UE. Le placement en détention dans des sites non officiels est une « tactique délibérée » pour se soustraire aux regards
- L’entrée de la Croatie dans l’espace de Schengen illustre le manquement persistant de l’Union européenne (UE) à son obligation de rendre des comptes pour ces pratiques illégales
En réaction à un rapport consacré par Lighthouse Reports, une ONG de journalisme collaboratif, aux personnes incarcérées dans des lieux de détention non officiels aux frontières de la Bulgarie, de la Hongrie et de la Croatie, Jelena Sesar, spécialiste des Balkans occidentaux à Amnistie internationale, a déclaré :
« Les conclusions de Lighthouse Reports selon lesquelles les autorités européennes incarcèrent intentionnellement des personnes dans des lieux de détention non officiels confirment une tendance inquiétante qu’Amnistie internationale a précédemment observée à de nombreuses frontières de l’UE. Des personnes sont souvent détenues sous des tentes, dans des conteneurs et des fourgons de police, généralement hors réseau dans des forêts isolées ou d’autres zones inaccessibles, le but étant de les garder à proximité des frontières extérieures de l’UE. Cette tactique délibérée permet aux autorités de procéder à des renvois forcés illégaux, de faire fi de leurs demandes d’asile et de commettre d’autres abus.
« Amnistie internationale a recensé de nombreux cas de personnes forcées à passer de quelques heures à plusieurs jours dans des lieux de détention non officiels aux frontières de l’UE, notamment récemment en Grèce, en Croatie, en Pologne et en Lettonie. Les autorités dirigent ces sites hors des systèmes officiels de détention ou d’hébergement afin de se soustraire aux regards. L’annonce, faite jeudi 8 décembre, que la Croatie rejoint l’espace Schengen montre que l’UE cautionne, voire récompense ces pratiques illégales, et est prête à sacrifier les droits humains afin d’empêcher les gens d’entrer dans l’UE.
« Soit les gouvernements refusent d’admettre que ces sites existent, soit ils les qualifient cyniquement de "centres temporaires", "non officiels", voire de postes humanitaires, afin de se soustraire à leurs responsabilités. En vertu du droit international et du droit de l’UE, les gouvernements sont tenus de garantir les droits fondamentaux des personnes privées de liberté, en leur permettant de communiquer avec amis et parents, de s’entretenir avec des avocats et de bénéficier de soins de santé. Les gouvernements dirigeant ces lieux de détention non officiels enfreignent clairement le droit international.
« L’incarcération de migrant·e·s et de réfugié·e·s doit être une mesure de dernier recours, à utiliser uniquement lorsque cela est absolument nécessaire. Les personnes demandant l’asile doivent être protégées contre les expulsions, être autorisées à entrer sur un territoire, et avoir la possibilité de déposer une demande d’asile. »
Complément d’information
Amnistie internationale a recensé de nombreux cas de migrant·e·s ayant été arrêtés par la police croate avant d’être transportés à plus de 200 kilomètres dans de très mauvaises conditions, souvent dans des fourgons de police bondés et mal ventilés alors qu’ils étaient menottés.
En 2021, la Commission européenne pour la prévention de la torture a déclaré que les conditions dans lesquelles les migrant·e·s et réfugié·e·s ont été transportés et retenus dans des fourgons de police pour des périodes prolongées pourraient dans certains cas s’apparenter à des formes de mauvais traitements.