• 26 Sep 2023
  • Yémen
  • Communiqué de presse

Yémen. La défenseure des droits humains Fatma al Arwali doit bénéficier d’un procès équitable

Les autorités houthies de facto doivent veiller à ce que la défenseure des droits humains Fatma al Arwali bénéficie d’un procès équitable conformément aux normes internationales ou soit libérée immédiatement, a déclaré Amnistie Internationale le 25 septembre 2023.

Depuis le moment de son arrestation par les forces de sécurité houthies en août 2022, Fatma al Arwali a subi toute une série de violations des droits humains aux mains des services de sécurité et de renseignement : elle a notamment été victime d’une disparition forcée, détenue au secret et maintenue en détention provisoire prolongée. Son droit à un procès équitable est mis en péril par le fait qu’elle n’a pas eu accès à un avocat, y compris lors de la première audience de son procès le 19 septembre.

« Le procès inique de Fatma al Arwali devant le Tribunal pénal spécial siégeant à Sanaa, traditionnellement réservé aux infractions liées à la sécurité, illustre le mépris total des Houthis pour les normes internationales d’équité », a déclaré Grazia Careccia, directrice régionale adjointe d’Amnistie Internationale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« Fatma al Arwali est incarcérée depuis plus d’un an, dans des conditions horribles, dans une cellule en sous-sol, et n’est pas autorisée à recevoir des visites de sa famille. Son cas rappelle une nouvelle fois que les Houthis instrumentalisent le Tribunal pénal spécial à des fins de répression et détournent la justice. »

Les forces de sécurité houthies ont arrêté Fatma al Arwali à un poste de contrôle à al Manshour, dans le gouvernorat de Taizz, le 13 août 2022. Elle a été victime d’une disparition forcée pendant environ huit mois. Sa famille l’a cherchée dans tous les commissariats et toutes les prisons de Sanaa. Ils ont par la suite appris de manière non officielle qu’elle avait été détenue au secret dans le centre géré par les services de sécurité et de renseignement à Sanaa, au lendemain de son arrestation. La disparition forcée est un crime au regard du droit international.

Fatma al Arwali était l’ancienne directrice du bureau yéménite de l’Union des femmes dirigeantes de la Ligue arabe et s’occupait activement de promouvoir les droits des femmes.

Le 31 juillet 2023, les procureurs l’ont inculpée de complicité d’« agression contre les Émirats arabes unis » et d’avoir fourni des coordonnées pour dévoiler les positions des forces armées houthies et des « comités populaires », une accusation passible de la peine de mort. Son dossier a été transféré au Tribunal pénal spécial.

Depuis 2015, Amnistie Internationale a recensé les cas de plus de 60 personnes, présentées devant ce tribunal basé à Sanaa, dont des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains, des opposant·e·s politiques et des membres de minorités religieuses qui ont fait l’objet de procès iniques pour des accusations fallacieuses ou forgées de toutes pièces. Toutes ou presque sont jugées pour des accusations d’espionnage, une infraction punie de la peine capitale au titre de la législation yéménite.

DES PROCÈS INIQUES

D’après les entretiens avec son avocat, Fatma al Arwali n’a pas bénéficié des droits élémentaires à une procédure régulière lors de la phase précédant le procès. Celui-ci a indiqué qu’il n’avait pas pu lui rendre visite une seule fois en détention.

Son avocat a assisté à la première audience le 19 septembre, mais le juge a refusé de consigner sa présence en tant que représentant légal dans le dossier.

Fatma al Arwali a déclaré au juge qu’elle était détenue dans des conditions très difficiles, dans une pièce en sous-sol, sans voir le soleil depuis plus d’un an. Elle a aussi demandé à voir ses enfants. L’avocat a déclaré avoir demandé au tribunal de consigner cette déclaration dans le rapport d’audience, mais le juge a refusé.

Il a ajouté que des membres des services de sécurité et de renseignement présents au tribunal ont tenté de le faire sortir de la salle après avoir conseillé à Fatma al Arwali de demander une copie de son dossier. Le juge a alors assuré à Fatma al Arwali qu’elle n’avait pas besoin d’un avocat.

En vertu des normes internationales d’équité, toute personne arrêtée et détenue et toute personne accusée d’une infraction pénale a droit à l’assistance d’un avocat de son choix, afin que ses droits soient protégés et afin qu’elle puisse commencer à préparer sa défense et à contester sa détention. Ce droit constitue également une importante protection contre la torture et les autres mauvais traitements, en vue d’atténuer les risques d’« aveux » forcés.

« À moins que Fatma al Arwali ne bénéficie d’un procès équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial et que des preuves concrètes, crédibles et recevables ne démontrent qu’elle a commis une infraction reconnue par le droit international, elle doit être immédiatement libérée et toutes les charges retenues contre elle doivent être abandonnées », a déclaré Grazia Careccia.