Lettre d'Amnistie internationale. Les principes de droits humains et la COVID-19
L’honorable Justin Trudeau Premier ministre du Canada
80 rue Wellington Ottawa,
Ontario, K1A 0A2
24 mars 2020
Objet : Renforcer la protection des droits humains dans la réponse du Canada à la COVID-19
Monsieur le Premier ministre Justin Trudeau,
Au nom des sympathisantes et des sympathisants d’Amnistie internationale de tout le pays, nous vous offrons nos meilleures pensées, à vous et à votre famille, en ce moment difficile où vous êtes en isolement volontaire et où Sophie Grégoire Trudeau se remet du virus de la COVID-19. Nous tenons à féliciter les représentantes et représentants de votre gouvernement et des autres paliers de gouvernement de tout le pays pour les efforts diligents qu’ils mettent à répondre et à contenir la propagation de cette pandémie au Canada.
Monsieur le premier ministre, Amnistie internationale surveille attentivement les implications sur les droits humains des efforts des gouvernements partout dans le monde pour traiter et prévenir la propagation de la COVID-19, de même que les impacts des mesures de restrictions que tous ces gouvernements adoptent, et de la crise économique qui en résulte. Nous faisons cela car nous constatons, dans le document que nous publions aujourd’hui sur les dix principes pour Mettre les droits humains au cœur de la réponse du Canada à la pandémie de COVID-19, que tous les éléments de cette crise concernent directement un grand nombre de nos obligations en matière de droits humains.
Nous vous écrivons pour attirer tout spécialement votre attention sur la 9 e recommandation qui porte sur la nécessité de renforcer la reddition de compte et la surveillance en matière de droits humains, dans la réponse à la COVID-19.
La nécessité d’agir et de stopper la propagation du virus est clairement une obligation de droits humains. La nécessité de le faire en prenant en compte les communautés les plus vulnérables est aussi clairement une obligation des droits humains. Et l’importance d’éviter ou de limiter d’autres violations des droits humains dans le cadre de cette réponse est encore clairement une obligation de droits humains. Avec des décisions qui sont prises rapidement, des politiques adoptées et des lois votées tout aussi rapidement par les divers paliers de gouvernement dans le pays, avec peu de temps pour des consultations plus vastes, il devient plus que jamais nécessaire de porter attention et d’analyser scrupuleusement les conséquences de toutes ces mesures sur les droits humains.
Nous vous demandons d’agir rapidement pour mettre en place un Comité de surveillance des droits humains, composé de différents expertes et experts, et reflétant les communautés les plus vulnérables face aux violations des droits humains. Cela pourrait inclure des personnes des différentes Commissions des droits humains des paliers de gouvernement fédéral, provinciaux et territoriaux, des organisations des peuples autochtones, de la société civile et du milieu universitaire. Le comité pourrait avoir le mandat de fournir des avis rapides et immédiats aux divers gouvernements du pays quant à l’impact des décisions à prendre en matière de droits humains, ainsi que des recommandations sur certains enjeux de droits humains liés aux actions à prendre pour contrer la COVID-19.
Plus spécifiquement, le Comité adopterait une approche de genre inter sectionnelle pour évaluer l’impact sur les droits humains. Le Comité pourrait aussi déterminer les données statistiques ainsi que l’information nécessaires pour que les analyses d’impact sur les droits humains soient pertinentes. Par la production de rapports publics périodiques, le Comité contribuerait à garantir aux Canadiennes et aux Canadiens que les droits humains sont effectivement au cœur de la réponse des gouvernements à la crise.
Nous demandons aussi que des personnes représentant les commissions des droits humains des paliers de gouvernement fédéral, provinciaux et territoriaux fassent partie des comités spéciaux, des groupes d’urgence et autres instances mises en place par les gouvernements du pays pour superviser et coordonner leurs réponses à la crise de la COVID-19. Nous recommandons aussi que vous invitiez un membre de la Commission canadienne des droits de la personne à jouer un rôle officiel au sein du comité du Cabinet sur la COVID-19.
Monsieur le premier ministre, c’est très souvent après coup que les gouvernements doivent rendre compte de violations des droits humains commises en temps de crise ou d’urgence. Nous demandons instamment à votre gouvernement de mettre en place ce Comité afin que les questions de droits humains soient prises en compte dès le départ, de façon plus délibérée, et qu’elles soient anticipées, identifiées et atténuées.
Nous aimerions pouvoir rencontrer des représentantes et représentants du gouvernement afin de poursuivre cette discussion.
Sincèrement,
France-Isabelle Langlois
Directrice générale,
Amnistie internationale Canada francophone
Alex Neve
Secrétaire général,
Amnesty International Canada (English branch)
Annexe : Mettre les droits humains au coeur de la réponse du Canada à la pandémie de COVID-19