Guinée équatoriale. Les migrants en situation irrégulière détenus de manière illégale doivent être libérés
Quatre hommes originaires d’Afrique de l’Ouest détenus illégalement en Guinée équatoriale depuis plus de cinq mois doivent être libérés sans attendre, a déclaré Amnistie internationale le 29 avril 2022.
Ces hommes sont des migrants en situation irrégulière, c’est-à-dire des ressortissants d'autres États africains qui n'ont pas de permis de séjour légaux, et sont détenus dans un poste de police à Malabo, la capitale, depuis mi-novembre 2021 – ce qui excède largement la limite de 60 jours prévue par la Loi organique n° 3/2010 régissant les droits des étrangers en Guinée équatoriale. Pendant cette période, ils n'ont pas eu accès à des procédures administratives ou judiciaires pour contester les motifs de leur détention, une garantie pourtant inscrite dans le droit équato-guinéen. L'un d’entre eux est malade et a besoin de soins médicaux.
« Les autorités de Guinée équatoriale doivent immédiatement libérer ces quatre hommes originaires d’Afrique de l’Ouest, enfermés depuis près de six mois, et cesser de recourir abusivement aux arrestations et détentions arbitraires », a déclaré Marta Colomer, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnistie internationale.
Abdoulay Ndom et Mouamed Kalouare, du Mali, et Toba Mammed et Lamin Sisoko, de Guinée et de Côte d'Ivoire, sont détenus depuis novembre 2021 à la suite de grands raids liés à l’immigration décrétés par la police. Mouamed Kalouare souffre de maux de tête, de fièvre, d'une toux persistante et de douleurs thoraciques. Le personnel du poste de police affirme qu'il reçoit un traitement. Cependant, son état de santé ne montrant aucun signe d'amélioration, son avocat demande qu'il bénéficie de soins médicaux appropriés.
En mars, les quatre détenus ont observé une grève de la faim pendant plusieurs jours afin de protester contre leurs conditions de détention et leur situation au regard de la loi, mais cette action n’a pas amené les autorités à apporter un quelconque changement.
Un contexte de raids discriminatoires
Entre le 30 octobre 2021 et début décembre 2021, le gouvernement de Guinée équatoriale a lancé une campagne contre les migrant·e·s et mené des raids dans des grandes villes comme Malabo, Bata, Mongomo et Ebibeyin. Les membres des forces de sécurité ont arrêté dans la rue des personnes qui avaient, d’après eux, des « traits du visage d'origine africaine étrangère » et ont exigé de voir leurs papiers d'identité. Ceux qui n'avaient pas leurs documents sur eux ont été immédiatement arrêtés et placés en détention, souvent sans tenir compte de leur situation au regard de la législation sur l'immigration.
Selon les déclarations du gouvernement, cette campagne visait à lutter contre l’immigration illégale en Guinée équatoriale. D'autres sources fiables de la société civile ont toutefois indiqué que ces raids étaient une réponse aux rumeurs selon lesquelles certains migrants étaient en train de fomenter un coup d’État contre le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.
Selon les organisations locales, au total, plus de 500 personnes – principalement des ressortissants du Cameroun, du Nigéria, du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, de la République centrafricaine, du Tchad et du Mali – ont été arrêtées dans plusieurs villes du pays. Des dizaines d’entre elles ont affirmé avoir été rouées de coups et maltraitées lors de leur arrestation et de leur détention.
L'afflux soudain de détenus dans les postes de police a entraîné une forte surpopulation. Certains ont donc été placés dans des installations sportives, telles que le complexe sportif de Malabo et le stade de Nkoantoma à Bata.
Certaines ambassades, comme celle du Cameroun, ont apporté un soutien aux migrants, mais leur auraient également demandé de ne pas partager sur les réseaux sociaux d’informations sur les mauvais traitements dans les centres de détention ni sur l'existence d’opérations de reconduite par avion organisées par l’armée de Guinée équatoriale.
La grande majorité des personnes détenues n'ont reçu aucune aide juridique, et n’ont pas eu accès à des procédures juridiques appropriées ni aux garanties prévues par la loi concernant leur détention. Certaines ont été expulsées vers leur pays d'origine sans procédure régulière et sans pouvoir consulter un avocat avant l'exécution des arrêtés d'expulsion. D'autres ont été libérées des semaines après leur arrestation, sans recevoir aucune explication et sans jamais être inculpées.
« Nul ne devrait être arbitrairement arrêté et détenu sur la base du profilage ethnique. En Guinée équatoriale, cependant, les arrestations arbitraires et l’absence choquante de respect des garanties juridiques prévues par les lois nationales et internationales demeurent la norme et non l'exception, a déclaré Marta Colomer.
« Les autorités équato-guinéennes doivent diligenter sans délai une enquête approfondie, indépendante et efficace sur les allégations de profilage ethnique illégal et de violence lors des arrestations, ainsi que sur l'incapacité à garantir l'accès aux protections juridiques et sur les mauvais traitements en détention. »