Afghanistan. Les autorités talibanes doivent révéler ce qu’il est advenu d’Alia Azizi
Les talibans doivent de toute urgence enquêter sur l’enlèvement d’Alia Azizi, une responsable des services pénitentiaires disparue depuis plus de trois mois, depuis qu’elle a pris ses fonctions à Hérat, et la libérer immédiatement et sans condition si elle se trouve entre leurs mains, a déclaré Amnistie internationale.
Alia Azizi, membre de la communauté ethnique Hazara et responsable de la prison pour femmes d’Hérat, n’est jamais rentrée chez elle après s’être rendue au travail le 2 octobre 2021. Malgré plusieurs demandes de sa famille adressées aux talibans pour qu’ils enquêtent sur cette affaire, le voile du secret entoure toujours sa disparition.
« Cela fait plus de trois mois qu’Alia Azizi a disparu et sa famille est maintenue dans l’ignorance totale quant au sort qui lui a été réservé. Son enlèvement s’est déroulé dans le contexte de la pratique des talibans qui détiennent illégalement des membres de l’ancien gouvernement, des journalistes et divers détracteurs à travers le pays », a déclaré Zaman Sultani, chercheur sur l’Asie du Sud à Amnistie internationale.
À la demande des talibans, Alia Azizi a repris son travail le 24 août 2021, neuf jours après l’effondrement du gouvernement afghan, a déclaré son frère Mohammad Nazir Arefi. Elle avait reçu une lettre d’amnistie des talibans, garantissant sa sécurité, le 12 août 2021, le jour où ils ont pris le contrôle de la province d’Hérat.
Selon Mohammad Nazir Arefi, les multiples demandes de la famille auprès des talibans à Hérat n’ont pas amené les autorités à ouvrir une enquête sur sa disparition. Les seules informations qu’ils ont reçues en réponse est qu’elle n’est pas détenue par les talibans. Depuis qu’Alia Azizi a disparu, son téléphone a été coupé et, selon Mohammad Nazir Arefi, lorsque la famille a tracé ses conversations téléphoniques par l’intermédiaire du fournisseur de service, il est apparu que sa dernière communication fut avec le responsable taliban de la prison d’Hérat.
« En tant qu’autorités de facto, les talibans doivent prendre des mesures immédiates afin de mener une enquête approfondie, impartiale et indépendante sur sa disparition et d’autres cas de disparition forcée, de donner des réponses aux familles dont les proches sont portés disparus et d’amener à rendre des comptes les membres au sein de leurs rangs qui ont commis des crimes relevant du droit international et d’autres graves violations des droits humains », a déclaré Zaman Sultani.
Le 16 janvier 2022, les talibans ont tenté de faire taire les manifestations de femmes à Kaboul appelant les talibans à libérer Alia Azizi. Pour disperser les manifestantes, ils ont utilisé des appareils électriques infligeant des décharges aux manifestantes et des substances chimiques comme le gaz poivre qui leur a causé de graves irritations au niveau de la peau et des yeux, selon Human Rights Watch. En septembre, le ministère de l’Intérieur du régime taliban a publié un décret interdisant toutes les manifestations et tous les rassemblements « jusqu’à ce qu’une politique de manifestation soit codifiée ».
« Il est évident que les promesses faites par les talibans, particulièrement aux femmes et aux filles afghanes, ne sont pas tenues, et qu’ils font preuve d’un mépris total à l’égard de leurs obligations découlant du droit international relatif aux droits humains et du droit humanitaire. Les talibans doivent cesser de recourir à la force illégale contre des personnes qui exercent leur droit de réunion pacifique », a déclaré Zaman Sultani.
Amnistie internationale a contacté les talibans et sollicité une réponse le 19 janvier ; alors qu’ils ont initialement promis que les autorités compétentes allaient enquêter sur ces affaires et qu’ils reviendraient vers Amnistie internationale, ils n’ont pas fourni de réponse concernant le cas d’Alia Azizi au moment où nous publions. Amnistie internationale prévoit de publier la réponse des talibans le cas échéant.
Complément d’information
Alia Azizi compte parmi les rares femmes qui, malgré la violence perpétuelle dont sont victimes les femmes dans le pays, ont rejoint l’ancienne police nationale afghane. Diplômée du secondaire, elle a plus de 10 années d’expérience au sein de l’ancienne force de police à Hérat – notamment en tant que responsable de la prison pour femmes d’Hérat.