Philippines. Les élections doivent marquer un tournant pour les droits humains
Les élections du mois prochain doivent marquer un tournant pour les droits humains aux Philippines, a déclaré Amnistie internationale le 6 avril 2022, alors qu’elle publie un programme en huit points demandant à tous les candidat·e·s à la présidence de veiller à ce que la protection des droits humains soit au cœur de leurs projets.
Après six années de profonde détérioration de la situation des droits humains, attaqués à maintes reprises par le gouvernement du président Rodrigo Duterte, les élections du 9 mai devraient être l’occasion de changer radicalement de cap.
« Les prochaines élections comptent parmi les plus importantes de l'histoire récente et nous espérons qu'elles contribueront à ouvrir la voie à une approche radicalement différente en ce qui concerne les droits humains, a déclaré Erwin van der Borght, directeur régional par intérim d'Amnistie internationale.
« Au cours des six dernières années, des milliers de personnes, généralement pauvres, ont été tuées par des policiers et des individus armés dans le cadre de la " guerre contre la drogue " menée par le gouvernement. La justice et l’obligation de rendre des comptes n’ont pas été mises en œuvre – ou presque. Le prochain gouvernement doit rétablir le respect des droits humains, y compris du droit à la vie et à une procédure légale, en renonçant sans attendre à cette politique meurtrière et en la remplaçant par une approche en matière de lutte contre les stupéfiants axée sur la santé et les droits humains. »
Dans tout le pays, on a assisté à une forte augmentation des violations des droits humains et à une impunité généralisée sous la présidence de Rodrigo Duterte.
« Des militant·e·s politiques, des défenseur·e·s des droits humains, des membres de peuples autochtones, des avocat·e·s et des personnes critiques à l'égard des autorités ont été menacés, attaqués, détenus arbitrairement et tués, parce qu'ils étaient accusés de soutenir le mouvement communiste ou œuvraient à dénoncer et condamner les violations des droits humains.
« Le nouveau gouvernement devra mettre fin à ces effroyables attaques, mais aussi lutter contre des années d'impunité, amener les responsables présumés de graves violations à rendre des comptes dans le cadre de procès équitables et garantir la justice et les réparations tant attendues pour des milliers de victimes. Les violations des droits humains ne doivent pas être balayées sous le tapis par opportunisme politique. »
Par ailleurs, le programme d’Amnistie internationale engage les candidat·e·s à s'attaquer aux fortes inégalités en matière de santé dans le pays qui perdurent depuis des décennies, et que la pandémie de COVID-19 a révélées et exacerbées. Il formule des recommandations dans divers domaines, notamment les droits des groupes marginalisés, la liberté d'expression, le droit à l'éducation, la justice climatique et les droits du travail.
« La reprise à la suite de la pandémie de COVID-19 offre l’occasion d’apporter des solutions à des problèmes de longue date, dans des domaines comme le système de santé publique, la protection des travailleurs·euses et la qualité de l'éducation pour tous aux Philippines, a déclaré Erwin van der Borght.
« Les six prochaines années seront cruciales en ce qui concerne la mise en œuvre de mesures adéquates en vue de protéger les droits fondamentaux dans le contexte de la réaction aux catastrophes, de faire face à l'urgence climatique, de rétablir la liberté des médias et de protéger la liberté d'expression. »
Amnistie internationale appelle tous les candidat·e·s aux élections à prendre l'engagement de respecter les recommandations énoncées dans son programme et d’aborder explicitement les droits humains dans leurs campagnes.
« L'engagement en faveur des droits humains doit être la priorité des plateformes politiques afin que les Philippin·e·s connaissent la position des candidat·e·s sur les nombreux sujets de préoccupation qui touchent le pays, avant de glisser un bulletin de vote historique dans les urnes, a déclaré Erwin van der Borght. Les six prochaines années aux Philippines doivent marquer le début d’une nouvelle ère où les dirigeants respectent et protègent les droits humains de tous, pas seulement de quelques puissants. »
Complément d’information
Les Philippines organisent leurs élections nationales le 9 mai 2022 et environ 67 millions de citoyen·ne·s sont attendus dans les bureaux de vote pour élire le prochain président ou la prochaine présidente et vice-président·e du pays, ainsi que d'autres responsables gouvernementaux au niveau national et local.
Les candidat·e·s à la présidence sont l'ancien porte-parole de la présidence Ernesto Abella, le dirigeant syndical Leody de Guzman, le maire de Manille Isko Moreno Domagoso, l'ancien secrétaire à la Défense Norberto Gonzales, le sénateur Ping Lacson, l'homme d'affaires Faisal Mangondato, l'ancien sénateur Ferdinand Marcos Jr, fils de l'ancien président qui avait instauré la loi martiale pendant 10 ans, le médecin et avocat Jose Montemayor Jr, le sénateur Manny Pacquiao et la vice-présidente Leni Robredo.
Amnistie internationale publie traditionnellement un programme des droits humains à destination du prochain chef d’État des Philippines, portant sur les domaines qu’elle considère comme devant figurer en tête des priorités du nouveau gouvernement. Elle avait publié et partagé des programmes législatifs sur les droits humains lors des 17 e et 18e Congrès sous les anciens présidents Benigno Aquino III et Rodrigo Duterte.
En février 2022, Amnistie internationale Philippines a lancé une campagne nationale Sagot mo ba ako ? (« Est-ce que vous me soutenez ? ») et publié une lettre ouverte demandant aux candidat·e·s aux postes les plus élevés d'aborder les questions urgentes relatives aux droits humains dans le pays.