Espagne. Le scandale du logiciel espion Pegasus illustre le risque que les services de renseignement agissent en toute impunité
Alors que Pedro Sánchez, le Premier ministre espagnol, s’est exprimé devant le Congrès des députés jeudi 26 mai au sujet de l’utilisation par les services espagnols de renseignement (le CNI) du logiciel Pegasus, afin d’espionner des figures politiques, Amnistie internationale a demandé aux autorités de revoir en urgence la réglementation en vigueur, afin de limiter la surveillance secrète des communications.
L’organisation a également publié 10 recommandations ayant pour objectif d’établir ce qui s’est passé dans le détail, de mettre en place des voies de recours et des mesures d’obligation de rendre des comptes en faveur des victimes de violations des droits humains, et de prévenir la surveillance arbitraire et de masse à l’avenir.
« Les services de renseignement doivent respecter les normes relatives aux droits humains », a déclaré Esteban Beltrán, directeur d’Amnistie internationale Espagne.
« S’il existe davantage de mesures de contrôle dans les affaires pénales, dans le genre d’enquêtes menées par les services secrets, en revanche, les règles en place afin de prévenir les abus sont très faibles. Il existe un risque qu’ils agissent en toute impunité. »
Figurent parmi les 10 mesures préconisées :
- la nécessité de diligenter une enquête rigoureuse, indépendante et efficace sur la situation que le Projet Pegasus a révélée, et de veiller à une collaboration active avec les processus judiciaires actuels ou futurs dans cette affaire ;
- la nécessité pour le gouvernement de tenir sa promesse de suspendre l’utilisation de ces instruments de surveillance, jusqu’à ce que soit établi un cadre réglementaire adéquat qui respecte les droits humains ;
- des modifications juridiques en urgence qui renforceraient le contrôle de l’appareil judiciaire sur les enquêtes du CNI et la défense des personnes faisant l’objet de ces investigations ; ainsi que la modification de la Loi relative aux secrets officiels, de sorte que de possibles abus et violations des droits humains ne puissent pas être protégés au nom de considérations en relation avec la confidentialité.
Amnistie internationale demande une enquête approfondie, indépendante et efficace sur les affaires de surveillance de figures catalanes et basques, et notamment la création d’une commission dont les conclusions devront être transmises à la Commission ad hoc du Parlement européen travaillant sur les infractions au droit de l’Union européenne qui sont liées à l’utilisation de Pegasus.
« L’impunité caractérisant ce type de surveillance met par ailleurs une nouvelle fois en évidence la nécessité de renforcer le contrôle, mais aussi les garanties juridiques et opérationnelles, en relation avec les activités de surveillance », a déclaré Esteban Beltrán.
« Les gouvernements du monde n’en ont pas fait suffisamment pour enquêter sur les violations des droits humains causées par des logiciels espions invasifs tels que Pegasus, ni pour y mettre fin. L’utilisation, la vente et le transfert de ces technologies de surveillance doivent être temporairement suspendus afin de prévenir le risque de nouvelles atteintes aux droits humains. »