Corée du Sud | Les législateurs doivent saisir l’occasion d’adopter une loi majeure contre la discrimination
En réaction à la soumission d’un projet de loi visant à proscrire la discrimination au sein de la société sud-coréenne, notamment sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, Suki Chung, chargée de campagne pour Amnistie internationale Asie de l’Est, a déclaré :
« La soumission de ce projet de loi visant à lutter contre la discrimination, combinée aux projets de loi existants sur cette question, représente une occasion historique pour la Corée du Sud de dire enfin au monde que les violations du droit à l’égalité ne seront plus tolérées dans aucun pan de la société.
« En adoptant ce texte de loi, la Corée du Sud peut rendre illégale la discrimination sous toutes ses formes, y compris à l’égard des lesbiennes, gays et personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), qui subissent de longue date une discrimination systémique dans le pays.
« Pendant le service militaire, les personnes LGBTI souffrent de stigmatisation, de harcèlement, de violence et de criminalisation, tandis que le mariage et autres partenariats légalement reconnus ne sont pas accessibles aux couples de même sexe dans le pays.
« Si la Corée du Sud a fait de grands pas en avant ces dernières années en matière de protection des droits humains, elle continue de ne pas prendre soin de sa communauté LGBTI et d’autres groupes défavorisés. L’Assemblée nationale doit saisir l’opportunité d’adopter cette loi majeure et de rectifier la situation.
« Nous invitons les parlementaires à adopter une loi globale qui couvre les obligations internationales du pays en termes de droits humains s’agissant de protéger tous les citoyen·ne·s contre la discrimination – ce qui ferait de la Corée du Sud une pionnière en matière d’égalité en Asie. »
Complément d’information
Park Joo-min, parlementaire du Parti démocratique de Corée au pouvoir, a présenté un projet de loi antidiscrimination à l’Assemblée nationale le 8 août 2021. Il y a donc désormais plusieurs projets de loi sur cette question en cours d'examen au Parlement. S’ils sont adoptés, ces textes seront regroupés dans un projet de loi qui serait promulgué en tant que loi générale de lutte contre la discrimination couvrant tous les pans de la société sud-coréenne, y compris les personnes LGBTI.
Amnistie internationale salue la présentation de ce texte de loi et appelle les parlementaires à faire en sorte qu’il soit réellement exhaustif, pertinent et applicable. La discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique, la nationalité, la langue, la classe sociale, la religion, les croyances, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, les caractéristiques sexuelles, la situation familiale ou matrimoniale, l’âge, l’état de santé ou le handicap, ou tout autre statut, doit être proscrite. En outre, les autorités doivent mettre en place un mécanisme chargé des plaintes et un système efficace de réparation pour les victimes de discrimination.
L’Assemblée nationale a rejeté plusieurs projets de loi soumis au cours des 14 dernières années, notamment des recommandations émises par le gouvernement et la Commission nationale des droits humains de Corée. C’est la 10e fois qu’un projet de loi de lutte contre les discriminations est soumis à l’Assemblée nationale sud-coréenne depuis 2007.
Il y a un peu plus d’un an, le 29 juin 2020, le Parti de la Justice a collaboré avec d’autres législateurs pour proposer un projet de loi contre la discrimination, mais n’a pas obtenu le soutien de la majorité au sein de l’Assemblée nationale. Auparavant, l’intégration de dispositions interdisant la discrimination à l’égard des LGBTI s’est avérée particulièrement sujette à controverse.
La Constitution sud-coréenne interdit la discrimination, tout comme les traités internationaux relatifs aux droits humains que la Corée du Sud a ratifiés. Pourtant, la discrimination, particulièrement à l’égard des personnes LGBTI en Corée du Sud, perdure sous diverses formes, parfois de manière institutionnalisée.
Ainsi, les relations consenties entre adultes de même sexe constituent toujours une infraction au sein de l’armée, alors que la loi ne les interdit pas pour l’ensemble de la population. Tous les hommes ou presque font leur service militaire et passent au moins 18 mois dans un environnement où la stigmatisation voire la violence visant les LGBTI est institutionnalisée. L’article 92-6 du Code pénal militaire de la nation définit les relations sexuelles entre personnes de même sexe comme du « harcèlement sexuel ». Quiconque enfreint cette loi encourt jusqu’à deux ans de prison.
La pandémie de la COVID-19 a braqué les projecteurs sur les préjugés très répandus à l’égard des LGBTI en Corée du Sud. Les cas de personnes LGBTI testées positives à ce virus ont amené des médias et des citoyen·ne·s à établir des liens infondés et discriminatoires entre la propagation de la COVID-19 et l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
Aux termes du droit international relatif aux droits humains et des normes en la matière, les gouvernements sont pourtant tenus de respecter et de protéger les personnes LGBTI, y compris en adoptant des politiques et des lois qui luttent contre la discrimination dont elles font l’objet.
L’examen d’un projet de loi antidiscrimination en Corée du Sud renforce l’élan vers ce type de lois dans d’autres pays d’Asie. Un projet global de lutte contre les discriminations est en cours d’examen aux Philippines, tandis qu’un projet de loi centré sur la discrimination visant les personnes LGBTI est actuellement débattu au Japon. Aussi, Taïwan a légalisé le mariage entre personnes de même sexe en 2019 et la Thaïlande a adopté la Loi relative à l’égalité de genre en 2015.