• 23 juin 2021
  • International
  • Article d'opinion

France-Isabelle Langlois | « D'Alger à Hong Kong, la démocratie en péril »

Article
Par France-Isabelle Langlois
Directrice générale d'AICF

Dans l’année ayant précédé la pandémie mondiale, les populations, exaspérées par la hausse du coût de la vie, la corruption et les atteintes à la démocratie, avaient pris les rues d’Alger, Santiago, Beyrouth, Hong Kong, Port-au-Prince, La Paz, Quito… 

QUE RESTE-T-IL ?

Des décennies de régimes politiques corrompus ont poussé les populations à prendre la rue au péril de leurs vies. La pandémie a mis quelque temps un couvercle sur cette ébullition et les autorités en ont profité pour commettre quelques exactions, faire passer des lois répressives. Ça a été notamment le cas à Hong Kong, où le virus a provoqué un arrêt brutal, sous l’effet cumulé des restrictions au nom du coronavirus et de milliers d’arrestations, de même qu’à Alger, où le Hirak s’est tu pendant toute une année.

HONG KONG, PORT AU PARFUM 

À Hong Kong, les manifestations se sont maintenues tant bien que mal, devant l’imminence de la Loi relative à la sécurité nationale, adoptée par le Parlement chinois le 30 juin 2020. Passée en force, sans reddition de comptes ni transparence, le pouvoir législatif de Hong Kong a été court-circuité, n’en découvrant le contenu qu’au moment de sa promulgation.

Outre le fait que sa formulation soit dangereusement vague, n’importe quel acte pouvant être considéré une menace à la « sécurité nationale », et n’importe qui, n’importe où sur la planète pouvant être visé, la promulgation de la loi s’est accompagnée de violences à l’encontre des manifestant·e·s et opposant·e·s. Des arrestations ont pris place au motif que les personnes arboraient des macarons, des drapeaux, des pancartes aux slogans politiques.

La liberté d’expression a été étouffée dans le cadre de l’application de la loi, et la pandémie a servi d’accélérateur permettant au pouvoir central chinois de mettre en oeuvre ses desseins anti-démocratie sur le territoire semi-autonome. La « sécurité nationale » est devenue un formidable prétexte pour s’en prendre insidieusement aux médias comme au système d’éducation à tous les niveaux.

Des étudiant·e·s ont été arrêté·e·s pour « incitation à la sécession » pour des publications sur les réseaux sociaux. Des dizaines de personnes ont été arrêtées, dont le magnat de la presse, Jimmy Lai, farouche opposant au régime communiste… Tandis que de nombreux ouvrages sont retirés des librairies, des bibliothèques, des universités. Tout cela n’augure rien de bon pour ce qu’il reste de démocratie dans le « port au parfum » du delta de la Rivière aux perles. Les effluves, amères, enserrent les gorges, rendant difficile la respiration, alors que les élections législatives ont été repoussées, de plus d’un an, à la fin de 2021.

ALGER, JOYEUSE OU BIEN GARDÉE 

Autre exemple, celui du Hirak en Algérie, débuté en février 2019. Sans discontinu, les vendredis et mardis, et malgré une répression violente, les Algériennes et les Algériens, la jeunesse en tête, sont descendu·e·s dans les rues pour manifester leur colère face à la mascarade du pouvoir en place, réclamant la fin du régime et une véritable démocratie.

La pandémie, ici aussi, est venue mettre en sourdine la grogne. Pendant un an, la population s’est abstenue de braver les interdits imposés au nom des restrictions sanitaires. Mais depuis le début de l’année, la rue s’anime de nouveau. Et la répression s’est tout autant réveillée. Là comme à Hong Kong, les autorités s’appuient sur des lois répressives et invoquent l’« atteinte à l’unité nationale », l’« atteinte à l’intérêt national », l’« incitation à un rassemblement non armé », l’« outrage à des représentant·e·s de l’état », l’« outrage au président de la République ».

Les forces de sécurité algériennes ont systématiquement recours à la force pour disperser la foule réclamant un changement politique radical et la libération de dizaines de militant·e·s. De fait, depuis la reprise du Hirak en février, les autorités dispersent de force des rassemblements pacifiques, en rouant de coups des manifestant·e·s et en procédant à des arrestations groupées. Pire, quinze personnes risquent actuellement la peine de mort, dont les journalistes Jamila Loukil et Saïd Boudour.

Alors que des élections législatives sont programmées pour le 12 juin prochain, il est à parier que tant les manifestations que la répression iront en augmentant. Et Alger sera peut- être davantage bien gardée que joyeuse.

La pandémie a détourné nos caméras. Pendant ce temps, la démocratie est violemment bafouée, à force de répressions contre la liberté d’expression et de manifestation. 

« Après plus d'un an de pandémie, où en est notre capacité d'indignation solidaire contre la répression à l'égard du droit fondamental inaliénable de la liberté d'expression, surtout lorsqu'il s'agit de revendiquer la démocratie ? »

— France-Isabelle Langlois

Cet article est extrait du Magazine AGIR spécial 60 ans d'Amnistie internationale. Pour en consulter l'intégralité, rendez-vous sur notre boutique !

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