Kirghizistan. Le projet de loi sur les ONG représente une grave menace pour la société civile dynamique
En réaction à l’adoption en première lecture par le Parlement du Kirghizistan de modifications de la législation qui restreindraient dangereusement la liberté d’association et le travail des organisations non gouvernementales (ONG) dans le pays, Maisy Weicherding, chargée de recherches sur l’Asie centrale à Amnistie Internationale, a déclaré :
« Nous sommes déçus que ces modifications restrictives injustifiées de la loi actuelle sur les ONG aient été adoptées en première lecture du projet de loi. Nous exhortons vivement le Parlement à prendre en compte les avantages socioéconomiques pour le Kirghizistan d’une société civile dynamique et à réévaluer l’impact que ces amendements auront sur la capacité des ONG à fournir un appui essentiel à tous pour réaliser leurs droits.
« Autre élément très préoccupant, les modifications proposées imposent la désignation obligatoire en tant que " représentant étranger " et " ONG étrangère " pour les ONG recevant des fonds depuis un autre pays, assortie d’obligations déclaratives contraignantes.
« Comme nous l’avons observé dans d’autres pays, ces termes sont exploités pour contraindre fortement les ONG et imposer des niveaux croissants de contrôle de leur travail par les autorités. Ils servent également à stigmatiser leurs activités, les exposant à des attaques et les empêchant d’apporter un soutien essentiel aux plus fragiles au sein de la société. Une société civile dynamique capable d’agir librement et sans peur est un atout inestimable et irremplaçable pour tout pays, en particulier dans un contexte de crise économique et climatique. Le Parlement doit rejeter catégoriquement ces modifications en deuxième lecture. »
Complément d’information
Les modifications proposées prévoient notamment des peines allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement pour les militant·e·s de la société civile qui participent à la création, aux activités ou à la promotion d’une ONG ou d’une entité d’une ONG étrangère si les autorités constatent que cette organisation se rend coupable d’« incitation de citoyens à refuser d’accomplir leurs devoirs civiques ou à commettre d’autres actions illégales » – une infraction définie en termes vagues.
Aux termes de la nouvelle législation, les autorités pourraient suspendre les activités d’une ONG pendant six mois sans aucune décision de justice, ou la radier si elle ne s’enregistre pas comme « représentant étranger ». Dans la plupart des cas, cela aboutirait concrètement à la fermeture de cette organisation. Le ministère de la Justice aurait par ailleurs le pouvoir d’interdire à des ONG d’envoyer de l’argent à certaines organisations qui, selon les autorités, « nuisent » aux intérêts du pays.
Enfin, les modifications proposées constituent une discrimination à l’égard des personnes étrangères, apatrides ou souffrant de troubles psychosociaux car elles leur interdisent d’enregistrer des ONG, ce qui les prive de leurs droits civiques.