• 7 déc 2020
  • Pakistan
  • Communiqué de presse

Les homicides ciblés d’ahmadis sont en augmentation

Les autorités pakistanaises doivent diligenter de toute urgence une enquête impartiale sur l’augmentation des agressions visant les membres de la communauté religieuse ahmadiyya, ont déclaré jeudi 26 novembre Human Rights Watch, Amnistie internationale et la Commission internationale de juristes. Elles doivent engager les poursuites judiciaires nécessaires contre les personnes responsables de menaces et de violences visant des ahmadis. 
 
Depuis juillet 2020, au moins cinq membres de la communauté ahmadiyya ont vraisemblablement été victimes d’un homicide ciblé. La police a placé un suspect en garde à vue dans seulement deux de ces affaires. Depuis longtemps, les autorités pakistanaises minimisent voire encouragent la violence perpétrée contre les ahmadis, dont les droits à la liberté de religion et de conviction sont bafoués par la législation pakistanaise. 
 
« Au Pakistan, rares sont les communautés qui ont autant souffert que les ahmadis », a déclaré Omar Waraich, directeur pour l’Asie du Sud à Amnistie internationale. « La vague récente d’homicides souligne de façon tragique non seulement la gravité des menaces auxquelles les ahmadis sont confrontés, mais aussi l’indifférence cruelle des autorités, qui se montrent incapables de protéger cette communauté et de punir les coupables. »
 
Le 20 novembre, un adolescent aurait mortellement blessé par balle Tahir Mahmood, 31 ans, au moment où celui-ci ouvrait la porte de son domicile, situé dans le district du Nankana Sahib, dans la région du Pendjab. La mère et deux oncles de Tahir Mahmood ont été blessés lors de cette attaque. La police a déclaré que le suspect « avait avoué avoir attaqué la famille au motif d’un différend religieux ».
 
Plusieurs agressions ont récemment eu lieu dans la ville de Peshawar, dans la province de Khyber Pakhtunkhwa. Le 9 novembre, Mahmoob Khan, âgé de 82 ans, a été tué par balle alors qu’il patientait à un arrêt de bus. Le 6 octobre, deux hommes à moto ont fait arrêter la voiture de Naeemuddin Khattak, 57 ans, professeur au Collège supérieur des sciences du gouvernement, et ont tiré sur lui à cinq reprises, le blessant mortellement. Sa famille a déclaré qu’il avait eu « une violente altercation sur un sujet religieux » avec un collègue la veille. Jamaat-i-Ahmadiyya, une organisation communautaire, a diffusé une déclaration indiquant que Naeemuddin Khattak avait précédemment reçu des menaces et avait été visé en raison de ses convictions religieuses. 
 
Le 12 août, Meraj Ahmed, 61 ans, a été la cible de tirs mortels alors qu’il fermait sa boutique de Peshawar. Le 29 juillet, un agresseur présumé âgé de 19 ans a tué Tahir Ahmad Naseem, 57 ans, dans une salle d’audience d’un tribunal de haute sécurité. Tahir Ahmad Naseem était jugé pour blasphème. Dans une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux, le suspect déclare que cet homme était « un blasphémateur ».
 
Les gouvernements pakistanais successifs ont échoué à protéger les droits humains et la sécurité de la communauté ahmadiyya. Le Code pénal est explicitement discriminatoire à l’égard des minorités religieuses, et prend pour cible les ahmadis en leur interdisant de « se faire passer directement ou indirectement pour musulmans ». Les ahmadis n’ont pas le droit d’affirmer leur foi, ni de la propager publiquement, de construire des mosquées, ou encore de faire l’appel musulman à la prière. 
 
Les autorités procèdent à des arrestations, à des détentions et à des inculpations arbitraires d’ahmadis pour blasphème et autres infractions au motif de leurs croyances religieuses. Bien souvent, la police se rend complice du harcèlement des ahmadis, fournit des éléments de preuve falsifiés à leur décharge ou n’intervient pas pour faire cesser les violences perpétrées contre eux. L’incapacité du gouvernement à prendre des mesures contre la persécution religieuse des ahmadis a favorisé la violence contre eux au nom de la religion.  
 
« Le Pakistan a pris part au consensus de l’Assemblée générale des Nations unies qui exigeait que les États prennent des mesures actives pour faire en sorte que les personnes appartenant à des minorités religieuses puissent jouir pleinement et concrètement de tous leurs droits humains et de toutes leurs libertés fondamentales sans la moindre discrimination, et bénéficier de l’égalité pleine et entière devant la loi », a déclaré Ian Seiderman, directeur politique et légal de la Commission internationale de juristes. « Le gouvernement pakistanais a totalement échoué en ce qui concerne les ahmadis. »
 
Il promeut également des pratiques discriminatoires contre la communauté ahmadiyya. Tous les citoyens pakistanais musulmans qui font la demande d’un passeport, par exemple, sont obligés de signer une déclaration affirmant explicitement qu’ils considèrent le fondateur du mouvement ahmadi comme un « imposteur » et les ahmadis comme des non-musulmans. 
 
Les lois pakistanaises réprimant la communauté ahmadiyya violent les obligations juridiques internationales du Pakistan aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que ce pays a ratifié en 2010. Elles bafouent notamment les droits à la liberté de conscience, de religion, d’expression et d’association, ainsi que le droit de professer et de pratiquer sa religion.  
 
Des experts indépendants du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, dont les rapporteurs spéciaux sur la liberté de religion ou de conviction, le rapporteur spécial des Nations unies sur les questions relatives aux minorités et la rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, ont déjà exprimé leur inquiétude quant à la persécution de la communauté ahmadiyya au Pakistan.  
 
« Les autorités pakistanaises, au niveau fédéral et des provinces, doivent immédiatement prendre des mesures juridiques et politiques pour éliminer la discrimination systématique et endémique ainsi que l’exclusion sociale que subit la communauté ahmadiyya dans ce pays », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie de Human Rights Watch. « Le gouvernement doit abroger la loi sur le blasphème ainsi que toutes les dispositions réprimant les ahmadis. »