Pakistan. Les civil·e·s ne doivent pas être jugés en vertu de lois militaires
En réaction au communiqué de presse publié le 15 mai par le service des relations publiques interservices (ISPR) de l’armée, faisant part de l’intention de l’armée pakistanaise de traduire en justice les incendiaires qui ont sévi lors des manifestations violentes de la semaine dernière au titre de la Loi relative aux forces armées du Pakistan et de la Loi sur les secrets d’État, Dinushika Dissanayake, directrice régionale ajointe pour l’Asie du Sud à Amnistie internationale, a déclaré :
« Nous notons avec inquiétude que l’armée pakistanaise se dit prête à juger des civil·e·s en vertu de lois militaires, éventuellement devant des tribunaux militaires : cela est contraire au droit international.
« L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que le Pakistan a ratifié, garantit le droit à un procès devant " un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi ". Au Pakistan, les tribunaux militaires ne sont pas indépendants ; ils sont spécialisés, purement fonctionnels et conçus pour maintenir la discipline au sein des forces armées. Amnistie internationale a recensé une longue liste de violations des droits humains lors de procès de civils devant des tribunaux militaires au Pakistan – mépris flagrant des droits de la défense, manque de transparence, aveux forcés et exécutions à l’issue de procès des plus iniques. Par conséquent, toute indication selon laquelle des civil·e·s pourraient comparaître devant des instances militaires est incompatible avec les obligations qui incombent au Pakistan en vertu du droit international relatif aux droits humains.
« Il s’agit purement d’une tactique d’intimidation, destinée à réprimer la dissidence en suscitant la peur d’une institution qui n’a jamais à rendre compte de ses excès. Plusieurs dispositions de droit commun peuvent être invoquées pour engager des poursuites en cas d’actes de vandalisme et de destruction de biens publics. Le droit à un procès équitable, que garantit la Constitution pakistanaise, est gravement compromis par cette mesure qui ne peut se justifier et doit être annulée sur-le-champ. »
Complément d’information
Le 8 mai 2023, l’ancien Premier ministre Imran Khan et ses partisans ont manifesté partout dans le pays, certains de ces rassemblements dégénérant en violences. Certains groupes « ont pénétré dans le quartier général de l’armée, tandis que d’autres ont mis le feu à la résidence officielle d’un commandant militaire ». Au moins huit personnes sont mortes et plus de 1 000 ont été arrêtées, d’après les rapports de police publiés dans les médias, dont d’autres responsables politiques du parti d’Imran Khan, Tehreek-i-Insaf (Mouvement du Pakistan pour la justice).
L’armée pakistanaise a qualifié le 9 mai de « jour sombre » et a mis en garde les manifestant·e·s contre de « sévères représailles » en cas de nouvelles attaques contre des biens de l’armée et de l’État.
Le Pakistan est le seul pays d’Asie du Sud à autoriser les tribunaux militaires à juger des civil·e·s pour des infractions non militaires, notamment liées au terrorisme.