• 18 Aoû 2020
  • Afrique
  • Communiqué de presse

Les leaders de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) doivent remédier à la détérioration de la situation des droits humains

Les leaders de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) doivent prendre sans délai des mesures concrètes pour remédier à la crise des droits humains dans la région, lorsqu’ils vont se rencontrer dans le cadre de leur sommet annuel la semaine prochaine, a déclaré Amnestie internationale le 14 août 2020. Le COVID-19 se déploie dans la région, mettant en lumière les inégalités criantes et menaçant particulièrement les communautés marginalisées et vulnérables, tandis que la répression contre la dissidence pacifique dans des pays comme le Zimbabwe, Madagascar et l’Eswatini (ex-Swaziland) se durcit depuis quelques mois.

 

Le Sommet des chefs d’État et de gouvernement de la SADC se déroule le 17 août.

« Plusieurs pays de la région de la SADC sont le théâtre de violations des droits humains très inquiétantes qui menacent la paix et la stabilité et entravent la réponse à la COVID-19. Au Zimbabwe, la répression contre les voix dissidentes se durcit et les forces de sécurité de l’État s’en prennent aux militant·e·s, aux défenseur·e·s des droits humains, aux journalistes et aux partisans de l’opposition, a déclaré Deprose Muchena, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnestie internationale.

« La COVID-19 met en lumière les fragilités de l’économie régionale. En l’absence de protection sociale adéquate, des millions de personnes employées dans l’économie informelle et celles qui ont perdu leur travail doivent faire face à la faim et au dénuement. Protéger leur vie et d’autres droits humains doit figurer au premier rang des priorités du sommet de la SADC. »

 

COVID-19

Le sommet de la SADC de 2020 se déroule dans un contexte où le nombre de cas d’infections à la COVID-19 est en hausse dans la région, avec un bilan socioéconomique et sanitaire très lourd. La majeure partie de la population vit en marge de l’économie classique, sans revenus réguliers ni moyens de subsistance garantis. Du fait des piètres infrastructures de santé, même dans des pays dotés d’économies plus établies comme l’Afrique du Sud, les populations pauvres et marginalisées risquent davantage de mourir de complications liées à la COVID-19, en raison de l’absence d’accès à des soins et traitements médicaux appropriés. L’Afrique du Sud compte plus de 500 000 cas confirmés de COVID-19 et les leaders régionaux doivent profiter de ce sommet pour consolider leur stratégie de santé publique face à la pandémie, en déployant des tests rigoureux et en renforçant la gestion des cas.

Parallèlement, la région a désespérément besoin d’une aide financière. Plusieurs pays à l’intérieur comme à l’extérieur de la région de la SADC ont contacté des institutions multilatérales de financement, notamment la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la Banque africaine de développement et d’autres bailleurs pour une aide financière d’urgence. Il s’agit notamment du Lesotho, de l’Afrique du Sud, de la Namibie, de la Zambie et du Zimbabwe. Amnestie internationale demande d’annuler la dette des pays les plus pauvres de la planète pendant les deux prochaines années au moins, afin de dégager des ressources leur permettant de faire face à la pandémie de COVID-19. Cette mesure doit s’accompagner de solides mécanismes de transparence et d’obligation de rendre des comptes dans tous les pays donateurs et bénéficiaires, pour que l’argent dégagé dans le cadre de l’annulation de la dette ne disparaisse pas sous l’effet de la corruption ou dans des dépenses inutiles. 

 

Répression contre la dissidence pacifique

Depuis que la pandémie de COVID-19 a débuté dans la région début mars, plusieurs pays ont décrété l’état d’urgence et de catastrophe ou ont pris des mesures exceptionnelles afin d’endiguer la propagation du virus. Amnestie internationale a constaté une escalade de violations et d’atteintes aux droits humains à travers la région, notamment un durcissement de la répression contre la dissidence pacifique.

Au Zimbabwe, on constate une offensive contre les droits humains, notamment contre le droit à la liberté d’expression ces derniers mois, sous la forme d’attaques visant les journalistes, les militant·e·s et les défenseur·e·s des droits humains qui dénoncent des faits présumés de corruption et appellent à manifester pacifiquement. Le journaliste Hopewell Chin’ono et le leader de l’opposition Jacob Ngarivhume sont actuellement incarcérés à la prison de haute sécurité de Chikurubi, après avoir été arrêtés le 20 juillet. Leurs avocats ont déposé plusieurs demandes de libération sous caution, en vain. Tous deux sont inculpés d’« incitation du public à la haine » : Hopewell Chin’ono pour avoir dévoilé des allégations de corruption et Jacob Ngarivhume pour avoir appelé à manifester pacifiquement contre la corruption.

Il y a deux semaines, les autorités zimbabwéennes ont empêché une manifestation pacifique nationale contre la corruption, prévue pour le 31 juillet, et ont lancé une chasse aux sorcières contre les militant·e·s politiques et les défenseur·e·s des droits humains qui en étaient semble-t-il à l’initiative. Plusieurs militant·e·s et partisans de l’opposition ont eux aussi été interpellés, notamment l’écrivaine de renom Tsitsi Dangarembga et la porte-parole de l’opposition Fadzayi Mahere. Des agents de l’État ont enlevé d’autres personnes soupçonnées de soutenir les manifestations nationales.

À Madagascar, l’ancien ministre de la Communication Harry Laurent Rahajason a été détenu le 16 juillet pour des accusations d’atteinte à la sécurité de l’État, après avoir été arrêté pour avoir organisé et financé une manifestation contre l’utilisation abusive de la détention provisoire dans le pays. Harry Laurent Rahajason est bien connu pour son travail antérieur de journaliste. Cette manifestation, interdite en raison de l’état d’urgence, réclamait la libération d’un leader étudiant, Berija Ravelomanantsoa, en détention provisoire depuis le 8 juin.

En Eswatini, la police a détenu Eugen Dube, journaliste et rédacteur en chef de Swati Newsweek Online, pendant sept heures, le 23 avril. Son arrestation a suivi la publication d’un article dans lequel il critiquait le roi Mswati III parce qu’il n’a pas mis en place de mesures de distanciation sociale et qualifiait sa stratégie d’« impitoyable ». 

Les autorités auraient tenté d’inculper Eugene Dube d’« écrits malintentionnés » à l’égard du roi Mswati III, ce qui pourrait constituer un acte de haute trahison. On ignore si elles donnent suite à cette affaire. 

 

Violences fondées sur le genre 

La pandémie de COVID-19 renforce également la menace pour les femmes et les jeunes filles dans la région, notamment les violences sexuelles et les violences fondées sur le genre. L’isolement dû aux ordres de rester chez soi et aux mesures de confinement a exposé de nombreuses femmes et filles aux violences domestiques, sexuelles, économiques, psychologiques et à d’autres formes de violences, infligées par leurs partenaires et des membres de la famille. De nombreuses femmes dans la région vivent dans la pauvreté, ce qui les contraint à rester avec leurs bourreaux, de peur de perdre leurs moyens de subsistance. La police et les ONG ont enregistré une hausse inquiétante du nombre de cas de violences fondées sur le genre depuis l’adoption des régimes de confinement début mars.


« Il incombe aux leaders de la SADC de faire face à la crise des droits humains que traverse la région, notamment en autorisant les citoyen·ne·s à exercer librement leurs droits fondamentaux et en renforçant la protection des droits des femmes et des filles, a déclaré Deprose Muchena.

« S’ils ne prennent pas les mesures requises pour protéger les plus faibles, ils trahiront les principes fondateurs de la SADC, qui exigent de leurs gouvernements qu’ils respectent, protègent, promeuvent et réalisent les droits de tous. »

Complément d’information
Le Sommet 2020 des chefs d’État et de gouvernement de la SADC a lieu le 17 août. Il marque les 40 ans de la création de la Conférence de coordination de développement de l’Afrique australe, devenue la SADC en 1992.

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