• 4 Aoû 2022
  • Israël et territoire palestinien occupé
  • Article d'opinion

PROVOCATIONS ISRAÉLIENNES, RÉSILIENCE PALESTINIENNE

Voici un article exclusif de Michel Warschawski qui se retrouve dans le magazine agir, commandez le ici

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Le 1er février 2022, Amnistie internationale a rendu publique une vaste enquête sur les politiques d’Israël à l’égard des populations palestiniennes dans un rapport de 280 pages concluant au crime contre l’humanité d’apartheid. Cette enquête historique d’Amnistie internationale démontre que « l’État d’Israël considère et traite la population palestinienne comme un groupe racial non juif inférieur ». Israël a créé un régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématiques à l’égard de la population palestinienne, tant en Israël que dans les territoires palestiniens occupés (TPO) au moyen de lois, politiques et pratiques discriminatoires.

Au final, ce régime contrôle tous les aspects de la vie des Palestiniens, niant plusieurs de leurs droits humains.Le magazine AGIR a voulu savoir ce que pensait le journaliste et militant pacifiste israélien de longue date, co-fondateur et président du Centre d’information alternative de Jérusalem, Michel Warschawski. Né à Strasbourg en 1949, celui-ci se définit comme antisioniste et dit souhaiter le remplacement d’Israël comme État juif par un État binational. C’est en 1965, à l’âge de 16 ans, qu’il est parti vivre en Israël, d’abord pour étudier.

Nul ne peut le nier, Israël a le vent en poupe : au-delà d’excellentes performances économiques, l’État Juif a réussi à débloquer l’isolement relatif dans lequel il se trouvait dans la région arabe : que ce soient les pays du golfe ou le Maroc, voire l’Arabie Saoudite, Israël a réussi à imposer son existence dans la région et à y faire du business. Les Émirats du golfe arabo-persique sont devenus une destination privilégiée pour les touristes israéliens, qui, pour l’instant, y sont bien accueillis.

La réussite d’Israël signifie toujours un pas en arrière pour les Palestiniens, qui sont aujourd’hui les grands oubliés de cette normalisation. Pourtant, ces derniers possèdent une arme empêchant que la marginalisation dont ils sont les victimes se transforme en déroute. En arabe on l’appelle le Soumoud, que le mot résilience ne décrit pas tout à fait : c’est la capacité de s’accrocher, à sa terre, à son identité, à sa dignité. C’est la grande leçon de la déroute de 1948, la Naqba : on ne lâche pas, on ne part pas, on s’accroche et, coûte que coûte, on défend sa société et on refuse de sombrer dans le désespoir ou la barbarie.

Gaza est le paradigme de cette capacité de résistance : malgré le siège barbare imposé aux deux millions de personnes et les conditions de vie dramatiques qu’Israël (et l’Égypte) leur impose, Gaza n’est pas la jungle qu’Israël voudrait : on va à l’école, on travaille autant qu’on peut et surtout, on évite la violence interne qui toujours menace des situations d’enfermement et de manque de tout.

Les Palestiniens sont les champions du monde de la résistance et ce, malgré un leadership politique qui n’est pas à la hauteur de ce qu’ils et elles méritent. On fait peut-être le dos rond, mais on ne lâche pas. L’histoire leur a appris que la libération est au bout d’une longue marche et qu’il est impératif d’adapter ses objectifs aux rapports de force. Si les « régimes frères » les ont trahis, les Palestiniens savent qu’ils peuvent néanmoins compter sur la solidarité des peuples arabes et aussi sur celle de millions d’hommes et de femmes à travers le monde qui abhorrent le colonialisme, même quand il se pare des attraits de la modernité et s’autoproclame abusivement « seule démocratie au Moyen Orient ».

Nous avons mentionné les performances économiques et les succès diplomatiques de l’État d’Israël. Mais il serait prématuré de fêter. Dans le domaine politique, l’instabilité est la règle : après 13 ans de pouvoir et quatre élections en deux ans pour tenter d’avoir une majorité et d’échapper à la justice, Benjamin Netanyahou a dû passer la main, empêtré dans des affaires de corruption. La coalition qui s’est constituée pour mettre fin à son règne est hétéroclite et va de l’extrême droite au centre gauche et son étroite majorité dépend du soutien de la Liste arabe unifiée de Mansour Abbas. « Tout sauf Netanyahou » n’est pas un programme politique et les divergences entre les composantes de la coalition gouvernementale sont lourdes de conflits explosifs.

Quand la gauche et la droite s’associent, c’est toujours la gauche qui fait l’essentiel des compromis. Le « gouvernement du changement » ne fait pas exception à cette règle : la colonisation s’accélère, la brutalité des colons et leur mainmise sur de plus en plus de terres arabes sont des phénomènes quotidiens qui jouissent de la complicité de l’armée d’occupation et les maigres promesses faites par le premier ministre Benett au centre gauche, grossièrement mises aux oubliettes. Moins de corruption et un peu plus de mesures sociales – voilà les acquis de la gauche, mais rien dans le domaine des droits des Palestiniens, y compris ceux qui sont citoyens israéliens.