• 16 avr 2020
  • Europe et Asie centrale
  • Communiqué de presse

Grâce à la mobilisation croissante de femmes, de militant·e·s anticorruption et de défenseur·e·s de l’environnement, l’espoir grandit pour les droits humains

Bravant des États oppressifs qui privent les gens de leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, plusieurs milliers de militantes et militants de la région couvrant l’ex-URSS, des jeunes pour beaucoup, sont descendus dans la rue, ont participé à des campagnes en ligne et ont fait preuve d’imagination pour apporter leur contribution aux droits humains, suscitant l’espoir d’un avenir meilleur, a déclaré Amnistie internationale ce jeudi 16 avril à l’occasion du lancement de son rapport annuel sur l’Europe de l’Est et l’Asie centrale.

« En 2019, malgré ce tableau peu réjouissant d’une région de près de 300 millions d’habitant·e·s, minée par la corruption et sous la coupe de régimes de plus en plus autoritaires, les citoyens et citoyennes ordinaires d’Europe de l’Est et d’Asie centrale ont été plus nombreux que les années précédentes à descendre dans la rue. Les femmes, les militant·e·s anticorruption et les défenseur·e·s de l’environnement ont joué un rôle de plus en plus important et influent dans les actions collectives et les manifestations. Les populations de la région se sont notamment mobilisées sur des sujets tels que la baisse des niveaux de vie, les expulsions forcées et la fraude électorale, a déclaré Marie Struthers, directrice d’Amnistie internationale pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale.

« Malgré les obstacles considérables et notamment des risques personnels élevés, le besoin de justice, d’obligation de rendre des comptes et de respect des droits humains est resté vif au sein de la nouvelle génération et parmi celles et ceux dont la voix avait été réduite au silence les années précédentes. »

Répression et recours à la violence contre les manifestant·e·s 

À de rares exceptions près, qui se sont donc révélées d’autant plus encourageantes, le droit à la liberté de réunion a été soumis à de lourdes restrictions partout dans la région, les gouvernements de certains pays allant même jusqu’à interdire les actions de protestation « non autorisées » individuelles. De l’Azerbaïdjan à la Russie, les autorités ont opposé la violence policière aux rassemblements pacifiques et ont poursuivi en justice des personnes qui avaient organisé ces rassemblements ou y avaient participé. 

Ce contexte répressif n’a pourtant pas empêché des milliers de personnes de manifester, que ce soit en Géorgie, où elles ont protesté contre le conflit persistant avec la Russie et les promesses non tenues du gouvernement en matière de réforme électorale, en Azerbaïdjan, bravant ainsi à maintes reprises la répression brutale de toute forme d’opposition politique dans le pays, ou encore au Kazakhstan, en réaction au changement de président orchestré par Noursoultan Nazarbaïev, celui-ci passant la main à son successeur désigné, Kassym-Jomart Tokaïev. 

La Russie a connu ses plus grandes manifestations depuis plusieurs années, les protestataires pacifiques réclamant la justice et la reconnaissance de leur droit d’élire qui bon leur semblait pour les représenter. À Moscou, à la suite de ces manifestations, une vingtaine de personnes ont été mises en examen et condamnées, alors que la plupart d’entre elles n’avaient commis absolument aucun acte violent ou délictueux. 

« Les représailles visant les personnes qui ont participé aux manifestations massives à Moscou ont déclenché un élan de solidarité sans précédent et donné lieu à la création de nombreux collectifs, qui ne sont pas une simple conséquence de la répression politique et témoignent au contraire d’une prise de conscience accrue des droits civils et du pouvoir du peuple en Russie », a déclaré Natalia Zviagina, directrice du bureau d’Amnistie internationale en Russie.

Les militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains en ligne de mire

La région d’Europe de l’Est et d’Asie centrale reste celle où les gouvernements ont fait tout leur possible pour limiter les activités des organisations de la société civile et des ONG de défense des droits humains. La Russie a établi un dangereux précédent dans la région en mettant au point un système extrêmement complexe de restrictions législatives, et en créant notamment de nouvelles catégories juridiques : « agents de l’étranger » et « organisations indésirables ». En 2019, le statut d’« agent de l’étranger » a été étendu aux particuliers, dont les blogueurs ou blogueuses et les journalistes indépendants. 

Les autres pays de la région ont quant à eux eu recours à des méthodes moins sophistiquées mais éprouvées, à savoir les arrestations illégales, les actes de harcèlement et les manœuvres d’intimidation à l’encontre des militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains. En Ouzbékistan, où le décès du président Islam Karimov avait fait naître l’espoir d’une amélioration de la situation, les autorités ont continué de harceler et surveiller les militant·e·s des droits civiques. Au Tadjikistan, les intimidations et les menaces de détention arbitraire et de torture ou d’autres mauvais traitements visant les défenseur·e·s des droits humains étaient toujours monnaie courante, d’autant plus que le ministère de la Justice s’est vu octroyer davantage encore de pouvoirs pour maintenir les ONG sous le contrôle de l’État. Au Turkménistan, la répression systématique de toute voix dissidente rendait impossible le travail en faveur des droits humains dans le pays autrement que sous forme clandestine.

Même dans les pays jouissant d’un plus grand pluralisme politique et social, comme au Kirghizistan ou en Ukraine, les forces de l’ordre et l’appareil judiciaire ont manqué à leurs obligations envers les militant·e·s et les défenseur·e·s des droits humains, se montrant incapables de garantir réellement leur protection. Qui plus est, au Kirghizistan, la déclaration de culpabilité infondée qui avait été prononcée en 2010 contre Azimjan Askarov, défenseur des droits humains ouzbek poursuivi en justice en raison de son travail en faveur des droits fondamentaux, et la peine de réclusion à perpétuité qui lui avait été infligée ont de nouveau été confirmées. En Ukraine, les violentes agressions dont faisaient régulièrement l’objet les journalistes et les militant·e·s, et les infractions motivées par la haine commises contre des groupes marginalisés ne donnaient quasiment jamais lieu à une véritable enquête.

Une aube nouvelle pour les droits humains ?

En dépit d’un climat de très mauvais augure pour les droits humains en Europe de l’Est et en Asie centrale, les initiatives de militant·e·s mais aussi de simples citoyens et citoyennes qui ont eu le courage de tenir tête à des autorités outrepassant leurs prérogatives ont porté leurs fruits à plusieurs reprises, offrant davantage d’espoir pour l’avenir.

La ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées au Kirghizistan, en faveur de laquelle Amnistie internationale avait fait campagne, a ouvert la voie à l’éventuelle intégration dans la société de 180 000 personnes en situation de handicap. En Moldavie, après des années d’action militante soutenue, la plus grande marche LGBTI à ce jour a pu se tenir à Chișinău, sous protection policière. De même, en Ukraine, la plus grande marche des fiertés jamais organisée à Kiev ne s’est pas résumée à une simple démonstration de courage des militant·e·s des droits des personnes LGBTI, mais a été pour les participant·e·s une véritable fête. 

Le mouvement en faveur de l’autonomisation des femmes et de l’égalité des genres s’est révélé de plus en plus efficace pour remettre en cause le conservatisme social dans de nombreux pays. En septembre, quelque 200 féministes ont organisé le premier rassemblement officiellement autorisé en faveur des droits des femmes au Kazakhstan. Le mois suivant, de courageuses défenseures des droits des femmes sont descendues dans la rue en Azerbaïdjan pour combattre la violence domestique, en dépit de l’intervention de la police pour tenter de les disperser et des arrestations qui ont suivi.

« L’empressement avec lequel plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue, que ce soit à Moscou, à Bakou ou à Bichkek, fait apparaître une nouvelle tendance au sein des populations d’Europe de l’Est et d’Asie centrale et, en particulier, parmi les jeunes, qui exigent de plus en plus le respect, la protection et la réalisation de leurs droits, et se montrent de plus en plus déterminées à revendiquer ces droits auxquels l’ancienne génération avait renoncé en raison des abus de pouvoir des autorités. Les gouvernements qui continuent de réagir à cette tendance en volant les droits et les perspectives d’avenir de leurs citoyens et citoyennes se retrouveront du mauvais côté de l’Histoire. C’est la leçon que nous pouvons tirer du pouvoir du peuple en 2019 », a déclaré Marie Struthers.

 

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