STOP AUX EXÉCUTIONS EN IRAN !
CONTEXTE
En Iran, au moins 10 personnes sont sous le coup d’une condamnation à mort en rapport avec le mouvement national de protestation « Femme. Vie. Liberté », de septembre à décembre 2022. Les autorités iraniennes ont ôté arbitrairement la vie à 10 autres personnes à l’issue de procès manifestement iniques et ont soumis la plupart d’entre elles à des actes de torture et des mauvais traitements, notamment des coups, des décharges électriques et des violences sexuelles. Les craintes de nouvelles mises à mort sont ravivées par la frénésie d’exécutions qui ne faiblit pas.
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Amnistie internationale a recueilli des informations sur les procès des personnes jugées pour des infractions passibles de la peine de mort en relation avec le soulèvement « Femme. Vie. Liberté », qui n’ont rien d’une procédure judiciaire digne de ce nom. Les autorités ont empêché des accusé·e·s de s’entretenir avec le moindre avocat durant la phase d’enquête, et ont aussi interdit à des avocats désignés de manière indépendante d’assister à toutes les audiences et de consulter les dossiers de leurs clients. Les tribunaux ont utilisé des « aveux » entachés de torture pour prononcer des condamnations.
Les dernières condamnations à mort connues en rapport avec le mouvement « Femme. Vie. Liberté » ont été prononcées mi-novembre 2024 à l’encontre de six accusés dans l’affaire « Ekbatan », qui porte le nom du quartier de Téhéran où un agent de sécurité aurait été tué pendant le soulèvement. La 13e chambre du premier tribunal pénal de Téhéran les a reconnus coupables de meurtre, d’après les publications sur les réseaux sociaux de Babak Paknia, un avocat qui représente plusieurs condamnés. Les six condamnés sont : Alireza Bamerzpournak, Alireza Kafaei, Amir Mohammad Khosheghbal, Hossein Nemati, Milad Armoun et Navid Najaran. Selon un reportage de la BBC Persian, une chaîne de médias en langue persane basée à l’étranger, certains des six hommes ont été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements pour obtenir des « aveux » forcés. Leur recours est en instance devant la Cour suprême. Toujours d’après ce reportage de la [i]BBC Persian[/i], Milad Armoun, Navid Najaran et deux autres, Mohammad Mehdi et Hosseini Mehdi Imani, qui ont été acquittés des accusations de meurtre dans l’affaire pénale, sont également jugés par un tribunal révolutionnaire pour les mêmes accusations et encourent la peine de mort.
À ce jour, au moins 10 personnes ont été arbitrairement exécutées en lien avec le mouvement « Femme. Vie. Liberté », à l’issue de procès iniques entachés d’allégations de torture et de mauvais traitements en vue d’obtenir des « preuves ». Reza (Gholamreza) Rasaei, 34 ans, issu des minorités ethniques et religieuses opprimées en Iran, les Kurdes et les yarsans, a été arbitrairement exécuté en secret, le 6 août, à la prison de Dizel Abad, dans la province de Kermanshah. Selon des éléments communiqués à Amnistie internationale par une source informée, Reza Rasaei, sa famille et son avocat n’ont pas été prévenus. Quelques heures après avoir appris son exécution, ses proches ont été cruellement contraints de l’inhumer dans une zone reculée, loin de chez lui et en présence des forces de sécurité.
À la suite du soulèvement « Femme. Vie. Liberté », les autorités iraniennes ont renforcé leur recours à la peine capitale dans le but de répandre la peur au sein de la population et de resserrer leur emprise sur le pouvoir. En 2023, l’Iran a exécuté au moins 853 personnes, soit une augmentation de 48 % par rapport à 2022. Parmi elles, sept étaient liées aux manifestations : Mohammad Mehdi Karami et Seyed Mohammad Hosseini en janvier ; Majid Kazemi, Saleh Mirhashemi et Saeed Yaghoubi en mai ; Milad Zohrevand en novembre – tous en lien avec le soulèvement de 2022 ; et Kamran Rezaei en novembre, en lien avec les manifestations nationales de novembre 2019. Le recours à la peine de mort a un impact disproportionné sur la minorité ethnique baloutche opprimée en Iran, qui constitue environ 5 % de la population du pays mais représentait 20 % de l’ensemble des exécutions en 2023. En 2024, les autorités iraniennes ont poursuivi leur frénésie d’exécutions, notamment à l’encontre de minorités ethniques et de dissident·e·s. Amnistie internationale s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. La peine capitale est une violation du droit à la vie tel qu’il est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire,
Je suis vivement préoccupé·e par le fait qu’au moins 10 personnes risquent d’être exécutées en lien avec le mouvement « Femme. Vie. Liberté » qui a débuté en septembre 2022, dans un contexte très préoccupant quant à l’imposition de la peine capitale à un nombre croissant de personnes, les autorités ayant procédé à des milliers d’arrestations et d’inculpations en relation avec le soulèvement. Ces 10 personnes sont Fazel Bahramian, Manouchehr Mehman Navaz, Mehran Bahramian, Milad Armoun, Alireza Kafaei, Amir Mohammad Khosheghbal, Navid Najaran, Hossein Nemati, Alireza Bamerzpournak et Mehrab (Mehran) Abdullahzadeh, qui se trouvent actuellement sous le coup d’une condamnation à la peine capitale et risquent d’être exécutés après avoir fait l’objet de procès manifestement inéquitables pour « inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh), « rébellion armée contre l’État » (baghi) et « meurtre ». Au moins une autre personne – Mojahed (Abbas) Kourkouri – encourt de nouvelles procédures après que la Cour suprême a annulé sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à mort en décembre 2024. Le 6 août 2024, les autorités ont exécuté arbitrairement Reza (Gholamreza) Rasaei en secret, sans que sa famille, son avocat ni lui-même ne soient dûment prévenus, selon une source bien informée. Amnistie internationale a connaissance d’au moins deux autres personnes, Saeed Shirazi et Abolfazl Mehri Hossein Hajilou, jugées pour des infractions passibles de la peine capitale.
Les personnes susnommées ont été jugées dans le cadre de procès manifestement iniques par des tribunaux révolutionnaires et/ou des juridictions pénales de première instance dans diverses provinces du pays, dont celles d’Ispahan, de Téhéran, du Khuzestan et de l’Azerbaïdjan occidental. Dans ces procédures, les autorités ont bafoué leur droit à un procès équitable, notamment le droit à une assistance juridique adéquate ainsi que les droits de consulter l’avocat·e de leur choix, d’être présumés innocents, de garder le silence, de pouvoir réellement contester la légalité de leur détention et de bénéficier d’un procès public et équitable. En outre, les tribunaux ont retenu à titre de preuves pour les déclarer coupables des « aveux » entachés de torture, qui ont parfois été diffusés sur les médias d’État avant leur procès. Amnistie internationale a relevé plusieurs méthodes de torture et autres mauvais traitements utilisés à l’encontre de ces personnes – coups, décharges électriques, étouffements, violences sexuelles et privations délibérées de soins médicaux notamment.
Je vous prie instamment d’annuler immédiatement toutes les déclarations de culpabilité et les condamnations à mort en rapport avec les manifestations, de vous abstenir de requérir de nouvelles condamnations à mort et de veiller à ce que toute personne accusée d’une infraction pénale prévue par la loi soit jugée dans le cadre d’une procédure conforme aux normes internationales d’équité, sans recours à la peine capitale. Je vous engage à libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes déclarées coupables et condamnées à mort, inculpées ou faisant l’objet d’une enquête en cours uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Je vous appelle en outre à permettre aux personnes détenues de voir leur famille et les avocat·e·s de leur choix, à les protéger contre la torture et les autres mauvais traitements et à enquêter sur les allégations de torture, en vue de traduire en justice les responsables présumés de ces actes dans le cadre de procès équitables. Par ailleurs, je vous demande de permettre aux observateurs indépendants d’assister aux procès des accusés passibles de la peine de mort en lien avec les manifestations et d’accéder aux personnes sous le coup d’une telle peine. Enfin, plus généralement, je vous prie d’instaurer sans attendre un moratoire officiel sur les exécutions, première étape vers l’abolition de la peine capitale.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire, l’expression de ma très haute considération.
APPELS À
Responsable du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei
c/o ambassade d’Iran auprès de l’Union européenne, Avenue Franklin Roosevelt No. 15,
1050 Bruxelles, Belgique
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Ambassade de la République islamique d'Iran
245, rue Metcalfe
Ottawa, ON K2P 2K2