Le Conseil de sécurité de l’ONU doit agir de toute urgence et demander à l’armée de rendre des comptes
À la veille de la réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Myanmar qui se tiendra à huis clos le 2 février 2021, Sherine Tadros, responsable adjointe du travail de plaidoyer à Amnistie internationale, a déclaré :
« Les événements auxquels nous assistons au Myanmar ne sont pas arrivés tout d’un coup. Vous ne pouvez pas laisser en liberté les auteurs présumés de graves crimes de droit international et ensuite prendre un air surpris lorsqu’ils piétinent de nouveau les droits humains.
« Le 1er février 2021, une armée décomplexée a interprété les années d’inaction internationale comme le signal qu’elle pouvait chasser le gouvernement civil et se livrer à une frénésie d’arrestations injustifiées, sans en subir les conséquences.
« Les membres du Conseil de sécurité vont-ils continuer de ne se parler qu’entre eux, derrière des portes fermées, ou agir enfin avec fermeté pour prévenir de nouvelles violations des droits et atténuer la menace bien réelle d’une dégradation de la crise des droits humains ? Si le Conseil de sécurité avait agi de manière décisive et ferme dès le premier jour, nous ne serions sans doute pas dans une situation où la vie et la liberté des citoyens du Myanmar sont aujourd’hui encore plus menacées.
« Comme nous l’avions déjà dit, le Conseil de sécurité doit imposer des sanctions financières ciblées au commandant en chef des armées du Myanmar, le général Min Aung Hlaing, et aux autres chefs militaires responsables de crimes atroces contre diverses minorités ethniques à travers le pays, dont les Rohingyas. Le Conseil de sécurité doit aussi instaurer un embargo mondial sur les armes à destination du Myanmar et, surtout, saisir la Cour pénale internationale de la situation dans le pays.
« C’est un moment critique qui requiert une action immédiate du Conseil de sécurité, notamment la tenue d’une session ouverte sur le Myanmar et la condamnation sans équivoque des arrestations et des violations des droits humains imputables à l’armée. Enfin, le Conseil doit exiger la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées lors des raids du 1er février, si elles ne sont pas rapidement inculpées d’une infraction reconnue par le droit international. »
Complément d’information
Le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra une réunion d’urgence à huis clos sur le Myanmar mardi 2 février, à 10 heures (heure normale de l’Est), au lendemain du coup d’État mené le 1er février dans le pays.
Depuis hier, l’armée a instauré l’état d’urgence sous l’autorité du commandant en chef des armées du Myanmar, le général Min Aung Hlaing, et arrêté de très nombreux représentants civils élus et personnalités politiques, ainsi que des militant·e·s politiques et des défenseur·e·s des droits humains. Dans certaines régions du pays, les télécommunications ont été coupées.
Dans un rapport de 2018, Amnistie internationale avait cité le général Min Aung Hlaing parmi les responsables de crimes contre l’humanité perpétrés dans le cadre de l’offensive généralisée et systématique menée contre la population rohingya dans le nord de l’État d'Arakan.
L’an dernier, l’armée a commis de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire, notamment des crimes de guerre contre des minorités ethniques dans les États chin, kachin, d’Arakan et chan, et n’a pas eu à rendre des comptes. Amnistie internationale a recueilli des éléments de preuve qui révèlent que des frappes aériennes menées sans discernement ont tué des enfants et qui pointent les détentions arbitraires et la torture.
Une mission d’établissement des faits de l’ONU menée au Myanmar en 2018 a demandé que le général Min Aung Hlaing fasse l’objet d’une enquête et soit poursuivi pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.