Bilan d’Amnistie internationale & programme de défense des droits humains 2018 à l’intention du Canada : des progrès contrastés et beaucoup de travail à l’horizon
À l’heure où la session parlementaire reprend et où députés et sénateurs se mettent à l’ouvrage pour s’attaquer à des défis nombreux et de grande envergure, le Programme de défense des droits humains 2018 à l’intention du Canada d’Amnistie internationale fait état d’un bilan contrasté en ce qui a trait aux progrès réalisés en 2017. Le bilan présente d’importantes recommandations en faveur d’une action humanitaire nationale et internationale pour l’année qui vient, appelant à un engagement politique soutenu, à des moyens accrus et à un leadership fort.
Le rapport, intitulé La défense des droits : une réponse aux divisions et à l’instabilité, note qu’à mi-chemin de son mandat, dans un contexte mondial marqué par des conflits violents et la montée de la haine et du sectarisme, le gouvernement Trudeau a su saisir plusieurs occasions d’avancées rapides sur des questions de droits humains. Les percées réalisées dans les deux premières années se sont essentiellement traduites par de nouvelles politiques et stratégies d’importance, et la prise d’engagements ambitieux. Mais sur bien des fronts de la lutte pour les droits de la personne, on constate un décalage ou un fossé grandissant entre la parole et les actes. Dans la prochaine année, il faudra un effort concerté et soutenu pour mettre les droits humains au centre des priorités, par la prise de décisions concrètes, l’affectation de ressources et une volonté de dire « non » quand les obligations relatives aux droits de la personne l’exigent.
« Le gouvernement Trudeau a piloté plusieurs réalisations d’importance au chapitre des droits de la personne en 2017. Parmi les plus marquantes, citons des protections juridiques accrues pour les personnes transgenres, une réparation attendue depuis longtemps pour quatre Canadiens victimes d’abus commis au nom de la sécurité nationale, la première rencontre ministérielle fédéral-provincial-territorial sous le thème des droits internationaux de la personne en 29 ans, une action énergique en faveur de la protection des réfugiés sur la scène internationale, et l’annonce récente de la création d’un poste d’ombudsman canadien pour la responsabilité sociale des entreprises », commente Alex Neve, secrétaire général de la branche anglophone d’Amnistie internationale Canada.
Mais le constat essentiel qui ressort de l’évaluation d’Amnistie internationale, c’est que le gouvernement fédéral doit aller plus loin, s’atteler aux tâches les plus difficiles et s’engager à régler des dossiers aussi pressants que préoccupants, qui sont au point mort et où certaines des décisions ayant été prises bafouent ouvertement les obligations du Canada en matière de droits de la personne.
« Souvent, ces défis sont complexes sur le plan politique, et beaucoup mettent en jeu de puissants intérêts économiques qui, trop souvent, prennent le pas sur les considérations relatives aux droits humains. Au nombre des faits préoccupants, citons l’incapacité à mettre fin à la construction du barrage du site C dans le nord-est de la Colombie-Britannique, l’autorisation de la vente de véhicules blindés d’une valeur de 15 milliards de dollars à l’Arabie saoudite, diverses violations des droits de demandeurs d’asile et d’autres migrants au sein même du Canada, et le maintien de la culture du secret à l’égard des évaluations canadiennes de la situation des droits de la personne dans les autres pays. »
Le rapport d’Amnistie internationale se penche sur les progrès accomplis par le gouvernement Trudeau dans la mise en œuvre des 35 recommandations formulées dans le cadre de son Programme de défense des droits humains 2017 à l’intention du Canada, paru en janvier 2017. Au total, 5 recommandations ont été concrétisées, et la mise en œuvre de 7 autres, bien qu’inachevée, progresse à bon train et s’annonce prometteuse. Toutefois, le climat d’incertitude et d’inquiétude a empêtré les progrès du Canada dans la mise en œuvre dans la majorité des autres recommandations (23), incluant 5 recommandations marquées par le statu quo ou par un échec total et pour lesquelles Aministie internationale a de graves préoccupations. Dans l’ensemble, le bilan en est un de progrès encourageants mais fragmentés pour le tiers des recommandations, et d’incertitude de degré variable pour les deux tiers restants.
En réponse à ces enjeux, le rapport présente 33 nouvelles recommandations d’action pour 2018, organisées en sept thèmes, dont certaines déjà présentes l’an dernier :
- Incorporer le respect du droit au consentement préalable, donné librement et en toute connaissance de cause dans toutes les décisions mettant en jeu les revendications territoriales des peuples autochtones.
- Élaborer et décréter un plan d’action national contre la violence sexospécifique.
- Suspendre l’Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les tiers pays sûrs.
- Renforcer la mise en oeuvre des lignes directrices Voix à risque pour mieux protéger et soutenir les défenseurs des droits de la personne qui dénoncent les répercussions liées aux activités des multinationales canadiennes à l’étranger.
- Corriger les carences sur le plan des droits humains de la réforme de la sécurité nationale proposée dans le projet de loi C-59.
- Donner suite aux engagements pris à la réunion ministérielle fédérale-provinciale-territoriale de décembre 2017 pour renforcer la coopération intergouvernementale dans l’exécution des obligations internationales du Canada en matière de droits humains.
- Élaborer une stratégie globale féministe de défense des droits humains, assortie d’un engagement en faveur d’une action militante cohérente et d’une transparence accrue.
« Les recommandations contenues dans le Programme de défense des droits humains 2018 à l’intention du Canada d’Amnistie internationale sont d’autant plus pressantes que le leadership canadien en matière de droits de la personne est de plus en plus sollicité sur la scène internationale. En cette période où agitation et violence se font sans cesse plus vives dans un nombre croissant de pays, et où l’on observe une montée troublante des discours incitant à la haine et à la division sortant de la bouche de dirigeants prêts à bafouer les droits humains par opportunisme politique, il est impératif que le Canada mette ses meilleurs atouts à contribution sur le front humanitaire », déclare Geneviève Paul, directrice générale par intérim de la branche francophone d’Amnistie internationale Canada. « Jusqu’à maintenant, le gouvernement Trudeau a pris plusieurs engagements louables en faveur des droits humains, et mis en œuvre plusieurs mesures importantes. Il est maintenant temps de s’atteler aux tâches les plus difficiles et nous pressons donc le gouvernement de faire preuve de courage en réaffirmant à travers des actions concretes au cours de l’année qui vient son attachement aux principes de justice, d’égalité et de droits universels. »