Le raid de la GRC en territoire Wet’suwet’en, une « atteinte flagrante » aux droits des Peuples Autochtones
Le raid de la GRC en territoire Wet’suwet’en hier, mercredi 29 mars, est le dernier événement en date d’une « campagne de violence, d’intimidation et de dépossession » mené depuis longtemps à l’encontre des défenseur·e·s du droit à la terre, constate Amnistie internationale Canada.
En effet, mercredi après-midi, plus d’une douzaine d’agents de la GRC ont débarqué sur le territoire des Wet’suwet’en. Cinq défenseur·e·s de la terre et de l’eau opposé·e·s à la construction en cours du gazoduc de Coastal GasLink sur le territoire Wet’suwet’en ont été arrêtés. Cette intervention s’est déroulée six mois après que les procureurs de la Colombie-Britannique aient porté des accusations criminelles contre 19 défenseur·e·s du droit à la terre qui avaient manifesté contre ce projet de gazoduc.
« Ce dernier raid de la GRC sur les Wet’suwet’en est une atteinte flagrante aux droits des Peuples Autochtones » affirme France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone. « Les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada ont bien conscience que les Peuples Autochtones ont droit au consentement préalable, libre et éclairé sur les projets d’infrastructure qui affectent leurs territoires, comme le stipule la déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples Autochtones. Il n’y a plus d’excuses à la criminalisation des défenseur·e·s autochtones qui protègent leurs terres, leurs eaux et leurs droits. Cette campagne de violence, d’intimidation et de dépossession, menée à l’encontre des Nations Autochtones doit cesser immédiatement. »
Ce raid survient peu après la visite au Canada, en mars 2023, de Francisco Calí Tzay, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des Peuples Autochtones. Dans un communiqué de presse clôturant sa mission d'enquête, il s'est dit préoccupé par la « militarisation en cours des terres autochtones et la criminalisation des défenseurs autochtones des droits humains qui s'opposent aux gazoducs Trans Mountain et Coastal GasLink en Colombie-Britannique. »
Dans le rapport annuel 2022-2023 d’Amnistie internationale, qui vient tout juste d’être publié, la section sur le Canada fait ressortir ces violations aux droits des Peuples Autochtones, en donnant comme exemple l’approbation du projet de gazoduc de Coastal GasLink sans le consentement des chefs héréditaires Wet’suwet’en. Lancé lundi dernier, ce rapport présente le Canada comme l’un des nombreux États n'ayant pas protégé les droits des Peuples Autochtones en « acceptant des projets extractifs, agricoles et d’infrastructure sans avoir obtenu le consentement préalable, libre et éclairé des Peuples Autochtones concernés. »
Un communiqué de presse, diffusé mercredi sur le site web Gidimt’en Checkpoint des défenseur·e·s du droit à la terre, annonçait qu’une délégation de leaders autochtones allait manifester lors de l’assemblée générale annuelle de la Banque Royale du Canada (RBC), prévue le 5 avril prochain à Saskatoon. La RBC a été critiquée, au Canada et ailleurs dans le monde, pour sa contribution au financement du projet de Coastal GasLink.
« C’est du harcèlement, et qu’est-ce que la Banque Royale finance exactement? » demande le chef Na’moks, un des chefs héréditaires Wet’suwet’en dans ce communiqué. « En vue de la rencontre avec ses actionnaires la semaine prochaine, la RBC continue de financer le colonialisme corporatif et de chasser des Peuples Autochtones de leurs terres, à la pointe du fusil – tout cela pour un pipeline de gaz de fracturation que nous ne pouvons nous permettre de toute façon, aujourd’hui ou à l’avenir. Comparé au vol de nos terres ancestrales, alléguer le vol de quelques outils et de vêtements est vraiment aberrant. »
France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, et Ketty Nivyabandi, secrétaire générale d’Amnistie internationale Canada section anglophone, demandent au premier ministre Justin Trudeau, au ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby et le procureur général de la Colombie-Britannique, Niki Sharma, de mettre fin à la criminalisation des défenseur·e·s du droit à la terre qui protègent, à juste titre, les territoires ancestraux non cédés de leurs nations.
« Chaque nouveau raid lancé en territoire Wet’suwet’en souligne un peu plus à quel point le Canada tourne le dos à la réconciliation et à son engagement de respecter les droits des Peuples Autochtones », déclare Ketty Nivyabandi, secrétaire générale de la section anglophone d’Amnistie internationale Canada. « Abandonner les charges à l’encontre de tous les défenseur·e·s du droit à la terre des Wet’suwet’en actuellement accusé·e·s, et suspendre la construction du gazoduc de Coastal GasLink, n’effaceront pas les torts infligés par le Canada. Mais cela constituerait une démonstration de bonne foi et annoncerait les prémisses d’un dialogue constructif, de nation à nation, entre le gouvernement canadien et le peuple Wet’suwet’en. »