La Tanzanie doit fournir des éléments de preuve pour étayer les accusations visant un dirigeant politique de l’opposition ou le libérer
Les autorités tanzaniennes doivent fournir dans les meilleurs délais des éléments de preuve à l’appui des accusations portées contre Freeman Mbowe, un dirigeant de l’opposition, ou bien le libérer, a déclaré Amnesty International, avant sa comparution devant un tribunal de Dar es Salaam jeudi 5 août. Le 3 août, la police a appréhendé plusieurs membres du Parti pour la démocratie et le développement (CHADEMA), une formation d’opposition, et un avocat, avant des manifestations prévues pour le 5 août afin de protester contre l’arrestation et le maintien prolongé en détention de Freeman Mbowe. Tout cela semble s’inscrire dans une répression croissante à l’égard de l’opposition politique.
Freeman Mbowe est accusé d’avoir commis des infractions en relation avec la délinquance économique et le financement d’activités terroristes entre mai et août 2020. Il a été arrêté le 21 juillet aux premières heures du jour lors d’une descente dans un hôtel à Mwanza (nord de la Tanzanie), avec 11 autres représentants et membres du personnel de CHADEMA. La police a arrêté trois autres personnes associées à Chadema plus tard ce même jour. Toutes les personnes arrêtées à l’époque ont depuis lors été relâchées sans inculpation, à l’exception de Freeman Mbowe.
« Freeman Mbowe a été appréhendé quelques heures avant qu’il ne doive lancer un programme appelant à une réforme constitutionnelle en Tanzanie. Le moment choisi pour son arrestation suscite des questions et donne à penser qu’il s’agissait d’une tactique visant à étouffer les voix critiques, et il incombe désormais aux autorités de fournir des éléments pour étayer ces charges ou de le remettre en liberté », a déclaré Deprose Muchena, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique subsaharienne à Amnesty International.
« Depuis l’investiture de la présidente Samia Suluhu Hassan, le gouvernement tanzanien a pris des mesures prometteuses afin de permettre une plus grande liberté d'expression et d’association dans le pays. Ce cas est préoccupant car il amène à se demander si ces progrès seront durables ou si la répression sera de nouveau à l’ordre du jour. »
Freeman Mbowe n’a pas comparu devant un tribunal depuis le 26 juillet, soit plus de cinq jours après son arrestation. Après avoir été inculpé, il a été transféré du poste de police d’Oysterbay, à Dar es Salaam, à la prison d’Ukonga, également à Dar es Salaam, le 26 juillet. Si le droit tanzanien ne précise pas spécifiquement combien de temps un suspect peut être détenu avant d’être déféré à la justice, les normes régionales et internationales relatives aux droits humains indiquent clairement que l’État a l’obligation légale de présenter une personne accusée devant un tribunal dans les meilleurs délais, généralement dans les 48 heures suivant l’arrestation.
Ses 11 collègues qui étaient détenus à Mwanza ont été libérés le 24 juillet, tandis que les trois autres personnes arrêtées à Mwanza et transférées au poste central de police de Dar es Salaam ont été remises en liberté le 25 juillet. On leur a dit qu’ils avaient été arrêtés pour s’être rassemblés de manière illégale et pour avoir enfreint les mesures préventives relatives à la pandémie de la Covid-19, même si ce genre de restriction n’est pas officiellement en vigueur dans le pays.
« Si le gouvernement tanzanien a adopté une nouvelle approche encourageante face à la pandémie de la Covid-19 et a rejoint l’effort mondial visant à lutter contre le virus, les autorités ne doivent pas utiliser la pandémie pour justifier le fait de prendre pour cible et harceler les partis d’opposition. Les autorités devraient plutôt veiller à ce que toute restriction imposée afin de répondre à cette crise de santé publique fasse l’objet d’une large communication auprès de la population et ne soit pas instrumentalisée pour réduire les voix critiques au silence », a déclaré Deprose Muchena.
Informations générales
Freeman Mbowe est accusé de « complot contraire aux sections 4 et 27 de la Loi relative à la prévention du terrorisme » et d’« atteinte à la loi sur le contrôle de la délinquance économique et du crime organisé », en relation avec des allégations remontant à la période allant de mai à août 2020. Amnistie internationalen’a pas connaissance des raisons pour lesquelles l’État a attendu jusqu’au mois dernier pour l’arrêter et le traduire en justice sur la base de ces charges après qu’il a convoqué une réunion afin d’appeler à une réforme constitutionnelle.