Amnistie internationale et la Ligue des droits et libertés font le point sur leur mission d’observation conjointe
À la veille du G7, la Ligue des droits et libertés (LDL) et Amnistie internationale Canada (AI) souhaitent faire le point sur l’avancement de leur mission d’observation des libertés civiles. Depuis que cette mission a été annoncée le 18 avril dernier, les deux organisations ont obtenu certaines assurances, mais demeurent préoccupées concernant de nombreux sujets.
Démarches auprès des autorités
Le ministre de la Sécurité publique du Québec, M. Coiteux, a reconnu la mission et acquiescé à notre demande d’assurer sa bonne réalisation. De fait, il nous a assuré que les démarches nécessaires seraient effectuées « pour que les observateurs indépendants puissent circuler à l’intérieur du périmètre de sécurité ainsi que dans les différents lieux de détention. » Notre équipe d’observateurs et d’observatrices a effectivement obtenu les accréditations nécessaires. Nous avons par ailleurs établi, avec les représentants de la SQ, des canaux de communication afin de faciliter nos échanges tout au long de cette mission.
« La police nous a dit qu’elle avait appris des erreurs commises dans le passé, précise Nicole Filion, coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés, et notamment lors du Sommet des Amériques en 2001 et du Printemps érable en 2012 (les comportements des forces policières avaient été condamnés par des instances nationales et internationales). L’objectif de la mission est justement de s’assurer que ces engagements se traduisent dans les faits, que ce soit lors des manifestations, ou, s’il y a lieu, dans les lieux de détention. »
À propos des manifestations
Nous avons constaté un certain changement de discours de la part des forces policières qui disent vouloir éviter l’utilisation de la force et les arrestations sans élément de preuve. Toutefois, certaines mesures annoncées publiquement et liées aux préparatifs du sommet ainsi que nos échanges avec l’Établissement de détention de Québec confirment une anticipation importante d’arrestations de masse.
« Nous sommes préoccupé-e-s de noter que certaines des armes qui pourraient être utilisées sont potentiellement mortelles (RBBG – rubber ball blast grenade, BIP), ajoute Nicole Filion. De plus, il nous manque toujours certaines informations désirées concernant les armes qui seraient utilisées et leurs conditions d’utilisation. »
À propos des centres de détention
Des membres de la mission ont eu l’occasion de visiter les centres de détention temporaire (centres d’opération du traitement des contrevenants : COTC) qui semblent en théorie tenir compte des graves violations commises entre autres au G20 à Toronto (par exemple : droit à l’avocat, infirmerie). « Toutefois, précise Geneviève Paul, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, s’il devait y avoir des arrestations de masse, ce qui serait contraire à ce qui nous a été annoncé et indiquerait des arrestations arbitraires et abusives, les différents scénarios de transfert prévus risqueraient d’entraîner d’autres violations de droits, telles que la détention prolongée dans un autobus sans accès aux toilettes, préoccupations que nous avons déjà soulevées dans nos échanges avec les autorités policières ».
Enfin, pour nous assurer que les principes énoncés se traduisent dans la pratique, l’accès aux témoignages des personnes détenues est essentiel. Or, malgré nos demandes répétées, il nous sera interdit d’interagir avec les détenu-e-s tant qu’ils ou elles ne seront pas sorti-e-s des COTC. La présence d’observatrices permettrait pourtant à la Sureté du Québec de notamment corriger, en temps réel, toute situation problématique, à l’image de l’entente que nos organisations ont obtenue avec l’Établissement de détention de Québec.
Une mission nécessaire
Amnistie internationale Canada et la Ligue des droits et libertés reconnaissent les efforts de coopération avec les autorités policières et l’existence d’un point de liaison réactif, mais s’inquiètent du double langage et craignent un écart entre le discours et la réalité sur le terrain au cours des prochains jours. La population doit pouvoir venir manifester sans crainte pour ses droits.
« Nous sommes inquiets de certaines déclarations dans l’espace public qui alimentent une peur des manifestant-e-s en transformant des actes marginaux en généralités, conclut Nicole Filion. Nous tenons à rappeler que lors des sommets précédents, ce sont les forces policières qui ont commis des violations de droits et ont été blâmées. Quant aux nombreuses personnes qui ont été arrêtées, les chiffres démontrent que la très grande majorité de ces arrestations étaient injustifiées. Sur les 1 100 personnes arrêtées au G20, 6% ont fait l’objet d’accusation. »
Complément d’informations sur la mission conjointe d’observation des libertés civiles
La mission est composée d’une quarantaine de personnes aux profils variés, issus majoritairement des rangs des deux organisations. Elles ont toutes reçues la même solide formation de base obligatoire et se sont toutes engagées à respecter le principe de neutralité. Amnistie internationale Canada et la Ligue des droits et libertés ont toutes les deux une longue expérience dans la documentation des violations des droits humains, et plusieurs membres de la mission ont eux-mêmes déjà participé à des missions d’observation.
« Les observatrices et observateurs ont également un devoir de réserve vis-à-vis des médias » souligne Mme Paul. Leur rôle est de relever toutes les informations pertinentes en lien avec les droits civils et de fournir ces informations à l’équipe qui va les colliger et les analyser. »
Nos équipes sont sur place à Québec et La Malbaie. Nous planifions déployer la mission d’observation du 6 au 9 juin, aux endroits qui justifieraient la présence d’observatrices et observateurs neutres dans le cadre du G7.
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