Hongrie. Le gouvernement doit réagir de façon significative face au scandale Pegasus
Le média en ligne hongrois à but non lucratif Direkt36 a publié le 20 juillet une enquête de première importance sur l’utilisation en Hongrie du tristement célèbre logiciel espion Pegasus de NSO Group, révélant que les téléphones de plus de 300 citoyen·ne·s hongrois avaient été identifiés comme étant les cibles potentielles d’une infection. Des experts d’Amnistie internationale ont été en mesure de confirmer plusieurs cas d’installation effective du logiciel espion.
Ces révélations interviennent dans le cadre du Projet Pegasus, une collaboration sans précédent menée par plus de 80 journalistes de 17 médias dans 10 pays et coordonnée par Forbidden Stories, une association à but non lucratif basée à Paris. Amnistie internationale a fourni un soutien technique, réalisant des analyses techniques de pointe sur des téléphones portables afin d’y déceler des traces du logiciel espion de NSO Group.
« Le gouvernement hongrois se doit de réagir de façon significative face aux dernières révélations en date du Projet Pegasus, et de faire clairement savoir s’il avait connaissance de cette surveillance secrète de journalistes et d’entrepreneurs, entre autres, et s’il l’a approuvée. Si les autorités hongroises étaient au courant de ces violations, elles doivent alors expliquer sur quelle base elles se sont appuyées pour les autoriser, a déclaré Dávid Vig, directeur d’Amnistie Hongrie.
« Les pratiques de la Hongrie dans le domaine de la surveillance sont de longue date préoccupantes. La Loi relative au service de sécurité nationale autorise la surveillance secrète sans qu’aucun contrôle extérieur et indépendant ne soit exercé, et cette enquête met en évidence l’urgente nécessité d’une réforme. Le gouvernement hongrois doit mettre en place une réglementation conforme aux dispositions des normes internationales, et instaurant des garanties contre la collecte incontrôlée et une éventuelle utilisation abusive de données.
« NSO Group ne peut désormais plus se réfugier derrière ses affirmations selon lesquelles son logiciel espion est uniquement utilisé pour combattre la criminalité : des éléments indiscutables et de plus en plus nombreux prouvent que Pegasus est systématiquement utilisé à des fins de répression et pour commettre des atteintes aux droits fondamentaux. « NSO Group doit immédiatement cesser de vendre ses équipements à des pays dont on sait qu’ils soumettent les défenseur·e·s des droits humains et les journalistes à une surveillance illégale.
« Le secteur de la surveillance est incontrôlé. Les États doivent immédiatement instaurer un moratoire mondial sur la vente, le transfert et l’utilisation d’équipements de surveillance qui devra être respecté jusqu’à ce qu’un cadre réglementaire garantissant le respect des droits humains soit mis en œuvre. »
Informations complémentaires
Une grande enquête sur des fuites massives concernant 50 000 numéros de téléphone qui sont des cibles potentielles du logiciel espion de NSO Group révèle que ce logiciel a été utilisé pour favoriser des atteintes aux droits humains à grande échelle partout dans le monde. Parmi les cibles potentielles figurent des chef·fe·s d’État, des militant·e·s et des journalistes, dont la famille de Jamal Khashoggi.
Le géant israélien de la surveillance NSO Group est financé par les fonds d’investissement privés Novalpina Capital et Francisco Partners, qui ont derrière eux de nombreux investisseurs. Des fonds de pension aux États-Unis et au Royaume-Uni ont également des participations dans cette entreprise qui bafoue les droits.
La Cour européenne des droits de l’homme a jugé en 2016 dans l’affaire Szabó et Vissy c. Hongrie que la législation hongroise n’apporte pas de garanties suffisantes contre les abus et qu’elle viole le droit au respect de la vie privée et à une vie de famille. La Cour a estimé que les mesures de surveillance pouvaient potentiellement affecter n’importe qui en Hongrie, car le gouvernement dispose d’une technologie qui lui permet d’intercepter des quantités massives de données qui peuvent appartenir à des personnes n’ayant aucun lien avec une enquête particulière.
Selon la Cour, toute mesure de surveillance doit être soumise à un contrôle exercé par un organe indépendant du gouvernement. Actuellement, le ministère de la Justice a le pouvoir d’autoriser une surveillance et la collecte de données sans qu’il soit nécessaire qu’un organe externe détermine si l’interception des communications est strictement nécessaire.