COVID-19. La décision ministérielle de l’OMC concernant l’Accord sur les ADPIC ne pose pas de règles permettant de sauver des vies
Réagissant à la décision ministérielle en date du 17 juin de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) concernant l’Accord sur les ADPIC, Tamaryn Nelson, chercheuse sur les droits économiques, sociaux et culturels à Amnistie internationale, a déclaré :
« Cela fait plus de deux ans que la pandémie a débuté, et l’OMC n’a toujours pas procédé aux changements nécessaires pour que toutes les personnes qui en ont besoin puissent accéder aux produits de santé qui pourraient permettre de sauver des vies. Au vu de cette décision, des centaines de millions de personnes dans les pays en développement vont probablement continuer d’être privées d’accès à un grand nombre de ces produits.
« Cette décision ne permettra sans doute pas d’induire un changement significatif en ce qui concerne l’accès au niveau mondial aux vaccins contre la COVID-19. Le fait que l’OMC ait décidé de repousser de six mois la décision concernant l’élargissement de l’accord concernant les diagnostics et les thérapies – à ce stade de la pandémie – montre que l’OMC n’est pas en phase avec la réalité.
« Cette décision est non seulement dérisoire, mais aussi scandaleuse puisqu’elle signifie clairement que les droits en matière de propriété intellectuelle sont plus importants que les droits à la santé et à la vie. Après plus de 18 mois de discussions, l’OMC vient de perdre l’occasion d’utiliser ses larges pouvoirs pour fixer des règles mondiales en matière de commerce qui permettraient de sauver des vies, ce qui représente un inquiétant précédent concernant la coopération internationale en cas d’urgences de santé publique. »
Complément d'information
L’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) énonce les normes minimales relatives à de nombreuses formes de propriété intellectuelle comme le droit d’auteur, les marques, les brevets, les informations non divulguées (notamment les secrets commerciaux et les données d’essai) et les pratiques anticoncurrentielles.
Les droits relatifs à la propriété intellectuelle créent des obstacles qui entravent l’accès à des produits de santé susceptibles de sauver des vies, mais l’Accord sur les ADPIC prévoit des garanties appelées « flexibilités » qui permettent aux États de modifier leur législation et de prendre certaines mesures pour faire face aux urgences de santé publique, notamment avec des licences obligatoires permettant à une entreprise de produire un médicament qui sauve des vies sans respecter les règles concernant la propriété intellectuelle.
La pandémie de COVID-19 a aussi conduit à se demander si ces « flexibilités » étaient suffisamment efficaces pour répondre aux besoins mondiaux urgents, étant donné qu’elles s’appliquent généralement au cas par cas, pays par pays, en fonction des produits de santé concernés, et avec de très lourdes exigences en matière de déclaration.
En octobre 2020, l’Inde et l’Afrique du Sud ont demandé une dérogation temporaire (IP/C/W/669) à certains aspects des protections en matière de propriété intellectuelle qui permettrait aux pays de produire plus facilement des versions des produits concernant la COVID-19. Alors que cette proposition était soutenue par plus de 100 pays, elle n’a pas abouti en raison de l’opposition d’un petit nombre de pays riches.
Une nouvelle proposition de décision ministérielle présentée à l’initiative du directeur général de l’OMS (WT/MIN(22)/W/15) mais largement basée sur des propositions de l’Union européenne, a été débattue et adoptée lors de la 12e conférence ministérielle de l’OMS (MC12) qui a eu lieu du 12 au 17 juin 2022. Au lieu de lever les protections en matière de propriété intellectuelle, elle apporte certains éclaircissements concernant les actuelles « flexibilités » et une petite exception concernant les restrictions sur l’exportation de vaccins contre le COVID-19 pour une durée de cinq ans.