• 23 fév 2021
  • Canada
  • Communiqué de presse

La Cour d’appel fédérale doit confirmer la décision d’annuler l’Entente sur les tiers pays sûrs

Les 23 et 24 février, la Cour d’appel fédérale entendra l’appel interjeté par gouvernement canadien à l’encontre d’une décision qui a jugé inconstitutionnelle l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) entre le Canada et les États-Unis. Amnistie internationale (AI), le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) et le Conseil canadien des Églises (CCE) se joindront une fois de plus à des demandeurs d’asile individuels afin que leurs avocats rappellent à la Cour que l’ETPS viole le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, ainsi que les droits à l’égalité garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

« Nombre de demandeurs d’asile ne sont pas en sécurité aux États-Unis et ils n’y jouissent pas de la protection qu’ils recevraient ici au Canada, déclare France-Isabelle Langlois, directrice générale d'Amnistie internationale Canada francophone. En juillet 2020, la Cour fédérale a jugé que le refoulement des demandeurs d’asile aux États-Unis, où ils risquent d’être détenus et maltraités, heurte la conscience des Canadiennes et des Canadiens, et que le fait pour ces réfugiés d’être détenus aux États-Unis accroît le risque de persécution. Nous comptons que la Cour d’appel fédérale confirmera les conclusions juridiques solides qu’a tirées la Cour fédérale de la preuve claire et détaillée qui lui a été présentée. »

La protection accordée aux réfugiés s’est gravement détériorée aux États-Unis sous l’administration Trump, mais nombre de lois et de politiques qui violent les droits des réfugiés existaient déjà avant cette administration et ne seront pas facilement renversées par la nouvelle administration Biden. En fait, AI, le CCR et le CCE contestaient déjà l’ETPS avant qu’elle n’eût été signée; ils ont même déjà remporté une cause en Cour fédérale en 2007, quand le tribunal a jugé que les États-Unis n’étaient pas sécuritaires pour les réfugiés (ce jugement a cependant été infirmé en appel pour un motif d’ordre technique). Aujourd’hui, les inquiétudes persistent et elles sont nombreuses :

  • Rien n’indique, et rien ne prouve certainement que la nouvelle administration Biden mettra fin à la détention arbitraire de milliers de migrants et de demandeurs d’asile dans plus de 200 centres de détention pour immigrés aux États-Unis, alors que ces personnes demandent le refuge.
  • La détention arbitraire est couramment utilisée par les autorités américaines pour compliquer l’accès à un avocat et faire pression sur les demandeurs d’asile afin qu’ils renoncent à leur demande de protection internationale et se résolvent à rentrer dans leur pays d’origine, où ils risquent la persécution et de graves violations des droits de la personne : ce qui viole l’interdiction de refoulement.
  •  L’attachée de presse de la Maison-Blanche Jen Psaki déclarait récemment : « Ce n’est pas le moment de venir ici... la grande majorité des gens seront refoulés. Le traitement des demandes d’asile à la frontière ne se fera pas tout de suite : il faudra encore du temps pour tout mettre en place. »
  •  Les États-Unis se sont montrés peu disposés à établir ou à utiliser des protocoles adéquats d’évaluation des risques et de dépistage de ce type de refoulement, comme l’exigent le droit des réfugiés, la jurisprudence en matière de droits humains et même les lois américaines adoptées pour remplir ces obligations.

« Tant que l’entente restera en vigueur, il y aura chaque jour des personnes qui risqueront d’être renvoyées en détention et éventuellement expulsées, affirme Dorota Blumczynska, présidente du CCR. Les États-Unis n’ont jamais été sûrs pour tous les demandeurs d’asile, et le fait que le président Biden soit à la Maison-Blanche n’y change rien. Les femmes sont particulièrement vulnérables, parce les politiques américaines ferment la porte aux femmes qui fuient la violence fondée sur le genre. »

Devant la Cour fédérale, les trois organisations ont présenté des preuves détaillées montrant qu’à bien des égards le système américain échoue à bien des égards à protéger les réfugiés, et que les personnes refoulées du Canada en vertu de l’ETPS risquent d’être expulsées par les États-Unis et condamnées à faire face à la persécution, à la torture voire à la mort dans leur pays d’origine.

« L’hospitalité est une valeur canadienne fondamentale et la population s’attend à ce que ceux et celles qui cherchent refuge au Canada soient reçus, accueillis, entendus et traités avec respect, et non refoulés pour subir la détention », souligne Peter Noteboom, secrétaire général du Conseil canadien des Églises.

En vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs, la plupart des demandeurs d’asile qui se présentent à un poste frontalier officiel pour demander la protection du Canada se voient refuser l’entrée et sont renvoyés aux États-Unis. Comme l’accord ne s’applique qu’aux postes frontaliers officiels, de nombreux réfugiés traversent la frontière entre les points d’entrée, parfois dans des conditions périlleuses. Le retrait de l’Entente ne permettrait pas seulement au Canada de s’acquitter de ses obligations légales, mais permettrait aux personnes de se présenter elles-mêmes correctement aux points d’entrée, sans franchir la frontière de manière irrégulière.