Angola. Le président américain Joe Biden doit demander la libération immédiate de cinq détracteurs du gouvernement arbitrairement détenus
Lors de sa visite en Angola début décembre 2024, le président des États-Unis Joe Biden doit demander au président angolais João Lourenço et à son gouvernement de libérer immédiatement cinq détracteurs détenus arbitrairement depuis plus d’un an, dont quatre ont été délibérément privés de soins médicaux, ce qui équivaut à de la torture, a déclaré Amnistie internationale.
Le président Joe Biden doit aussi demander à son homologue angolais, ainsi qu’à son gouvernement, de mettre un terme à quatre années de répression des manifestations pacifiques, qui ont fait au moins 17 morts, dont un mineur, comme le dénonce Amnistie internationale dans un nouveau rapport intitulé Broken promises: protesters caught between tear gas, bullets and batons in Angola. Les autorités angolaises doivent respecter les droits de tous dans le pays.
« Dans l’Angola du président João Lourenço, quiconque critique publiquement le gouvernement risque d’être arrêté, torturé, voire tué. Si les droits humains sont au centre de la politique étrangère du président Joe Biden, alors il doit exiger du gouvernement angolais qu’il libère immédiatement et sans condition les cinq détracteurs détenus arbitrairement et qu’il cesse de réprimer le droit de manifester », a déclaré Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnistie internationale.
La police a arrêté Adolfo Campos, Hermenegildo Victor (alias Gildo das Ruas), Abraão Pedro Santos (alias Pensador) et Gilson Moreira (alias Tanaice Neutro) à la veille d’une manifestation contre les prix élevés du carburant en septembre 2023. Un mois auparavant, elle avait appréhendé Ana da Silva Miguel (alias Neth Nahara), influenceuse sur les réseaux sociaux, qui avait diffusé une vidéo en live sur TikTok critiquant le président João Lourenço. Neth Nahara figure parmi les cas retenus pour l'édition 2024 d’Écrire pour les droits, la plus grande campagne d’Amnistie internationale en faveur des droits humains.
Les autorités carcérales privent de soins médicaux d’urgence, y compris d’intervention chirurgicale, Campos, Gildo das Ruas et Tanaice Neutro, alors que leur état de santé se détériore, ce qui s’apparente à de la torture. En outre, elles ont maintenu Tanaice Neutro à l’isolement pendant 36 jours et les gardiens ont empêché Neth Nahara d’avoir accès à ses médicaments quotidiens contre le VIH pendant les huit premiers mois de sa détention.
Ressources naturelles et répression
Le premier et unique voyage du président Joe Biden en Afrique sera axé sur le soutien américain au corridor de Lobito, un grand projet d’infrastructure reliant les régions riches en ressources naturelles d’Angola, de République démocratique du Congo et de Zambie à la côte atlantique de l’Angola.
Disposant de vastes gisements de minerais, l’Angola est le troisième producteur de pétrole d’Afrique. Cependant, la richesse en ressources naturelles du pays n’est pas synonyme de prospérité pour la majeure partie de la population, ce qui est à l’origine de nombreuses manifestations pacifiques contre la pauvreté, le chômage, les inégalités et le coût élevé de la vie.
Fréquemment, les forces de sécurité angolaises réagissent à ces manifestations par la répression et la violence. Depuis 2020, Amnistie internationale a recensé des cas où les forces de sécurité ont arrêté, frappé, tiré, torturé, voire tué des participant·e·s à des rassemblements pacifiques.
« Les États-Unis ne peuvent pas poursuivre le développement du secteur privé en Afrique sans veiller en même temps à ce que les droits fondamentaux de tous sur le continent soient pris en compte, promus et respectés, a déclaré Kate Hixon, directrice du plaidoyer pour l’Afrique à Amnistie internationale États-Unis. Le président Joe Biden doit saisir l’occasion de sa visite pour faire pression sur les autorités angolaises afin qu’elles respectent les obligations internationales relatives aux droits humains qui leur incombent et protègent la dignité et l’humanité de tous. »
En janvier 2021, la police angolaise a tué au moins 10 personnes dans la ville minière de diamants de Cafunfo, dans la province de Lunda-Nord, au cours d’une manifestation contre la pauvreté.
Le 5 juin 2023, lors de manifestations contre les prix élevés du carburant, la police a ouvert le feu et tué au moins quatre personnes, dont un jeune adolescent de 12 ans, et a procédé à des dizaines d’arrestations. Le 17 juin 2023, la police a déployé des gaz et des grenades lacrymogènes contre des centaines de manifestant·e·s à Luanda, faisant plusieurs blessés.
Depuis le début de l’année 2024, la police a brutalement dispersé trois manifestations pacifiques contre la politique économique du gouvernement et la répression. À chaque fois, la police a frappé les militant·e·s et les a placés en détention arbitraire pendant parfois 10 heures, avant de les relâcher sans inculpation.
Les responsables de ces actes jouissent d’une impunité quasi totale pour leur bilan en termes de morts et de blessés, ce qui contribue à alimenter les violences contre les manifestant·e·s. Ainsi, nombreux sont ceux qui ont peur de manifester en Angola et les rassemblements contre la politique gouvernementale se font rares.
Le gouvernement du président João Lourenço a adopté plusieurs lois interdisant de critiquer le président, conférant au gouvernement un contrôle excessif sur les organisations de la société civile, et muselant les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, ainsi que la liberté de la presse.
« Il existe clairement un lien entre la répartition inégalitaire des fruits de la richesse en ressources naturelles et la répression gouvernementale des manifestations et de la dissidence pacifique en Angola. Si le président Joe Biden souhaite que les États-Unis aident l’Angola à extraire et exporter ses ressources naturelles, il ne saurait ignorer la répression qui va de pair avec. Il doit dire clairement au président João Lourenço et à son gouvernement que le droit de manifester est un droit fondamental », a déclaré Deprose Muchena.