La pratique de la détention migratoire dans les prisons provinciales est un « système meurtrier » qui doit prendre fin
Aujourd'hui, Amnistie internationale, Human Rights Watch et d'autres organisations de défense des droits humains appellent le gouvernement canadien à suivre la recommandation du jury de l'enquête du coroner sur le décès d'Abdurahman Hassan pour ainsi mettre fin à la pratique des détentions migratoires dans des prisons provinciales.
Dans une lettre envoyée ce lundi à Justin Trudeau, premier ministre du Canada, Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique et Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, les 40 organisations signataires invitent le gouvernement à suivre la feuille de route tracée par le jury du coroner qui a été chargé de formuler des recommandations au gouvernement pour éviter que des décès comme celui d'Hassan ne se reproduisent.
Selon Amnistie internationale, le jury de l'enquête du coroner est le dernier en date à tirer la sonnette d'alarme sur les détentions migratoires qui, selon elle, constituent un système meurtrier et discriminatoire dans lequel 17 personnes demandeuses d’asile et migrantes, ont perdu la vie depuis 2000. La fin des détentions migratoires dans les prisons provinciales est d’ailleurs la demande principale de la campagne #BienvenueAuCanada, menée par Amnistie internationale et Human Rights Watch depuis 2021.
« Que des personnes fuyant la violence, les conflits, les catastrophes ou encore l’extrême pauvreté se retrouvent dans des prisons, parfois à haute sécurité, est inacceptable. Comme nous leur avons demandé à plusieurs reprises, il est grand temps que le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec mettent fin à leur entente. Par ailleurs, le Canada devrait saisir cette occasion pour mettre les droits humains au cœur de son système d’immigration et de protection des personnes réfugiées » déclare France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone.
En 2022, quatre provinces ont décidé de mettre fin aux ententes ou arrangements avec l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) sur la détention liée à l’immigration : la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, l’Alberta, et le Manitoba. Lorsque ces décisions entreront en vigueur, plus aucune personne ne pourra être incarcérée dans les prisons de ces provinces sur la seule base de l’immigration. Avec ces décisions, ces provinces ont ouvert la voie aux autres provinces et au gouvernement fédéral pour leur permettre de démontrer leur engagement envers les droits humains en mettant fin à la détention migratoire à travers le pays.
« La mort d'Abdurahman Ibrahim Hassan a mis en évidence la façon dont les politiques d'immigration racistes et discriminatoires, les aides insuffisantes pour les personnes souffrant de maladies mentales et le manque de transparence du gouvernement menacent les droits des réfugiés et des migrants et parfois leur vie. Ce système meurtrier doit prendre fin. Nous exhortons le gouvernement fédéral et ceux des provinces, y compris le gouvernement de l'Ontario, à tenir compte des leçons de cette tragédie pour mettre en place des pratiques respectueuses des droits humains et de la santé mentale » déclare Ketty Nivyabandi, secrétaire générale d’Amnistie internationale Canada English Speaking Section.
DES MILLIERS DE DÉTENTIONS ARBITRAIRES
Dans la lettre ouverte, les organisations rappellent que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a maintenu en détention des dizaines de milliers de personnes migrantes sur des motifs purement administratifs. Alors qu’elles ne sont accusées d’aucun crime, ces personnes se retrouvent donc en prison et certaines subissent les conditions d’emprisonnement les plus restrictives de ce pays – comme les prisons à sécurité maximale et l’isolement cellulaire.
Dans le cas d’Abdurahman Hassan, un homme de 39 ans souffrant de graves problèmes de santé mentale, emprisonné pendant trois ans et qui est mort dans une prison en Ontario en 2015, l’enquête du coroner révèle des détails choquants quant aux conditions de détention, dont l’isolement, que les personnes détenues pour des motifs liés à l’immigration doivent subir dans les prisons provinciales.
La pratique du Canada de détenir des personnes migrantes dans des prisons provinciales constitue une violation des normes internationales relatives aux droits humains, puisque l’emprisonnement dans ces institutions constitue une mesure punitive par nature. Elle est également très discriminatoire, comme le souligne le rapport publié par Human Right Watch et Amnistie internationale en 2021, intitulé « Je ne me sentais pas comme un être humain ». La détention des personnes migrantes au Canada et son impact en matière de santé mentale. Les personnes noires et les autres personnes racisées semblent être détenues pendant de plus longues périodes et sont souvent incarcérées dans des prisons provinciales plutôt que dans des centres de surveillance de l'immigration. En outre, les personnes souffrant de troubles mentaux sont victimes de traitements coercitifs disproportionnés, y compris la détention dans des prisons provinciales et l'isolement cellulaire.
L’implication des provinces dans cette pratique les rend ainsi complices des violations des droits humains que subissent les personnes migrantes au sein de leurs institutions.