Maroc et Sahara occidental. Il faut lever les restrictions arbitraires à la circulation et à la liberté d’une militante sahraouie
Les autorités marocaines doivent mettre un terme à l’assignation à domicile de fait et à la surveillance arbitraire imposées depuis novembre 2020 à Sultana Khaya, militante indépendantiste sahraouie, et à d’autres membres de sa famille, a déclaré Amnistie internationale jeudi 1er avril. Elles doivent mener une enquête approfondie et impartiale sur les coups et agressions dont cette femme et sa sœur, Waraa Khaya, auraient été victimes aux mains des membres des forces de sécurité.
Dans une lettre adressée à Amnistie internationale le 19 mars 2021, le gouvernement marocain a nié que Sultana Khaya et ses proches sont placés en résidence surveillée à leur domicile de Boujdour ou que leur liberté de circulation fait l’objet de la moindre restriction, affirmant que « [p]lusieurs vidéos montr[ent] que l’intéressée circule librement et qu’elle s’agite sur la voie publique en vociférant ».
Cependant, des séquences vidéos enregistrées à différentes dates depuis novembre 2020 et examinées par Amnistie internationale montrent des membres des forces de sécurité, en civil et/ou en uniforme, postés devant son domicile, empêchant des visiteurs d’entrer ou les repoussant. Selon le témoignage de Sultana Khaya et les vidéos qu’Amnistie internationale a consultées, les forces de sécurité s’en sont violemment prises à Khaya et à d’autres membres de sa famille à plusieurs occasions lorsqu’ils ont essayé de s’éloigner de quelques mètres à peine de la maison.
Amnistie internationale a lancé une Action urgente demandant la levée de l’assignation à domicile de Sultana Khaya.
Aux termes des normes internationales, les placements en résidence surveillée sont considérés comme une forme de détention et leur légalité dépend du respect de certaines garanties. L’article 9(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Maroc a ratifié, établit que « tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévue par la loi. »
Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a déterminé que « l’assignation à domicile peut être comparée à la privation de liberté en ce sens qu’elle se fait dans un endroit fermé que la personne n’est pas autorisée à quitter ». En 2011, dans un cas concernant l'artiste chinoise Liu Xia, le Groupe de travail a estimé qu’elle avait été arbitrairement privée de sa liberté quand, après qu’elle a rendu visite à son époux en prison, la police l’a ramenée à son appartement et a tenu la garde devant le portail de sa résidence, chassant journalistes et visiteurs. Liu Xia n’était pas autorisée à quitter l’enceinte de la résidence, sauf pour de brefs trajets devant être approuvés au préalable et devant se dérouler sous escorte policière. Elle n’a pu recevoir aucune visite et a été privée de moyens de communication. De même, dans son avis n° 8/1992, le Groupe de travail a déterminé que l’assignation à domicile d’Aung San Suu Kyi, « qui est tenue de limiter ses mouvements à la résidence familiale, qu’elle ne peut quitter en raison de la présence constante d’un garde armé, est une privation de liberté équivalente à une détention. »
Dans leur lettre à Amnistie internationale, les autorités marocaines ont déclaré que le 16 février 2021, le procureur général auprès de la cour d’appel de Laayoune a ordonné l’ouverture d’une enquête sur les circonstances d’une agression que les services de sécurité auraient fait subir à Sultana et Waraa Khaya le 13 février.
S’il s’agit là d’un pas en avant, Amnistie internationale réitère son appel en faveur d’une enquête approfondie et impartiale sur l’agression et les mauvais traitements dont les services de sécurité se seraient rendus coupables à Boujdour. Une telle enquête doit s’appuyer sur l’audition de témoins ainsi que sur l’analyse des éléments vidéo et photo pertinents. L’organisation exhorte par ailleurs les autorités à rendre publiques les conclusions de l’enquête.