• 12 oct 2021
  • Chine
  • Communiqué de presse

Chine. L’ONU doit agir concernant les atrocités commises dans le Xinjiang, la pétition d’Amnistie témoignant d’une vive indignation mondiale

La communauté internationale doit condamner avec la plus grande fermeté les graves violations des droits humains actuellement perpétrées dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine, et ouvrir la voie à la justice et à l’obligation de rendre des comptes, écrit Amnistie internationale le 11 octobre 2021 dans une lettre ouverte aux États membres de l’ONU.

Amnistie internationale lance cet appel après avoir recueilli 323 832 signatures dans 184 pays et territoires pour la pétition qu’elle a adressée aux autorités chinoises afin de réclamer la libération des centaines de milliers d’hommes et de femmes appartenant aux minorités musulmanes détenus arbitrairement et soumis à l’internement de masse, à la torture et à la persécution au Xinjiang.

« De par le monde, des centaines de milliers de personnes ont signé notre pétition pour faire part de leur indignation face aux éléments attestant de crimes contre l’humanité et autres graves violations des droits humains que subissent les musulmans dans le Xinjiang, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnistie internationale.

« Cela indique clairement que les citoyens dans le monde entier ne se laissent pas abuser par les efforts de la Chine pour faire taire ses détracteurs et réagissent fortement aux informations crédibles sur les atrocités qu’elle commet dans le Xinjiang. Chaque signature est un appel direct à la Chine pour qu’elle mette fin à cette persécution systématique.

« Le gouvernement chinois doit libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement dans les camps et les prisons, démanteler le système de camps d’internement et mettre un terme aux attaques systématiques contre les groupes ethniques à majorité musulmane dans le Xinjiang. »

Des pétitions remises aux ambassades chinoises

Ces derniers jours, les membres d’Amnistie internationale ont organisé dans 10 villes autour du monde des évènements publics afin de remettre leurs pétitions Liberté pour les détenus des camps d’internement du Xinjiang.

Le 7 octobre, des militant·e·s se sont rassemblés devant l’ambassade de Chine à Londres, au Royaume-Uni, pour remettre leur pétition, vêtus des uniformes bleus distinctifs que les détenus sont contraints de porter dans les camps. Des militant·e·s d’Amnistie internationale ont planifié des événements analogues devant les ambassades de Chine à Dakar, au Sénégal ; à Helsinki, en Finlande ; à Lima, au Pérou ; à Lisbonne, au Portugal ; à Madrid, en Espagne ; à Paris, en France ; à La Haye, aux Pays-Bas ; et à Washington DC, aux États-Unis. Amnistie internationale Indonésie a organisé un séminaire en ligne et une action numérique encourageant les militants à se vêtir d’uniformes bleus et à poster des selfies.

La pétition mondiale s’inscrit dans le cadre de la campagne lancée par Amnistie internationale en juin 2021 pour réclamer la fin de la détention arbitraire et d’autres graves violations des droits humains que subissent les groupes ethniques à majorité musulmane dans le Xinjiang.

Cette campagne met en avant plus de 60 cas de personnes détenues arbitrairement dans des centres de « transformation par l’éducation », en réalité des camps d’internement, ou condamnées à des années de prison. Ces cas représentent une petite partie des centaines de milliers d’hommes et de femmes – probablement jusqu’à un million ou plus – que les autorités chinoises détiennent sous couvert de lutte contre le « terrorisme ».

Nouveaux témoignages des familles

Amnistie internationale a interrogé des dizaines de proches de personnes détenues arbitrairement dans le Xinjiang et a récemment diffusé de nouvelles vidéos relatant leur expérience.

La sœur de Memeteli, Hayrigul Niyaz, a été arrêtée après être revenue de ses études à l’étranger ; son frère n’a aucune information quant au lieu où elle se trouve dans le Xinjiang. Memeteli a déclaré à Amnistie internationale : « Si je la revois un jour, je lui dirai : " Désolée, ma sœur, de n’avoir pas réussi à t’épargner les camps ".

Le père d’Adila, Sadir Ali, a été arrêté en 2018 et condamné à 20 ans de prison, semble-t-il parce qu’il jeûnait pendant le Ramadan. Adila a déclaré : « Au plus profond [de mon] coeur, je ne serai plus jamais heureuse, car mon père est en prison ou dans un camp. Pourquoi le gouvernement chinois nous traite-t-il ainsi ? » Elle a indiqué qu’elle n’a pas pu se rendre dans sa ville natale depuis 11 ans et a perdu contact avec ses proches dans le Xinjiang.

Abduweli Ayup, militant ouïghour bien connu qui réside désormais en Norvège, évoque le sort de sa sœur, Sajidugul Ayup et de son frère Erkin Ayup, qui purgent respectivement des peines de 12 et 14 ans de prison, dans le Xinjiang, pour « incitation au terrorisme » : « J’ai l’impression que dès que je fais quelque chose, c’est dangereux pour ma famille. Personne ne peut protéger les membres de ma famille contre les sanctions. Je sais que mes mots peuvent mettre le gouvernement chinois très en colère, mais je tiens à dire au gouvernement chinois que je ne vais pas me contenter de les regarder torturer ma sœur. Je n’ai plus peur de m’exprimer. »

Obligation de rendre des comptes pour les violations perpétrées dans le Xinjiang

En juin 2021, Amnistie internationale a publié un rapport dévoilant que les Ouïghours, Kazakhs et autres minorités ethniques à majorité musulmane du Xinjiang sont en butte à l’emprisonnement, la torture et les persécutions infligés à grande échelle et de manière systématique par l’État, s’apparentant ainsi à des crimes contre l’humanité.

Le gouvernement chinois refuse de reconnaître la réalité de la situation dans le Xinjiang, de mettre fin aux violations des droits humains ou de mener des enquêtes impartiales et approfondies en vue de poursuivre en justice les responsables présumés dans le cadre de procès équitables, en excluant tout recours à la peine de mort.

Parallèlement, les organes et les États membres de l’ONU font preuve de lenteur dans leur réaction face aux violations. En effet, une autre session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU s’est achevée la semaine dernière sans qu’aucune mesure officielle ne soit prise pour remédier aux violations perpétrées dans le Xinjiang.

Amnistie internationale engage les États membres de l’ONU à faire front commun pour condamner fermement les graves violations des droits humains commises par la Chine dans le Xinjiang et à mettre sur pied un mécanisme d’enquête indépendant et international afin de garantir que les responsables aient à rendre des comptes.

« Malgré l’accumulation d’éléments attestant de graves violations et de crimes de droit international commis ces quatre dernières années, les Nations unies et les États membres ne se montrent pas à la hauteur de leur responsabilité s’agissant d’amener la Chine à rendre des comptes pour ses actes, a déclaré Agnès Callamard.

« La communauté internationale doit cesser de prétendre que la réalité dystopique des musulmans dans le Xinjiang va s’arranger d’elle-même. Il n’y a plus de temps à perdre. Aujourd’hui plus que jamais, les États membres de l’ONU ont le devoir de protéger les droits humains de tous dans le Xinjiang, d’enquêter sur les crimes de droit international présumés et de garantir l’obligation de rendre des comptes. »