Urgence climatique en territoire innu

Amnistie internationale a effectué une recherche conjointe avec les Pessamiulnuat afin de mieux comprendre les effets des changements climatiques sur les communautés autochtones.

l'innu-aitun en péril

La crise climatique est un enjeu majeur qui provoque des bouleversements importants, observables partout sur la planète. Les effets néfastes qui y sont liés sont toutefois intensifiés dans les communautés autochtones puisque leur mode de vie et leur identité dépendent de leur relation avec le territoire. Amnistie internationale a effectué une recherche conjointe avec les Pessamiulnuat, membres de la nation innue de Pessamit, afin de mieux comprendre le phénomène et proposer des pistes de solutions.

LA NATION INNUE DE PESSAMIT 

La communauté innue de Pessamit est située sur la Côte-Nord, à l’embouchure du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Betsiamites. Le Nitassinan, signifiant « notre terre » en innu-aimun, est le nom utilisé par la communauté pour désigner leur territoire ancestral, revendiqué et non cédé.  

1. Les impacts des dérèglements climatiques

Les dérèglements climatiques ont provoqué de nombreux bouleversement pour la communauté de Pessamit. La chaleur intense de l’été assèche les arbres. Les changements de température provoquent une modification importante des espèces sur le territoire. Les tempêtes et la réduction des glaces sur le fleuve causent de l’érosion et empêchent l’organisation de cérémonie traditionnelle sur le rivage. La diminution de la neige en hiver et l’imprévisibilité de la météo perturbent également les déplacements du peuple innu sur le Nitassinan. 

« L’intérêt qu'on porte envers les changements climatiques a commencé il y a environ 20 ans, en voyant la problématique exacerbée par l’érosion des berges. C’est une crise sur la Côte-Nord. Et nous, à Pessamit, nous aussi on est vulnérables. »

— David Toro

2. DES INDUSTRIES NÉFASTES 

Industries forestières

Les coupes forestières ont diminué considérablement les forêts de sapins et d’épinettes du Nitassinan. Les paysages sont complètement modifiés. L’écosystème est plus vulnérable aux vents et aux pluies et l’habitat de plusieurs espèces est détruit. Les coupes à blanc modifient également la biodiversité : les arbres qui repoussent ne sont plus les mêmes et certaines plantes utilisées pour la médecine traditionnelle ont été coupées. 

« Le caribou disparaît à cause de la déforestation, parce que son abri naturel, c’est la forêt contre la prédation. »

— Adélard Benjamin

Industries hydroélectriques

Treize centrales hydroélectriques et 16 barrages d’Hydro-Québec occupent le Nitassinan. Sans grande surprise, la majorité de ces centrales ont été construites sans consentement véritable des Innu·e·s de Pessamit. Les inondations créées pour construire les réservoirs ont fait disparaître des terres cultivées et des forêts, et ont engendré la mort de nombreux animaux. Les infrastructures hydroélectriques ont eu des impacts néfastes sur la pêche, l’irrigation et la navigation des cours d’eau, tous des éléments primordiaux au mode de vie de la communauté. De plus, les réservoirs sont une source importante d’émissions de gaz à effets de serre et participent au réchauffement des cours d’eau environnants, ce qui provoque des perturbations au niveau de l'écosystème marin.

« Nos ancêtres ont arrêté de rejoindre les territoires à cause des barrages, en raison de leur inaccessibilité par canoë. »

— Olivier Bacon

3. Les conséquences des politiques colonialistes

Au-delà de ces enjeux, les politiques colonialistes briment les droits des Pessamiulnuat. Outre les pensionnats, la rafle des années 60, les violences envers les femmes autochtones, la Loi sur les Indiens, instaurée en 1876 dans le but d’assimiler les Autochtones et de les déposséder de leur territoire, est toujours en vigueur, malgré quelques amendements. Les aîné·e·s ont moins la possibilité de partager certaines de leurs connaissances liées à l’occupation du territoire, ce qui nuit à leur identité. Le manque de contrôle des Autochtones sur leur territoire limite leur capacité à faire face adéquatement aux changements climatiques. Le mode de vie plus sédentaire, directement lié aux politiques colonialistes, nuit aussi à la transmission de la langue innue-aimun.

« On perd nos langues parce qu’on est obligé de suivre les programmes du gouvernement. Moi-même je perds des notions innues-aimun. »

CONSULTATION ET CONSENTEMENT  

La communauté de Pessamit dénonce un manque d’écoute et de consultation de la part des gouvernements et des industries forestières et hydroélectriques. Pourtant, le Canada endosse maintenant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et celle-ci spécifie que le consentement préalable, libre et informé est incontournable pour tout projet qui touche les Autochtones et leur territoire. 

LES RECOMMANDATIONS D’AMNISTIE INTERNATIONALE 

Face à ces problèmes majeurs, Amnistie internationale propose six recommandations pour le gouvernement provincial et sept pour le gouvernement fédéral, afin que ceux-ci travaillent conjointement avec les Pessamiulnuat pour limiter les impacts de la crise climatique sur le territoire innu.

« On est consultés pour la forme. On propose de nouvelles façons de faire, mais on n’est pas écoutés. On n'est pas pris au sérieux. »

— Éric Kanapé