Mexique. Les agissements des autorités empêchent l’accès à la vérité et à la justice dans l’affaire d’Ayotzinapa
- Neuf ans après les faits, les revers subis dans l’enquête ne doivent pas déboucher sur une « vérité historique » distincte.
- Le gouvernement doit agir de manière transparente et rendre des comptes, tout comme l’armée.
Bien qu’il y ait eu quelques avancées vers l’élucidation de la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa, les autorités mexicaines ont agi ces derniers mois d’une manière risquant de compromettre l’accès à la vérité, à la justice et à des réparations pour les victimes et leurs familles, a déclaré Amnistie Internationale lundi 2 octobre.
« Neuf ans après la disparition forcée des élèves de l’école normale d’Ayotzinapa, nous ne pouvons pas permettre que les revers subis dans le cadre de l’enquête nous mènent vers une "vérité historique" distincte, au lieu de faire jaillir la vérité et de permettre de découvrir où se trouvent ces étudiants », a déclaré Edith Olivares, directrice exécutive d’Amnistie Internationale Mexique.
« En inculpant l’ancien procureur Omar Gómez Trejo, en s’attaquant à des organisations essentielles à la défense des droits humains au Mexique, et en passant sous silence le rôle possible de l’armée dans ces disparitions, le président Lopez Obrador a directement contribué à la méfiance croissante des familles des étudiants et de la société en général. »
Amnistie Internationale a observé avec inquiétude un certain nombre de faits survenus ces derniers mois, qui constituent un obstacle fondamental à l’enquête officielle et font craindre qu’elle n’aboutisse à une impasse.
Récemment, le refus du ministère de la Défense nationale (SEDENA) de fournir des informations cruciales sur l’affaire, demandées par le Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI), notamment des enregistrements de conversations interceptées avec le groupe criminel « Guerreros Unidos » liées à la disparition des 43 étudiants, le 26 septembre 2014, a été rendu public.
« Le refus du ministère de la Défense de remettre des documents essentiels afin de faire la lumière sur les événements survenus à Ayotzinapa devrait nous scandaliser dans un pays de plus en plus militarisé. Ayotzinapa est un exemple clair que la militarisation n’est pas la solution aux problèmes de sécurité des citoyen·ne·s. Nous demandons au gouvernement, notamment à l’armée, de faire preuve de transparence, de rendre des comptes et de respecter les droits humains », a déclaré Edith Olivares.
De même, la démission l’année dernière d’Omar Gómez Trejo, ancien chef de l’Unité spéciale d’enquête et de poursuites pour l’affaire d’Ayotzinapa (Unidad Especial de Investigación y Litigación para el Caso Ayotzinapa, UEILCA), après qu’il a dénoncé l’ingérence indue du bureau du procureur général dans l’enquête sur l’affaire, ainsi que le départ du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants le 31 juillet 2023, en raison de l’impossibilité de continuer à travailler face à l’absence de coopération des autorités mexicaines, sont également des sujets de préoccupation.
Par ailleurs, au lieu de collaborer pleinement à la recherche de la vérité dont la société mexicaine a tant besoin, le président Andrés Manuel López Obrador a martelé son soutien à l’armée concernant la non-transmission d’informations cruciales à la résolution de l’affaire. Dans le même temps, le président a fait des déclarations hostiles aux organisations de la société civile qui accompagnent les victimes, comme le Centre des droits humains Agustín Pro Juárez (Centro Prodh), qui a même constaté de nouveaux faits d’espionnage contre lui au moyen du logiciel Pegasus en avril 2023.
Dans le même ordre d’idées, le président a indiqué, lors de ses réunions matinales quotidiennes, qu’une enquête sur Omar Gómez Trejo était en cours, pour des omissions présumées dans l’enquête, et le fait d’avoir participé à une « rébellion » au sein du bureau du procureur général.
Amnistie Internationale exhorte les autorités à répondre aux questions des familles des étudiants et à garantir leur accès à la vérité, à la justice et à des réparations. L’organisation demande que le SEDENA communique tous les documents nécessaires à l’enquête, que l’UEILCA et la Commission Vérité d’Ayotzinapa poursuivent leur travail contre l’impunité sans ingérence indue, et que cessent la stigmatisation et la diffamation subies par des organisations de la société civile qui travaillent sur cette affaire, ainsi que les poursuites visant l’ancien procureur Omar Gómez Trejo.