034 ne respecte pas les exigences de la FIFA en matière de droits humains, a déclaré Amnistie internationale le 1er août 2024, après la publication du « dossier de candidature » pour ce tournoi qui compte 48 équipes. Par ailleurs, des lacunes importantes subsistent dans les plans pour la Coupe du monde 2030 qui se jouera au Maroc, au Portugal et en Espagne.
Il ressort de l’analyse des dossiers de candidature et des plans relatifs aux droits humains du tournoi, publiés le 31 juillet au soir, que l’Arabie saoudite n’a toujours pas engagé de réforme fondamentale de son droit du travail favorisant l’exploitation, ni pris de mesures pour améliorer la liberté d’expression, mettre fin à la répression des militant·e·s ou supprimer les lois discriminatoires à l’égard des femmes et des personnes LGBTI.
« La FIFA a établi des normes claires en matière de droits humains que tout pays candidat doit respecter. Or, manifestement, la candidature de l’Arabie saoudite pour la Coupe du monde 2034 en est très loin. Le plan relatif aux droits humains ne tient pas compte des risques énormes associés à l’organisation d’un méga-événement sportif dans un pays dont le bilan en la matière est catastrophique, a déclaré a déclaré Steve Cockburn, responsable du programme Droits du travail et Sport d’Amnesty International.
« Le plan relatif aux droits humains pour la Coupe du monde en Arabie saoudite ne dit rien sur le bâillonnement des militante·s des droits humains ni la criminalisation des personnes LGBTI, et ne précise pas si ni comment les autorités prévoient de mettre fin dans la pratique au système abusif de parrainage, ou kafala, qui exploite les travailleuses et travailleurs migrants. Il est étonnant que de tels risques puissent être ainsi balayés sous le tapis.
« En l’absence de mesures urgentes visant à améliorer les protections relatives aux droits humains en Arabie saoudite, la Coupe du monde 2034 sera probablement ternie par le travail forcé, la répression et la discrimination – et un coût humain terrible. La FIFA doit travailler avec les autorités saoudiennes en vue d’obtenir des accords juridiquement contraignants pour faire face à l’ensemble des risques liés aux droits humains avant qu’une décision finale ne soit prise en décembre, ou être prête à renoncer. L’Arabie saoudite doit démontrer son engagement en faveur des droits humains en libérant les militant·e·s emprisonnés uniquement pour avoir exprimé leur opinion. »
Rédigée par le cabinet d’avocats AS&H Clifford Chance afin d’éclairer la candidature, l’analyse indépendante de la situation des droits humains ne fait aucune mention d’un large éventail de problèmes pertinents, notamment l’interdiction des syndicats, la répression de la liberté d’expression, les pratiques bien connues d’expulsions forcées ou la criminalisation des relations sexuelles entre personnes de même sexe. Aucune organisation de la société civile ni aucun détenteur de droits n’a été consulté lors de la préparation du document, qui a reçu uniquement des contributions d’organismes gouvernementaux.
Candidature du Maroc, du Portugal et de l’Espagne pour la Coupe du monde 2030
Un certain nombre de risques clés pour les droits humains associés à l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA 2030 au Maroc, au Portugal et en Espagne ne sont pas pris en compte. Dans un rapport publié en juin, Amnistie internationale a mis en évidence les défis liés à l’application des normes du travail, à la discrimination, au logement, au maintien de l’ordre et à la liberté d’expression.
Les projets relatifs aux droits humains présentés pour le tournoi de 2030, élaborés sans consulter les organisations de défense des droits humains ni les représentants des supporters, ne fournissent pas encore d’engagements détaillés quant à la prise en compte de ces risques. Alors que dans ces trois pays, les fans ont subi un usage excessif de la force par les forces de sécurité, qui ont notamment tiré des balles en caoutchouc sur des foules, il n’existe aucun plan détaillé sur la manière de prévenir de telles violations.
« Des risques évidents associés à la Coupe du monde 2030 doivent être anticipés au Maroc, au Portugal et en Espagne, notamment le recours excessif à la force par la police contre les supporters, l’application du droit du travail et les expulsions forcées. Il faut des plans beaucoup plus précis pour garantir le respect des normes internationales en matière de droits humains, et travailler en étroite collaboration avec les associations de supporters, les joueurs, les syndicats et les organisations de la société civile, a déclaré Steve Cockburn.
« Par ailleurs, l’attribution de la Coupe du monde 2030 au Maroc, au Portugal et à l’Espagne devrait servir de catalyseur dans la lutte contre la discrimination raciste, sexiste et homophobe qui ternit trop souvent le football dans les trois pays – ce qui suppose de supprimer les lois discriminatoires et de collaborer avec les groupes concernés sur des stratégies visant à prévenir le harcèlement et à promouvoir l’inclusion. »
Complément d’information
En juin, Amnistie internationale a publié un rapport détaillé, intitulé Un jeu dangereux ? Les risques liés aux éditions 2030 et 2034 de la Coupe du monde de la FIFA en matière de droits humains, qui évalue les principaux risques pour les droits fondamentaux que comportent les différentes candidatures pour les Coupes du monde de la FIFA 2030 et 2034, et les compare aux critères relatifs aux droits humains énoncés dans la règlementation de la FIFA applicable aux candidatures.
Le 31 juillet, la FIFA a publié les dossiers de candidature soumis par le Maroc, le Portugal et l’Espagne pour la Coupe du monde 2030 et par l’Arabie saoudite pour l’édition 2034. Ces dossiers s’accompagnaient de plans pour les droits humains et d’« évaluations indépendantes du contexte des droits humains », censés répertorier les risques majeurs.
Selon la règlementation de la FIFA applicable aux candidatures, ou « obligations juridiquement contraignantes », les dossiers doivent respecter un large éventail de normes internationales relatives aux droits humains pour être acceptés, notamment en matière de droits du travail, de discrimination, d’expulsions forcées, de liberté d’expression et de maintien de l’ordre.
La FIFA va maintenant évaluer les dossiers de candidature avant son Congrès extraordinaire qui se tiendra le 11 décembre 2024, date à laquelle une décision sera finalisée.
Tous les documents pour la Coupe du Monde de la FIFA 2030 sont disponibles ici.
Tous les documents pour la Coupe du Monde de la FIFA 2034 sont disponibles ici.