UNE ENSEIGNANTE EN CRÈCHE UKRAINIENNE INCARCÉRÉE PAR LA RUSSIE

CONTEXTE
Olha Baranevska, enseignante en crèche à la retraite, ouvertement pro-ukrainienne originaire de Melitopol, a refusé de retourner travailler à la crèche sous l’occupation russe. En mai 2024, elle a été enlevée par les autorités d’occupation à son domicile et aurait été torturée. Un mois plus tard, elle a été brièvement libérée pour être de nouveau arrêtée de manière arbitraire et condamnée à deux reprises à 14 jours de « détention administrative » avant d’être accusée d’avoir caché des explosifs dans son jardin et condamnée à six ans de prison. Pendant ce temps, sa mère âgée est décédée, et la santé d’Olha Baranevska est en péril.
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Melitopol est une ville ukrainienne de la région de Zaporijjia, passée sous occupation russe en février 2022. Certains habitant·e·s sont partis pour éviter de vivre sous l'occupation, comme la fille d'Olha Baranevska, mais cette dernière est restée pour s'occuper de sa mère âgée (qui est décédée plus tard, alors qu'Olha était en détention). Une vidéo de vœux d'Olha a été publiée sur Facebook, dans laquelle elle évoquait la vie à Melitopol sous l'occupation russe, en langue ukrainienne. Parmi les publications d'Olha sur Facebook, on trouve l'histoire d'un collègue qui a été harcelé par les autorités d'occupation – perquisitions, insultes et destruction d'objets personnels portant des symboles nationaux ukrainiens notamment.
La crèche où travaillait Olha a rouvert ses portes sous l'occupation russe. On lui a demandé maintes fois de revenir y enseigner, mais elle a toujours refusé. Amnistie Internationale a recueilli des informations sur les pratiques abusives des autorités russes d'occupation à l'encontre des enseignant·e·s ukrainiens, notamment les actes d'intimidation, la violence physique et le travail forcé, pour s'assurer qu'ils recommencent à enseigner le programme russe aux enfants locaux. Elle a également révélé la politique russe visant à modifier la démographie des territoires qu’elle occupe, y compris en cherchant à éradiquer les identités ukrainiennes et non-russes, ainsi que la culture.
Olha Baranevska est âgée de 61 ans, souffre de diabète et est insulino-dépendante, et a d’autres problèmes de santé qui nécessitent des examens et des traitements. Elle a dû accepter un passeport russe en 2023 pour avoir accès à des soins médicaux. Pendant sa détention, elle a reçu de l'insuline, mais n'a pas pu bénéficier d'un traitement adéquat pour d'autres problèmes de santé, selon sa fille. Pendant sa détention, le jour du 85e anniversaire de sa mère, Olha a reçu la nouvelle du décès de celle-ci en novembre 2024, ce qui a aggravé ses souffrances mentales.
Amnistie Internationale a recensé de nombreuses violations des droits des civil·e·s ukrainiens et des violations du droit international humanitaire par les forces russes et les autorités d’occupation en Ukraine. Il s'agit notamment de crimes de guerre et de probables crimes contre l'humanité, dont le transfert illégal ou l’expulsion de civil·e·s de certaines régions occupées d'Ukraine. Ont été signalés des enlèvements, des disparitions forcées et des emprisonnements illégaux, ainsi que des actes de torture et d'autres mauvais traitements infligés à des civil·e·s dans l'Ukraine occupée par la Russie, et Amnistie Internationale a recueilli des informations sur de nombreux cas de ces pratiques en Crimée et dans l'est de l'Ukraine, depuis 2014, ainsi que dans d'autres territoires occupés par la Russie depuis lors. La torture et les mauvais traitements, y compris la privation de soins de santé adéquats en détention et le déni du droit à un procès équitable, sont également monnaie courante en Russie.
LETTRE À ENVOYER
Madame la Haut-Commissaire,
Je vous écris afin de vous exprimer mon inquiétude au sujet du traitement réservé aux civil·e·s ukrainiens dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie, et plus précisément à l'enseignante de crèche à la retraite Olha Baranevska (Olga Baranevskaya). Je pense qu’elle a sans doute été prise pour cible en raison de ses sentiments pro-ukrainiens. Elle a disparu de chez elle à Melitopol le 15 mai 2024. Selon un habitant du secteur, elle a été vue brièvement lorsqu’elle a été ramenée à son domicile, couverte d'ecchymoses et escortée par trois hommes en uniforme, le 19 mai.
Le sort d’Olha Baranevska et le lieu où elle se trouvait sont restés secrets jusqu’au 27 juin 2024, date à laquelle elle s'est rendue à l'improviste chez ses parents et a rapidement téléphoné à sa fille (qui se trouve à l'étranger) pour lui dire, dans des termes sibyllins, qu'elle avait été retenue captive, seule, « dans le noir », et que « tout ce qui avait fait mal [avant] était guéri ». Peu après cet appel, elle a été arrêtée de manière arbitraire par la police, a écopé d’une amende et d’une peine de 14 jours de détention administrative (à deux reprises) pour avoir soi-disant violé le couvre-feu. Parallèlement, les autorités ont déclaré avoir découvert des explosifs dans son jardin. Lors du procès qui a suivi en novembre, le tribunal interdistrict de Melitopol a déclaré Olha Baranevska coupable au titre de l’article 222.1(1) du Code pénal russe (détention illégale d’explosifs) et l’a condamnée à six ans de prison, sur la base d’éléments contestables, notamment sur la base de ses « aveux ». Le juge a accepté sans réserve le fait que les explosifs avaient été retrouvés dans son jardin le 7 août 2024 (pendant qu’elle purgeait sa peine de « détention administrative ») et n’a pas remis en question son motif ni leur origine. Olha Baranevska souffre de problèmes de santé, et son état se dégrade ; elle est atteinte de diabète insulino-dépendant et a besoin de traitements pour d'autres pathologies. Ses droits fondamentaux ont été gravement bafoués.
Selon Amnistie Internationale, il arrive couramment que la police russe place des explosifs et extorque sous la contrainte des déclarations auto-incriminantes pour piéger et emprisonner à tort des civil·e·s.
Je vous prie de prendre toutes les mesures possibles sous votre autorité afin de garantir qu’Olha Baranevska :
soit libérée immédiatement et sans condition, à moins que des preuves crédibles d'un crime dont elle peut être raisonnablement soupçonnée ne soient présentées, auquel cas son droit à un procès équitable doit être pleinement respecté ;
soit protégée, en attendant sa libération, contre les mauvais traitements et bénéficie de soins adaptés ;
et que les circonstances de son enlèvement, de sa détention arbitraire, des allégations de torture et de falsification de preuves fassent l'objet d'une enquête, et que tous les responsables présumés de ces violations des droits humains répondent de leurs actes dans le cadre de procès équitables.
Veuillez agréer, Madame, l’expression de ma haute considération,
APPELS À
Tatiana Moskalkova
Human Rights Commissioner
Smolensky Boulevard, 19с2
119121 Moscow
Russie
Courriel : Moskalkova@ombudsmanrf.ru
A.Ovchinnikova@rightsrf.ru
A.Scherbakova@rightsrf.ru
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Son Excellence M. Oleg STEPANOV
Ambassade de la Fédération de Russie
285, rue Charlotte
Ottawa, ON K1N 8L5
Canada
Tel: (613) 235-4341/236-1413 (24H) Fax: (613) 236-6342
Courriel: info@rusembassy.ca