Hong Kong. La condamnation de « Giggs » met en évidence un élargissement de l’arsenal utilisé par les autorités pour réprimer les opposant·e·s
Réagissant à la peine de deux ans et huit mois d’emprisonnement prononcée contre le Hongkongais Edmund Wan, alias « Giggs », un animateur de webradio et commentateur politique déclaré coupable de sédition et de blanchiment d’argent, Gwen Lee, chargée de campagne pour la Chine à Amnistie internationale, a déclaré :
« L’incarcération condamnable d’un animateur ayant osé dire tout haut ce qu’il pensait et financer les études de jeunes manifestant·e·s illustre le fait que les autorités hongkongaises élargissent la gamme des moyens employés à l’encontre de celles et ceux dont elles n’apprécient guère les opinions et les activités.
« Dernier opposant en date à être emprisonné sur la base de charges de “sédition” remontant à l’ère coloniale, Edmund Wan a de plus été déclaré coupable de blanchiment d’argent, malgré la faiblesse des éléments à charge.
« Les militant·e·s de Hong Kong ne craignent plus seulement les dispositions de la draconienne Loi sur la sécurité nationale ; ils sont de plus en plus souvent pris pour cible par l’intermédiaire de divers autres chefs d’inculpation susceptibles d’être utilisés à mauvais escient pour les punir.
« Privé de jury et confronté à un régime d’aide juridictionnelle restreint, au sein d’un système judiciaire qui penche de plus en plus en défaveur des personnes accusées dans les affaires de “sécurité nationale”, Edmund Wan a vu sa capacité à se défendre gravement compromise, comme de nombreux autres militant·e·s hongkongais.
« Edmund Wan critiquait ouvertement les autorités dans ses émissions de radio et a contribué à la création d’un fonds destiné à financer les études des jeunes ayant fui Hong Kong pour Taïwan. Ces deux initiatives lui ont valu sa condamnation de ce jour.
« Étant donné la politique de “tolérance zéro” du gouvernement hongkongais à l’égard de la dissidence depuis 2019, il est difficile de croire que son emprisonnement soit motivé par autre chose que des considérations politiques. Les autorités doivent libérer Edmund Wan et abandonner tous les chefs à son encontre, à moins qu’elles ne parviennent à produire des éléments suffisants, crédibles et recevables permettant de prouver qu’il a commis une infraction pénale. »
Complément d’information
Edmund Wan, alias « Giggs », a été condamné ce vendredi 7 octobre à deux ans et huit mois d’emprisonnement pour intention séditieuse et blanchiment d’argent.
Avant son arrestation, Edmund Wan animait quatre émissions sur une radio en ligne indépendante à Hong Kong. Il tenait souvent des propos critiques à l’égard du gouvernement hongkongais et des autorités centrales de la Chine.
En février 2020, il a lancé une collecte de fonds pour financer les études d’un groupe de jeunes Hongkongais·e·s qui avaient fui pour Taïwan à l’époque où le gouvernement de Hong Kong arrêtait des dizaines de milliers de jeunes ayant pris part aux manifestations de grande ampleur de 2019.
Le 21 novembre 2020, Edmund Wan a été arrêté au titre de la Loi sur la sécurité nationale. Le 8 février 2021, il a été inculpé de quatre chefs d’« actes commis dans une intention séditieuse » au titre de dispositions législatives sur la sédition datant de l’ère coloniale. Il a ensuite été inculpé, le 10 mai 2021, de cinq chefs supplémentaires de blanchiment d’argent et d’un chef de « complot en vue de commettre un acte dans une intention séditieuse ». Les charges d’« intention séditieuse » renvoyaient aux critiques qu’il avait formulées à l’égard de la cheffe de l’exécutif de Hong Kong et du Parti communiste chinois dans ses émissions de radio et ses publications sur Internet. Il est détenu depuis plus de 18 mois.
En mai 2022, l’accusation a conclu un accord sur le plaidoyer avec Edmund Wan, prévoyant que six des 10 chefs qui pesaient sur lui ne donneraient pas lieu à des poursuites dans l’immédiat mais resteraient dans son dossier si, en contrepartie, il plaidait coupable des autres chefs retenus contre lui et acceptait la confiscation des recettes de sa collecte de fonds.
Depuis 2020, les autorités de Hong Kong recourent à des chefs d’accusation de sédition remontant à l’époque coloniale pour réprimer les dissident·e·s. Les personnes accusées de sédition ont fait l’objet de certaines des mesures draconiennes qui ont visé les personnes poursuivies au titre de la Loi sur la sécurité nationale, entrée en vigueur le 30 juin 2020.
En juillet 2022, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a fait part de ses préoccupations face à l’utilisation par les autorités hongkongaises de charges de sédition datant de l’ère coloniale pour cibler des personnes n’ayant fait qu’exercer leur droit à la liberté d’expression. Il a appelé les autorités à abroger les infractions relatives à la sédition et à ne plus les utiliser pour réprimer les personnes formulant des critiques à leur égard ou les opposant·e·s.