Liban. L’enquête sur les conclusions du rapport d’Amnistie internationale sur les actes de torture infligés à des réfugiés syriens doit être indépendante.
Le 23 mars, Amnistie internationale a publié un rapport intitulé “I wished I would die”: Syrian refugees arbitrarily detained on terrorism charges and tortured in Lebanon, qui montre que les forces de sécurité libanaises ont torturé ou soumis à d’autres mauvais traitements des réfugié·e·s syriens détenus sur la base de charges liées au terrorisme, et ont bafoué à de nombreuses reprises leur droit à un procès équitable. Le rapport indique que les services de renseignement militaire et des organes chargés de la sécurité générale comptent parmi les responsables de ces actes de torture.
Le 29 mars, Ghassan Oueidat, procureur général de la République libanaise, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les conclusions du rapport d’Amnistie internationale relatives à des arrestations, à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements infligés à des réfugié·e·s syriens. Il a confié l’enquête au système de justice militaire en vertu de la Loi n° 65 contre la torture, entrée en vigueur en 2017.
Amnistie internationale appelle les autorités libanaises à confier cette enquête à la justice civile. Les actes de torture et les autres formes de mauvais traitements constituent des atteintes aux droits humains qui ne devraient être jugées que par la justice civile. Le droit à un procès devant un tribunal indépendant et impartial serait bafoué si la justice militaire était chargée d’enquêter sur ses propres membres.
Les normes du droit international relatif aux droits humains disposent que la compétence pénale des tribunaux militaires doit être limitée aux procédures disciplinaires visant des membres de l’armée ou de la police, et ne doit sous aucun prétexte être élargie aux atteintes aux droits humains ni aux crimes relevant du droit international. Le haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies a déclaré que les affaires de violations des droits humains impliquant des membres des forces de sécurité ne devaient pas être jugées par des tribunaux militaires.
Amnistie internationale fait son travail de recherche en suivant une méthodologie rigoureuse, et sollicite dans ce cadre la réponse du gouvernement pour l’intégrer à ses publications. Les conclusions de ce rapport sont fondées sur 24 entretiens effectués directement avec des personnes précédemment ou actuellement détenues, corroborés par l’examen de documents judiciaires et des entretiens avec des avocat·e·s libanais ayant défendu des centaines de réfugié·e·s syriens.
Le 17 février 2021, avant la publication du rapport, Amnistie internationale a adressé des lettres aux ministres par intérim de la Justice, de la Défense et de l’Intérieur. L’organisation leur présentait ses conclusions et leur demandait une réponse écrite, mais elle n’a reçu aucune réponse sur les points abordés et n’a donc pas pu intégrer leur réaction au rapport. L’organisation a également précisé dans ces lettres qu’elle souhaitait s’entretenir avec des responsables libanais pour leur faire part de ses conclusions et de ses recommandations visant à garantir que les violations des droits humains décrites dans le rapport fassent l’objet d’enquêtes approfondies et que le droit à un recours soit respecté.