Chine. Cinq ans après, les militant·e·s emprisonnés lors de la « cruelle » opération de répression de 2019 doivent être libérés
Il est temps d’accentuer la pression sur les autorités chinoises pour qu’elles libèrent les défenseur·e·s des droits humains arrêtés après avoir participé à une réunion informelle il y a cinq ans, a déclaré Amnistie internationale lundi 23 décembre 2024.
En décembre 2019, plusieurs militant·e·s des droits humains se sont réunis à Xiamen, dans le sud-est du pays, pour dîner ensemble et discuter de questions de société. À partir du 26 décembre et dans les semaines qui ont suivi, Ding Jiaxi, avocat spécialisé dans la défense des droits humains, et Xu Zhiyong, juriste, ont été soumis à une disparition forcée, avant de réapparaître en détention aux mains des autorités.
Amnistie internationale considère que ces deux hommes sont des prisonniers d’opinion et n’a cessé de réclamer leur libération immédiate et sans condition.
« La répression de Xiamen est caractéristique de l’attaque forcenée des autorités chinoises contre la société civile et de la cruauté avec laquelle elles traitent les personnes qui défendent pacifiquement les droits », a déclaré Sarah Brooks, directrice d’Amnistie internationale pour la Chine.
Au moins cinq autres militant·e·s ont été pris pour cible et emprisonnés pour avoir participé à cette réunion. Dans les mois qui ont suivi, ces sept personnes auraient été placées en « résidence surveillée dans un lieu désigné », une forme de détention au secret dans un lieu non révélé qui expose les détenu·e·s à un risque accru de torture et d’autres mauvais traitements.
« Ces cinq dernières années, Xu Zhiyong et Ding Jiaxi, ainsi que plusieurs de leurs collègues, ont subi la détention arbitraire, la torture et des procès inéquitables uniquement pour avoir participé à une réunion privée et discuté de la situation de la société civile et de l’actualité en Chine.
Le 10 avril 2023, à l’issue de procès à huis clos, Xu Zhiyong et Ding Jiaxi ont été condamnés respectivement à 14 et 12 ans d’emprisonnement pour « subversion de l’État ». En octobre 2024, Xu Zhiyong a entamé une grève de la faim pour protester contre la manière dont il était traité en détention. Il se plaignait notamment d’être harcelé par ses codétenus, semble-t-il sur l’ordre des responsables de la prison.
« Le maintien en détention de Xu Zhiyong et de Ding Jiaxi est un scandale ; la communauté internationale doit accentuer la pression sur les autorités chinoises pour qu’elles remédient à cette injustice et les fassent libérer », a déclaré Sarah Brooks.
De nombreux gouvernements et responsables de l’ONU, dont le haut-commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, ont adressé des recommandations aux autorités chinoises à propos de ces deux hommes. Cependant, aucune mesure concrète n’a été prise pour exiger de rencontrer ces prisonniers ni pour que les autorités chinoises aient à subir plus durement les conséquences de leur politique répressive à l’encontre des défenseur·e·s des droits humains.
« Les lourdes condamnations infligées à Xu Zhiyong et à Ding Jiaxi sont destinées à faire passer un message : défendre ses droits est inacceptable pour le gouvernement chinois. Pourtant, ces deux hommes n’ont pas abandonné, et aujourd’hui leurs proches continuent de se battre pour leur libération avec la même conviction. »
À l’approche du cinquième anniversaire du rassemblement de Xiamen, l’épouse de Ding Jiaxi, Sophie Luo, a déclaré à Amnistie internationale : « Je sais qu’aucune loi n’interdit de participer à une réunion privée, et que ces citoyens n’auraient même pas dû passer une journée en prison. C’est pourquoi je vais me battre sans relâche pour obtenir leur acquittement. »
Un groupe de soutien en ligne coordonné par des militant·e·s en Chine et à l’étranger recueille des messages et des prières destinés à Xu Zhiyong, malgré la censure et le risque de représailles de la part du gouvernement.
« Les autorités chinoises doivent libérer immédiatement Ding Jiaxi et Xu Zhiyong et mettre un terme aux sanctions visant toutes les personnes ayant participé à la réunion de Xiamen. Le sombre tableau dressé par leur maintien en détention devrait inciter la communauté internationale à condamner plus fermement la répression de la société civile en Chine », a déclaré Sarah Brooks.
Complément d’information
Xu Zhiyong et Ding Jiaxi était des membres de premier plan du Mouvement des nouveaux citoyens, réseau informel de militant·e·s fondé par Xu Zhiyong en 2012 pour réclamer plus de transparence au sein du gouvernement et dénoncer la corruption. Tous deux avaient déjà été emprisonnés pour leurs actions militantes. Ding Jiaxi avait purgé une peine de trois ans et demi de prison et avait été libéré en octobre 2016, tandis que Xu Zhiyong, dont la peine était un peu plus longue, avait été libéré en 2017.
Les deux hommes ont fait appel de leurs condamnations de 2023 mais, en novembre 2023, le tribunal populaire supérieur de la province du Shandong a confirmé le verdict et les peines prononcés à leur encontre. Tous deux ont engagé un nouveau recours.
En prison, Ding Jiaxi et Xu Zhiyong sont privés de leurs droits fondamentaux, notamment de la possibilité de se procurer de quoi lire et écrire ; leur droit de communiquer avec leur famille et leurs ami·e·s est sévèrement restreint, et ils ont signalé des difficultés à obtenir des soins médicaux. Peut-être en réaction à sa grève de la faim, Xu Zhiyong a été autorisé à rencontrer son avocat le 26 novembre 2024. Il semble qu’il ait depuis arrêté sa grève de la faim.
En Chine, les défenseur·e·s des droits humains continuent d’être victimes d’actes d’intimidation, de harcèlement, de détention arbitraire, de torture et d’autres formes de mauvais traitements simplement parce qu’ils défendent les droits humains et exercent leurs droits à la liberté d’expression et d’association. Ces représailles s’étendent souvent à leur famille et à leurs collègues.
Comme c’est souvent le cas pour les militant·e·s chinois, des ami·e·s et des membres de la famille de Xu Zhiyong et de Ding Jiaxi ont été menacés et harcelés pour s’être exprimés publiquement. Pendant des années, Xu Zhiyong s’est vu interdire non seulement de voir sa famille, mais aussi de consulter l’avocat de son choix. Trois avocats désignés par sa famille ont renoncé à le défendre, semble-t-il parce qu’ils avaient subi des menaces et des intimidations de la part des autorités chinoises.
Les autres militant·e·s pris pour cible en lien avec la réunion de Xiamen sont notamment les suivants :
- Chang Weiping a été condamné à trois ans et demi d’emprisonnement ; il a purgé sa peine et a été libéré en juillet 2024, mais il fait toujours l’objet d’une interdiction de voyager.
- Li Qiaochu s’est vu infliger une peine de trois ans et huit mois de réclusion ; elle a purgé sa peine et a été libérée en août 2024, mais elle reste soumise à une interdiction de voyager ainsi qu’à deux ans de privation de ses droits politiques.
- Zhang Zhongshun a été condamné à quatre ans et demi de prison en novembre 2024.
- Dai Zhenya et Li Yingjun ont été libérés sous caution après avoir été maintenus un certain temps en « résidence surveillée dans un lieu désigné » ; ils sont aussi sous le coup d’une interdiction de voyager.
Amnistie internationale considère comme prisonnier ou prisonnière d'opinion toute personne incarcérée uniquement du fait de ses convictions politiques ou religieuses, pour toute autre raison de conscience ou en raison de son origine ethnique, de son sexe, de sa couleur, de sa langue, de sa nationalité ou de son origine sociale, de sa situation socioéconomique, de sa naissance, de son orientation sexuelle, de son identité ou expression de genre, ou de toute autre situation, et n’ayant pas usé de violence ni prôné la violence ou la haine dans le cadre des circonstances ayant conduit à son placement en détention.