• 17 déc 2024
  • Égypte
  • Communiqué de presse

Égypte. Il faut mettre un terme à la campagne d’intimidation visant Rasha Azab, critique virulente du gouvernement

Les autorités égyptiennes doivent immédiatement mettre fin à la campagne d’intimidation scandaleuse dont fait l’objet Rasha Azab, journaliste et défenseure des droits humains au franc-parler, a déclaré Amnistie internationale le 17 décembre 2024.

Critique virulente de la réaction du gouvernement égyptien face au conflit à Gaza, Rasha Azab fait l’objet de menaces et de manœuvres de harcèlement répétées depuis le début des hostilités, le 7 octobre 2023. Elle a notamment été suivie à plusieurs reprises par un groupe de trois hommes non identifiés et a reçu des avertissements par le biais d’intermédiaires quant à sa possible arrestation par les services de sécurité.

Le 9 novembre, le Syndicat des journalistes a déposé une plainte officielle auprès du bureau du procureur au nom de Rasha Azab, sollicitant une enquête immédiate.

« Il est scandaleux que Rasha Azab soit surveillée et menacée d’arrestation en raison de son militantisme pacifique. Cela envoie aux autres militant·e·s un message inquiétant sur les conséquences de l’expression publique de la dissidence en Égypte, a déclaré Mahmoud Shalaby, chercheur sur l’Égypte à Amnistie internationale.

« Le ministère public doit immédiatement ouvrir une enquête efficace sur les plaintes déposées par Rasha Azab et s’assurer de prendre en compte le rôle des acteurs étatiques. Ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique doivent être respectés. »

Surveillance et menaces d’arrestation

Rasha Azab a déclaré à Amnistie internationale que depuis le 7 octobre 2023, elle est menacée d’arrestation par plusieurs services de sécurité. Elle a reçu ces menaces par le biais d’appels téléphoniques émanant de personnalités publiques en contact avec diverses agences de sécurité. Selon Rasha Azab, lors de ces appels, on lui a demandé d’édulcorer ses critiques à l’égard du gouvernement et de ne pas organiser de manifestations dénonçant la réaction de l’Égypte face au conflit à Gaza. Parfois, on lui a dit qu’« il serait préférable pour elle » de quitter le pays.

Rasha Azab fait également l’objet d’une surveillance physique permanente depuis octobre 2024.

Le 8 novembre 2024, trois hommes en civil, dont l’un à moto, l’ont suivie alors qu’elle traversait la place al Daher, dans l’ouest du Caire, pour visiter un appartement à vendre, selon Rasha Azab et son frère, l’avocat Muhammad Azab, qui l’accompagnait. Elle a indiqué qu’elle avait reconnu ces hommes présents lors de deux épisodes précédents : la première fois, le 8 octobre, ils l’avaient suivie à la sortie d’une conférence qui avait eu lieu au Syndicat des journalistes, dans le centre du Caire ; la deuxième, le 28 octobre, ils l’avaient suivie alors qu’elle avait été envoyée couvrir la démolition du cimetière historique de l’imam al Shafie au Caire.

La troisième fois, Rasha Azab a décidé de confronter les hommes. Elle s’est approchée d’eux et, avec l’aide de certains habitants, leur a demandé leur identité et pourquoi ils la suivaient. Ils ont refusé de répondre. Les habitants ont alors appelé la police, qui est arrivée et a demandé à Rasha Azab de se rendre au poste d’al Daher pour porter plainte. Les policiers ont embarqué deux des trois hommes au poste, tandis que le troisième a réussi à s’enfuir avant leur arrivée. Après deux heures d’attente, un policier a informé Rasha Azab que les deux hommes s’étaient échappés sur le chemin du poste. Il a également refusé de prendre sa plainte, invoquant des « instructions venues d’en haut », sans préciser qui les avait données.

Selon Rasha Azab et un autre avocat, qui a souhaité garder l’anonymat, un policier du poste d’al Daher a affirmé que ces agents n’étaient pas affiliés au poste mais qu’ils avaient sans doute été envoyés par une autre agence de sécurité. Un autre policier du poste d’al Daher a dit à Muhammad Azab : « Ce n’est pas nous. Vous feriez mieux d’aller résoudre ça avec eux », faisant probablement référence à l’Agence de sécurité nationale (NSA).

Aucune enquête sur le vol de la voiture de Rasha Azab

Le 5 novembre, la voiture de Rasha Azab a été volée dans le quartier de Zamalek, au centre du Caire, une zone hautement sécurisée en raison de la présence de nombreuses ambassades étrangères. Le chef du poste de police local à Qasr El Nile l’a informée que des images de vidéosurveillance dévoilant l’identité des voleurs étaient disponibles. Cependant, les autorités n’ont jamais fourni d’autres informations.

Le 9 novembre, le ministère public a convoqué Rasha Azab pour qu’elle fasse une déposition sur ce vol, tout en précisant qu’il attendait toujours que la police leur envoie les images. Au cours de l’enquête, Rasha Azab a accusé le ministre de l’Intérieur et le responsable de l’Agence de sécurité nationale d’avoir orchestré son placement sous surveillance et le vol de sa voiture.

Lorsqu’elle a souhaité visionner les images les 13 et 21 novembre, les procureurs lui ont dit qu’ils n’avaient rien reçu. Le 21 novembre, ils lui ont promis que les images arriveraient le 25 novembre, ce qui ne fut pas le cas.

La plainte déposée par le Syndicat des journalistes demandait une enquête sur la surveillance physique dont Rasha Azab fait l’objet et sur le vol de sa voiture. Le 2 décembre, elle a été convoquée par le ministère public pour faire une déposition dans le cadre de cette affaire.

Complément d’information

Rasha Azab a participé à de nombreuses manifestations pro-palestiniennes, notamment à un rassemblement devant le Bureau d’ONU Femmes au Caire le 24 avril 2024, au cours duquel elle a été arrêtée avec environ 17 personnes. Elle a également participé à de multiples manifestations devant le Syndicat des journalistes, appelant le gouvernement égyptien à ouvrir le poste-frontière de Rafah pour l’aide humanitaire et à s’opposer au passage de navires en lien avec Israël dans les eaux territoriales égyptiennes.

En avril 2022, Rasha Azab a dû répondre devant les tribunaux des accusations d’« insulte », de « diffamation » et d’avoir « perturbé délibérément [le plaignant] », le réalisateur Islam Azazi, en lien avec les tweets dans lesquels elle exprimait sa solidarité avec les victimes de violences sexuelles. Le tribunal l’a acquittée et a abandonné les charges retenues contre elle après un tollé général.