Amnistie internationale pleure la perte d’un militant nigérian des droits humains
Patrick Naagbanton se battait avec courage et ferveur pour les droits humains, et il a consacré sa vie à aider les autres, a déclaré Amnistie internationale ce mercredi 25 septembre. L’organisation pleure la disparition du militant et écrivain de 49 ans, mort le 21 septembre 2019 à Port Harcourt (Nigeria).
« L’œuvre de sa vie a été de faire campagne en faveur de la justice et de défendre les droits de citoyennes et citoyens ordinaires du Nigeria. Il laisse derrière lui un héritage immense, non seulement vis-à-vis de toutes ces personnes qu’il a aidées, mais aussi pour les innombrables militantes et militants qu’il a pris sous son aile et pour qui il a été un modèle », a souligné Kumi Naidoo, le secrétaire général d’Amnistie internationale.
Patrick Naagbanton a travaillé dans tout le pays, mais il se concentrait principalement sur sa région natale, le delta du Niger. Cette région a subi les ravages d’une pollution due à l’industrie pétrolière, ainsi que des années d’actions radicales, de niveaux de criminalité élevés et de violences liées à la situation politique.
« Patrick Naagbanton était un enquêteur des droits humains très compétent et très efficace, et ce dans l’une des zones les plus dangereuses de la planète. Il avait un carnet d’adresses incroyable, et il aimait prendre les transports en commun pour connaître les préoccupations des gens ordinaires. Il était sympathique, charismatique, altruiste et courageux. Amnistie internationale perd un ami très cher », a déploré Kumi Naidoo.
Patrick Naagbanton a commencé à militer lors de la campagne menée en faveur de la démocratie au début des années 1990, lorsque le Nigeria était sous le joug d’un régime militaire violent. Cette campagne sera couronnée de succès. Les autorités ont harcelé et arrêté Patrick Naagbanton à maintes reprises, ainsi que d’autres militantes et militants. En 1996, elles l’ont maintenu en détention à l’isolement pendant plus d’un mois. L’année précédente, le régime avait exécuté le mentor de Patrick Naagbanton, Ken Saro-Wiwa, qui avait pris la tête d’une campagne contre l’industrie pétrolière. Patrick Naagbanton ne s’est pas laissé décourager par ces événements et a continué d’agir clandestinement.
En 2005, il a fondé le Centre nigérian pour l’environnement, les droits humains et le développement (CEHRD), qui mène des travaux de recherche de première importance, des activités de plaidoyer et des campagnes en faveur des habitantes et habitants du delta du Niger. Patrick Naagbanton et ses collègues du CEHRD ont participé au succès d’une des plus importantes affaires internationales de responsabilité des entreprises de ces dernières années, lorsque la population de Bodo a poursuivi la multinationale pétrolière Shell devant la Haute Cour de Londres. Dans l’accord à l’amiable auquel elle est parvenue avec les victimes de Bodo, Shell a accepté de payer 70 millions de dollars (55 millions de livres sterling) pour couvrir les dommages causés par deux énormes fuites de pétrole. À l’origine, l’entreprise avait proposé moins de dix mille dollars.
Patrick Naagbanton a également aidé la famille de Ken Saro-Wiwa à poursuivre Shell devant la justice américaine, pour le rôle qu’elle estimait que l’entreprise avait joué dans sa mort. À la veille de l’ouverture du procès, en 2009, Shell est parvenue à un accord à l’amiable avec les plaignants. L’entreprise a versé 15,5 millions de dollars à la famille, mais n’a pas reconnu sa responsabilité.
En 2012, Patrick Naagbanton a démissionné de son poste de coordonnateur du CEHRD pour poursuivre ses activités militantes par d’autres biais. Il a continué à enquêter sur les violations des droits humains dans le delta du Niger et dans d’autres régions du Nigeria, parfois en collaboration avec des collègues d’Amnistie internationale. Patrick Naagbanton écrivait également pour des journaux, et il a publié plusieurs recueils de poésie.
Le CEHRD a déclaré que Patrick Naagbanton était mort après avoir été renversé par une voiture à Port Harcourt. Amnistie internationale appelle les autorités à veiller à ce que son décès fasse l’objet d’une enquête approfondie.