Algérie. Il faut abandonner toutes les accusations retenues contre des membres d’une minorité religieuse
Les autorités algériennes doivent abandonner immédiatement toutes les accusations portées contre 18 fidèles de la religion ahmadie de la paix et de la lumière, un groupe minoritaire, et libérer trois d’entre eux incarcérés depuis le mois de juin, a déclaré Amnistie internationale le 5 septembre 2022, à la veille de l’ouverture de leur procès le 6 septembre pour « participation à un groupe non autorisé » et « dénigrement de l’islam ».
« Que ces personnes soient détenues et poursuivies en raison de leurs croyances religieuses est une parodie de justice, a déclaré Amna Guellali, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnistie internationale. Elles doivent être autorisées à pratiquer pacifiquement leur religion sans risquer d’être la cible de mesures d’intimidation et de représailles. »
Trois adeptes de cette religion sont toujours détenus alors que leurs avocats ont déposé des demandes de libération à trois reprises. Le tribunal a rejeté ces requêtes au motif que l’enquête est en cours.
Au cours d’un entretien réalisé avec Amnistie internationale avant son arrestation et son incarcération, Redouane Foufa, coordinateur des fidèles de cette minorité à Bejaïa, a déclaré qu’une trentaine de soldats avaient fouillé la maison qu’il partage avec d’autres membres du groupe et saisi des cartes d’identité, des passeports, des téléphones et des ordinateurs portables.
Yasmine Guissi, la nièce de Redouane Foufa, a indiqué : « Au début, les familles étaient optimistes. Nous pensions qu’ils allaient être libérés, mais cela a continué de traîner et maintenant c'est vraiment dur. Leurs enfants demandent sans arrêt : " Où est Papa ? ". Les enfants n'ont pas le droit de leur rendre visite et de toute façon la famille ne peut les voir qu'une fois toutes les deux semaines. »
Souhila Benkaddour, l’épouse de Cherif Mohamed Ali, autre membre du groupe placé en détention, a découvert qu’elle était enceinte après l’arrestation de son époux, mais n’a pas pu lui apprendre la nouvelle. Cherif l’a appris deux semaines plus tard par son avocat.
Elle a déclaré à Amnistie internationale : « Lorsque j’ai découvert ma grossesse, après quatre années d’attente, j'ai gardé les images de notre bébé dans mon ventre dès la première échographie pour les montrer à mon mari lorsqu'il sortirait de prison. Aujourd'hui, je vis une autre joie tandis qu’il est absent – j'ai appris que notre bébé est un petit garçon. Si Dieu le veut, mon mari sera présent à mes côtés lors de l'accouchement. »
Complément d’information
Les 18 adeptes de la religion ahmadie de la paix et de la lumière comparaissent devant le tribunal de première instance de Bejaïa le 6 septembre. Ils sont inculpés au titre de l’article 46 de la Loi relative aux associations et de l’article 144 bis-2 du Code pénal algérien.
Le courant de la religion ahmadie de la paix et de la lumière a été créé en 1993. Il suit les enseignements de l’imam Mahdi et considère l’imam Ahmed al Hassan comme son guide spirituel. Il compte actuellement quelque 70 membres actifs en Algérie. Au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que l’Algérie a ratifié, les gouvernements doivent garantir le droit à la liberté de religion, de pensée et de conscience de toutes les personnes placées sous leur juridiction, et en particulier des minorités religieuses. Ce droit implique la liberté de manifester la religion ou la conviction de son choix, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé.
Cependant, en 2006, l’Algérie a adopté le Décret 06-03, qui a imposé des restrictions à l’exercice des religions autres que l’islam. Entre 2017 et 2022, les autorités algériennes ont invoqué ce décret, ainsi que le Code pénal, pour poursuivre des centaines de croyants non-sunnites et fermer plusieurs temples protestants.
La nouvelle Constitution de l’Algérie, adoptée en novembre 2020, a supprimé la liberté de religion et de croyance du Chapitre relatif aux droits et aux libertés, et n’a confirmé que la « liberté de pratiquer la religion », tout en précisant qu’elle « doit être pratiquée dans le respect de la loi ».