Pérou. Nous exigeons qu’il soit mis fin immédiatement aux violences étatiques et que les responsables d’atteintes aux droits humains soient amenés à rendre des comptes
Amnistie internationale déplore la mort d’au moins 17 personnes à Ayacicho, Apurímac, Arequipa, Junín et La Libertad dans le cadre de mouvements sociaux et a déclaré que l’intervention des forces militaires et policières dans ce contexte a bafoué les normes internationales en matière de droits humains et risque d’aggraver la crise actuelle.
Depuis l’instauration de l’état d’urgence dans tout le pays le 15 décembre, Amnistie internationale a reçu de nombreuses informations faisant état de violations des droits humains commises par les forces armées et policières lors des mouvements sociaux, allant de l’usage excessif de la force et la privation de liberté en l’absence de garanties d’une procédure régulière, à la torture.
En Amérique latine, les atteintes aux droits humains perpétrées par les forces armées dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre à l’échelle nationale sont nombreuses, notamment car l’entraînement que reçoivent les militaires et les fonctions qu’ils doivent normalement exercer visent à atteindre des objectifs différents. Ainsi, l’armée a un rôle de protection face aux menaces contre l’intégrité et la souveraineté d’un État et reçoit donc un entraînement visant à vaincre un ennemi, alors que les forces de police interviennent dans le cadre du maintien de l’ordre public et de la protection des personnes.
« Face aux conséquences néfastes de la réponse militaire à la crise actuelle au Pérou, nous demandons le retrait des forces armées du contrôle des manifestations, tant qu’il n’est pas possible de s’assurer qu’elles agiront dans le respect du cadre civil et des droits humains, sans recours injustifié à la force et à des armes meurtrières. Nous exigeons que toutes les forces étatiques cessent immédiatement leur recours excessif à la force et qu’une sortie de crise soit trouvée de toute urgence, par le dialogue, afin de mettre un terme à l’intensification des violences et d’empêcher que davantage de personnes ne perdent la vie », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice régionale pour les Amériques à Amnistie internationale.
Amnistie internationale rappelle qu’au regard du droit international, les forces armées chargées d’activités de maintien de l’ordre public et d’application des lois sont soumises aux mêmes normes que les forces de police. Cela comprend, notamment, le respect des normes et des réglementations en matière de recours à la force.
Nous rappelons également que, face à des violences dans le cadre d’une manifestation ou d’une mobilisation, les forces de l’ordre doivent répondre de manière individuelle en visant les personnes responsables de ces violences, toujours dans le respect des principes de stricte nécessité, de proportionnalité, d’objectif légitime et d’obligation de rendre des comptes, et ne doivent en aucun cas se livrer à une répression aveugle qui touchera également les personnes exerçant pacifiquement leur droit de manifester publiquement.
Nous exigeons qu’une enquête rapide, impartiale et efficace soit menée et que les personnes responsables d’atteintes aux droits humains dans le cadre de la répression constatée depuis le début des manifestations dans tout le pays le 7 décembre 2022 soient identifiées. Pour cela, le ministère public doit diligenter une enquête sur la mort d’au moins 17 personnes et les graves blessures infligées à des dizaines d’autres.
« Les autorités tournent le dos à la population et envoient les forces de l’ordre pour résoudre par la répression un problème qui devrait être résolu par le dialogue. La sécurité de la population ne peut être garantie en menaçant les droits humains », a déclaré Marina Navarro, directrice d’Amnistie internationale Pérou.