• 9 juin 2020
  • Philippines
  • Communiqué de presse

Un rapport de l’ONU pointe l’urgente nécessité d’une enquête internationale

Réagissant à la publication, le 4 juin, d’un rapport de l’ONU sur la situation des droits humains aux Philippines, le directeur pour la région Asie et Pacifique à Amnistie internationale, Nicholas Bequelin, a déclaré :

« Ce rapport qui était attendu depuis longtemps est un sévère réquisitoire contre la « guerre contre la drogue » menée aux Philippines.

« Dans le cadre de cette "guerre" désastreuse, plusieurs milliers de personnes ont été assassinées par la police lors d’attaques menées de façon généralisée et systématique contre les communautés pauvres au nom de la lutte contre les stupéfiants. Comme l’ONU, nous sommes extrêmement préoccupés par l’impunité totale dont bénéficient ceux qui commettent ces crimes, et qui a permis la multiplication d’autres graves violations des droits humains dans le pays.

« Ce rapport met en évidence l’urgente nécessité d’enquêtes complémentaires sur ces violations. Le Conseil des droits de l'homme de l’ONU doit à présent mettre en place un mécanisme indépendant international chargé d’enquêter sur les exécutions extrajudiciaires et les autres violations commises depuis 2016. 

« Un tel mécanisme représenterait une avancée cruciale en vue de remédier à l’impunité quasi totale qui favorise la poursuite des violations des droits humains aux Philippines, certains de ces agissements constituant des crimes contre l’humanité.

« La communauté internationale doit soutenir cette initiative et faire clairement savoir qu’elle ne détournera pas les yeux pendant que des personnes continueront d’être tuées. Elle doit se tenir aux côtés des innombrables victimes, de leurs proches et de tous les défenseur·e·s des droits humains qui s’opposent courageusement aux atrocités perpétrées par le gouvernement de Rodrigo Duterte. Il est absolument nécessaire qu’il soit mis fin aux stratégies désastreuses documentées dans le rapport du 4 juin, que justice soit rendue, que les victimes et leurs proches obtiennent réparation, et que soient mise en place une nouvelle politique de lutte contre les stupéfiants fondée sur la santé publique et sur les droits humains. »

Complément d’information

Le 4 juin 2020, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a publié un rapport sur la situation des droits humains aux Philippines. Ce rapport présente des informations détaillées sur les exécutions extrajudiciaires et les autres violations des droits humains commises au nom de la soi-disant « guerre contre la drogue » menée par le président Rodrigo Duterte, et sur les attaques persistantes contre les médias, les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s politiques. 

Ce rapport pointe également un environnement d’impunité quasi totale pour ces homicides ; la falsification de preuves lors d’opérations policières menées sans mandat ; les encouragements répétés de la part des plus hauts représentants du gouvernement à utiliser la force meurtrière dans le cadre de la « guerre contre la drogue » ; des menaces contre la liberté d'expression ; et des atteintes aux droits humains commises par des acteurs non gouvernementaux. 

Le rapport qui a été publié le 4 juin a été demandé de façon formelle dans la résolution 41/2 du Conseil des droits de l'homme de l’ONU adoptée le 11 juillet 2019. Cette résolution, qui a été initiée par l’Islande, est la première résolution de ce type portant sur les Philippines, et son adoption est intervenue à la suite d’une vaste campagne menée par des organisations de la société civile nationales et internationales, dont Amnistie internationale.

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Rodrigo Duterte, en juin 2016, plusieurs milliers de personnes appartenant pour la plupart aux populations les plus pauvres et les plus marginalisées du pays ont été tuées – soit par la police soit par des individus armés non identifiés dont certains au moins étaient liés à la police – dans le cadre de la « guerre contre la drogue » menée par le gouvernement. Malgré la condamnation de ces agissements par des organisations locales et internationales des droits humains et par la communauté internationale, le président Rodrigo Duterte a explicitement encouragé la police à commettre des exécutions extrajudiciaires et lui a promis l’immunité, et des policiers impliqués dans ces actes ont reçu une promotion. 

Les attaques visant les défenseurs des droits humains et les personnes qui critiquent le gouvernement – notamment les militants, les journalistes, les avocats, les dirigeants religieux, les dirigeants syndicaux et les personnes et associations qui sont de gauche politiquement – se sont également multipliées dans un climat de totale impunité. Récemment, le gouvernement a fermé ABS-CBN, le plus grand réseau de télévision et de radio du pays, et menacé de tuer les personnes qui ne respecteraient pas les mesures de quarantaine et les couvre-feux mis en place dans le cadre de la pandémie de COVID-19. 

Les responsables de ces graves violations n’ont pas eu à rendre de comptes et le président ainsi que d’autres hauts responsables ont continué d’encourager la police à tuer. Le climat d’impunité totale qui en résulte alimente la peur des victimes d’atteintes aux droits humains et des autres personnes qui attirent l’attention sur cette situation, et permet à la police et à d’autres individus de continuer de commettre des exécutions extrajudiciaires sans être inquiétés. 

La résolution 41/2 du Conseil des droits de l'homme représente une première mesure importante visant à remédier à la grave dégradation de la situation des droits humains obervée aux Philippines au cours des quatre dernières années, mais il est indispensable que le Conseil intervienne à présent de manière plus ferme compte tenu des informations très inquiétantes présentées dans ce premier rapport. Amnistie internationale demande en particulier que soit mis en place un mécanisme international indépendant chargé d’enquêter sur les exécutions extrajudiciaires et les autres violations commises depuis 2016, et habilité à participer au processus de reddition de comptes.

 

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