Arabie saoudite. La déclaration de culpabilité et la peine de mort « absurdes » prononcées contre un homme condamné en raison de publications sur les réseaux sociaux doivent être annulées
Il faut que les autorités saoudiennes annulent la déclaration de culpabilité et la peine de mort prononcées par le Tribunal pénal spécial (TPS) le 9 juillet contre Mohammad bin Nasser al Ghamdi, un enseignant à la retraite âgé de 54 ans poursuivi uniquement en raison de son activité en ligne pacifique sur Twitter et YouTube, et qu’elles le libèrent immédiatement, a déclaré Amnistie internationale le 31 août.
Le frère de Mohammad bin Nasser al Ghamdi a dit à Amnistie internationale que ce dernier a été arrêté le 11 juin 2022 par les forces de sécurité, alors qu’il était assis avec sa femme et ses enfants devant leur maison dans le quartier d’al Nawwariyyah, dans la ville de la Mecque. Il a déclaré que Mohammad bin Nasser al Ghamdi a été placé en détention à l’isolement dans la prison de Dhahban, non loin de Jeddah, pendant quatre mois, et que pendant cette période il n’a pas été autorisé à contacter sa famille et à accéder à un avocat. Il n’a été autorisé à contacter sa famille qu’après son transfert dans la prison d’al Ha’ir à Riyad, quatre mois environ après son arrestation, a dit son frère.
« Les autorités saoudiennes ont dépensé plusieurs milliards de dollars pour tenter de redorer leur image, mais aucune somme d’argent, aussi gigantesque soit-elle, ne permettra de faire oublier à quel point le pays est devenu répressif. La peine de mort infligée à Mohammad bin Nasser al Ghamdi, qui n’est suivi au total que par 10 personnes sur ses comptes Twitter anonymes et qui a simplement été accusé d’avoir exprimé ses opinions sur les réseaux sociaux, est totalement absurde. Un nouveau pas a été franchi en ce qui concerne la répression qu’exerce le pays contre toute forme de dissidence, a déclaré Philip Luther, directeur de la recherche et des actions de plaidoyer du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnistie internationale.
« Il est impossible de croire que les autorités saoudiennes tiennent vraiment à mettre en place des réformes quand on constate qu’elles continuent d’exécuter des personnes en violation du droit international, notamment avec l’exécution de mineurs délinquants et de personnes condamnées à l’issue de simulacres de procès simplement parce qu’elles s’étaient opposées au gouvernement. »
Selon la décision qui a été rendue contre Mohammad bin Nasser al Ghamdi et qu’Amnistie internationale a examinée, cet homme a été déclaré coupable au titre des articles 30, 34, 43 et 44 de la loi antiterroriste saoudienne. Figure au nombre des agissements qui lui sont reprochés le fait d’avoir « renoncé à son allégeance aux gardiens de l’État » ; « soutenu une idéologie terroriste et une entité terroriste (les Frères musulmans) » ; « utilisé ses comptes sur Twitter et YouTube pour suivre et promouvoir des individus qui cherchent à déstabiliser l’ordre public » ; et « sympathisé avec des individus détenus en raison d’accusations liées au terrorisme ». L’acte d’accusation examiné par Amnistie internationale cite plusieurs tweets sur lesquels est basée la déclaration de culpabilité prononcée contre Mohammad bin Nasser al Ghamdi, notamment des publications dans lesquelles il a critiqué le roi et le prince héritier ainsi que la politique étrangère du pays, appelé à la libération de dignitaires religieux incarcérés, et protesté contre la flambée des prix. Il n’a été accusé d’aucun crime violent.
Le frère de Mohammad bin Nasser al Ghamdi, Saeed bin Nasser al Ghamdi, est un universitaire islamique et opposant au gouvernement qui a choisi de vivre en exil au Royaume-Uni. Il pense que son frère a été condamné à mort en représailles à cause de son militantisme.
« Les autorités saoudiennes m’ont demandé à plusieurs reprises de retourner en Arabie saoudite, mais j’ai refusé. Cette peine de mort infligée à mon frère représente très probablement une forme de vengeance motivée par mes activités. Sinon, il n’aurait pas été condamné à une peine aussi lourde au vu des charges retenues contre lui », a déclaré Saeed al Ghamdi à Amnistie internationale.
Il a également déclaré qu’au cours de son interrogatoire, les enquêteurs ont posé des questions à Mohammad bin Nasser al Ghamdi au sujet de ses opinions politiques et de ses opinions concernant d’autres Saoudiens incarcérés, notamment les dignitaires religieux Salman al Awda et Awad al Qarni, qui ont été arrêtés en 2017 et condamnés à mort à cause de leurs opinions politiques.
L’Arabie saoudite doit supprimer la peine de mort en toutes circonstances et sans exception, quelles que soient la nature du crime commis, les caractéristiques de son auteur et la méthode d’exécution utilisée par l’État.
« La peine de mort est une violation du droit à la vie et elle constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Dans le cas de Mohammad bin Nasser al Ghamdi, ce châtiment semble constituer une sanction infligée à titre de représailles qui vise non seulement cet homme mais aussi un autre membre au moins de sa famille qui a plus ouvertement exprimé ses opinions politiques », a déclaré Philip Luther.
Complément d’information
Ces deux dernières années, Amnistie internationale a rassemblé des informations sur l’intensification de la répression exercée en Arabie saoudite contre les personnes qui utilisent les réseaux sociaux et Internet pour exprimer leurs opinions. Ne serait-ce qu’en 2022, Amnistie internationale a réuni des informations sur les cas de 15 personnes condamnées à des peines d’emprisonnement comprises entre 10 et 45 ans uniquement pour des activités pacifiques en ligne, une de ces peines étant probablement la plus lourde jamais infligée à une femme saoudienne pour s’être exprimée pacifiquement en ligne.
Afin de les poursuivre en justice, le Tribunal pénal spécial a utilisé des dispositions floues de la législation sur la cybercriminalité et la lutte contre le terrorisme qui assimilent l’expression pacifique d’opinions et l’activité en ligne au « terrorisme ».
L’Arabie saoudite est l’un des pays au monde qui procèdent au plus grand nombre d’exécutions. En 2022, ce pays a exécuté 196 personnes, ce qui représente le nombre annuel le plus élevé d’exécutions enregistré par Amnistie internationale dans le pays au cours des 30 dernières années. Ce chiffre est trois fois supérieur au nombre de personnes exécutées en 2021, et au moins sept fois supérieur aux chiffres de 2020.
Amnistie internationale s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception, quelles que soient la nature ou les circonstances du crime, indépendamment des questions relatives à la culpabilité ou à l’innocence ou à toute autre situation du condamné, et quelle que soit la méthode d’exécution employée par l’État. À ce jour, 112 pays ont aboli la peine de mort pour tous les crimes, et plus des deux tiers au total ont aboli ce châtiment en droit ou en pratique.