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Exploitation des travailleuses et travailleurs migrants au Canada

Des dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs migrants se rendent chaque année au Canada dans l’espoir d’offrir une vie meilleure à leur famille. Pourtant, à leur arrivée, nombreuses sont les personnes qui subissent des abus, ne peuvent pas quitter leur emploi ou changer d’employeur, ni même signaler les situations abusives ou bénéficier de recours, du fait de la nature de leur permis de travail. Agissons pour demander au Canada d'abolir les permis de travail fermés et d'accorder des permis ouverts à tous les participant·e·s au PTET.

Quels sont les enjeux ? 

Depuis longtemps, le Canada favorise l’immigration pour renforcer la croissance économique et combler les pénuries de main-d’œuvre. Depuis une cinquantaine d'années, le Canada a de plus en plus recours à la migration temporaire de la main-d'œuvre pour occuper des emplois qui, dans bien des cas, sont permanents. L’un des principaux programmes de migration de travailleuses et travailleurs employé par le gouvernement canadien pour répondre à la demande de main-d’œuvre est le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), un dispositif de migration temporaire qui permet aux employeurs d’embaucher des travailleuses et travailleurs migrants, principalement à des postes à bas salaire, dans de nombreux secteurs, dont l’agriculture, l’agroalimentaire, les soins et les services domestiques, entre autres. En 2023, le Canada comptait 183 590 titulaires de permis de travail octroyés dans le cadre du PTET. 

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Pourquoi le PTET est-il problématique ?

Les permis de travail liés à un employeur dans le cadre du PTET font courir un risque accru d’exploitation au travail aux travailleuses et travailleurs migrants. Ce visa donne un pouvoir important à l'employeur, qui contrôle les conditions de travail et le statut migratoire des travailleurs, les rendant ainsi vulnérables à l'exploitation. Elles ou ils risquent de perdre leur emploi et d'être expulsés s'ils sont malades, blessés ou s'ils se plaignent de leurs conditions de travail. Dans le cadre du PTET, les travailleurs sont entièrement « remplaçables ».  

Des discriminations dans l’immigration

Les visas de travail temporaires dans le cadre du PTET sont principalement accordés à des personnes racisées. En 2023, les principaux pays d'origine des travailleurs étaient le Mexique, l'Inde, les Philippines, le Guatemala et la Jamaïque, représentant près de 70% des bénéficiaires. Cette surreprésentation n'est pas accidentelle. Le gouvernement canadien a conçu le PTET pour attribuer des permis de travail liés à un employeur à des travailleurs "peu spécialisés" de pays du Sud global, où la majorité est racisée.  

Avant la création du programme, des travailleurs agricoles européens blancs arrivaient avec le droit de s’installer au Canada de manière permanente avec leurs familles. Mais dans les années 60, quand le Canada a commencé à faire venir des travailleurs des Caraïbes pour le travail agricole, ils n’étaient autorisés à travailler que de façon saisonnière, sans leur famille, avant de retourner chez eux.  

Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS), un volet du PTET, recrute spécifiquement des travailleurs du Mexique, de la Jamaïque et d'autres pays des Caraïbes, selon des accords bilatéraux. Ces accords sont liés à l’histoire coloniale de ces pays, les plaçant dans une situation de subordination qui façonne leur migration vers le Canada. 

En même temps, le système d’immigration permanente exclue la quasi-totalité des travailleurs et travailleuses “peu qualifié.e.s”, par le biais de critères d’admissibilité qui ne valorise pas leur travail.  Ces personnes restent donc dans une situation précaire pendant plusieurs années, ce qui les rend encore plus vulnérables à l’exploitation. Les travailleurs racisés sont ainsi bloqués dans un système où leurs droits sont limités tant que leur visa est lié à un employeur, sans perspective d’accès à un statut plus stable. 

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Des personnes essentielles mais exploitées

Les personnes qui se voient accorder un visa de travail temporaire dans le cadre du PTET occupent bien souvent des postes essentiels au bon fonctionnement du notre société. Elles travaillent dans l'agriculture, les soins, la construction et d'autres secteurs de l'économie. 

Nombre d’entre elles subissent tout type d’abus : elles sont sous-payées, travaillent de longues heures sans repos dans des conditions dangereuses, vivent dans des logements surpeuplés, sans intimité, contrôlées par leur employeur·e. Elles sont parfois victimes d'insultes racistes et de violences physiques, et les femmes en particulier, de violences sexistes. Lorsqu'elles se blessent au travail, elles ne bénéficient pas toujours de soins médicaux adéquats. 

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Des recours inefficaces et inadaptés

Les travailleuses et travailleurs avec qui Amnistie s’est entretenue ont eu le sentiment de ne pas pouvoir quitter leur emploi ou dénoncer leur employeur sans s’exposer à des conséquences néfastes pour leurs revenus et leur statut migratoire. Pour les personnes ayant procédé à des signalements, déposer des plaintes liées au travail nécessitait de pouvoir rester dans le pays et engager de longues procédures, puisque des années s’écouleraient avant qu’elles ne puissent bénéficier de la moindre forme de réparation.  

Les réparations sont très limitées pour certaines de ces personnes, et insuffisantes, voire inexistantes, pour d’autres, car chaque atteinte fait l’objet d’une procédure distincte, ce qui empêche un traitement global de l’ensemble des atteintes aux droits humains. 

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Quelles solutions ?

Le droit de changer d’employeur : abolition du permis de travail fermé

Les autorités fédérales canadiennes doivent réformer le PTET pour éviter la discrimination envers les travailleuses et travailleurs migrants racisés, en accordant des permis de travail ouverts, en supprimant les permis de travail liés à un employeur et en garantissant un accès égal aux droits.

Le droit à la non-discrimination dans le système d’immigration

Le Canada et le Québec doivent supprimer les critères d’admissibilité aux programmes d’immigration économique entrainant une discrimination des travailleurs migrants « peu spécialisé.e.s » en raison de leur classe, leur genre, leur nationalité ou leur race. 

Le droit d’être traité comme tout autre travailleur

Les autorités doivent également veiller à ce que les travailleurs aient accès à des soins de santé adaptés, à des logements dignes, à la sécurité sociale, et à un droit de négociation collective. Les plaintes des travailleurs doivent être traitées rapidement et efficacement, avec une protection contre les représailles. 

Les autorités provinciales doivent revoir les réglementations agricoles pour qu'elles respectent les normes internationales, abroger les lois limitant les droits des travailleurs agricoles et améliorer les inspections de travail, y compris des inspections inopinées.  

Comment vous pouvez agir ?

Signez notre pétition en ligne pour demander au Canada d'abolir les permis de travail fermés et d'accorder des permis de travail ouverts à tous les participant·e·s au PTET. Ensemble, demandons au Canada de Cesser les abus envers les travailleuses et travailleurs migrants !

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